Suite de notre partenariat avec le musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, dédié à l’histoire de la photographie, qui nous a autorisé à reproduire certains articles consacrés au cinéma paru dans le magazine légendaire de Lucien Vogel : VU (dont ils possèdent l’intégralité, de 1929 à 1940).
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Nous avons donc commencé cette série avec le numéro spécial que VU a consacré le 1 avril 1931 à Charlie Chaplin à l’occasion de la sortie parisienne des Lumières de la Ville.
Le premier article “Charlie Chaplin auteur par René Clair” a été mis en ligne ici.
Le second signé du réalisateur Mack Sennett, celui qui a découvert Charlie Chaplin en 1914 et lui a permis de débuter dans sa compagnie Keystone est à lire là.
Le troisième était de Fred Karno qui lui donna sa chance à Londres (à lire là).
Le quatrième était de Charlie Chaplin lui-même qui évoquait quelques souvenirs, ici.
Le cinquième était l’évocation par le scénariste/réalisateur/romancier/journaliste Carlo Rim de la venue à Paris au printemps 1931 de Charlie Chaplin pour le lancement des Lumières de la ville, là.
Le sixième était l’évocation à Londres de la venue de Charlie Chaplin pour le lancement des Lumières de la ville par l’humoriste Cami, ami de Chaplin, ici.
Le septième était la critique de Jean Prévost des Lumières de la ville paru dans ce même numéro spécial, là.
Le huitième est un article très pertinent de Pierre Scize sur Charlie Chaplin et son rapport (sa critique) avec l’Amérique, là.
Le neuvième est écrit par le photographe James E. Abbé à propos des photographies qu’il fit de Chaplin, à lire là.
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Pour finir, voilà un article d’Henri Tracol sur les comédiens que Chaplin fit beaucoup tourner avec lui au début de sa carrière.
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En espérant que vous aurez pris autant de plaisir à lire ces articles que nous.
Attributs et satellites de Charlot
paru dans VU du 1 avril 1931
Charlot s’évade…
Tel pourrait être le titre général des œuvres complètes de Charlie Chaplin.
Car tout cet univers que Chaplin metteur en scène impose à Charlot son personnage, d’une pirouette, Chariot s’en échappe.
D’ailleurs sans révolte : il accepte tout, il s’adapte à tout, avec d’autant plus d’aisance qu’il nargue tout, qu’il tourne tout en ridicule. Il est toujours au delà de ce qu’il subit : la faim, l’amour, qu’importe ? Chariot sentimental ? Sans doute, mais le voici qui raille l’amour, qui raille la pitié. L’ivresse de ce jeu le venge de l’absurdité de la vie.
Et pourtant que d’embûches ! Et que de ruses, que d’ingéniosité ne faudra-t-il pas à Charlot pour devenir l’axe, le centre, de cet univers qui prétendait l’écraser sous ses lois. Il lui faut compter avec la fatale coalition des circonstances, avec la rigueur mathématique du Hasard, avec l’inconscience et la cruauté de l’amour.
Tout est prévu, tout est réglé d’avance : le décor, — très sommaire et qui change peu — les accessoires — tous plus embarrassants les uns que les autres —, les comparses — malfaisants ou stupides —, et jusqu’à son propre personnage, sa démarche, ses réflexes inévitables, infaillibles, au même titre que ses godillots, que sa canne, que son melon, que sa moustache, Et que son silence, en dernière analyse.
Tous ces éléments vont s’animer, s’enchevêtrer, s’harmoniser, la musique, le cinéma, que d’analogies : Chaplin compose ses films. Les décors, les accessoires, les personnages, autant de thèmes à confronter, de variations à développer. Il y a le rythme, la mesure. Plus ce cadre sera rigide, et plus Charlot se jouera de ses limites. D’où le rôle réservé à l’escalier roulant du Chef de Rayon, à l’ascenseur de Jour de Paye, au balancier impitoyable, au lit-armoire du Noctambule, au tourniquet de Une cure, à la guimbarde capricieuse et au « transatlantique » récalcitrant de Une journée de Plaisir.
Ses comparses, Chaplin les veut typiques, toutes tares dehors, bien en vue. Leur visage les résume jusqu’à la caricature, on songe aux masques du drame antique.
Chaplin est fidèle à ses compagnons : jusqu’à La Ruée vers l’Or, qui marque une étape de son œuvre, on retrouve dans tous ses films « de série » les mêmes personnages. Troupe étonnante, riche en contrastes ; clavier dont il joue en grand virtuose : collant une barbe à celui-ci, supprimant la moustache de celui-là, déguisant cet autre en femme, et ainsi de suite.
C’est ainsi que Henry Bergmann, l’expert et subtil maître d’hôtel de l’Opinion Publique devient le vieux clown du Cirque, après avoir joué dans Une Vie de Chien le rôle d’une femme corpulente, à qui certaine romance sentimentale arrachait des larmes intarissables.
Et Eric Campbell ? Avec ou sans barbe, qui ne reconnaîtrait son visage, qu’anime d’une façon inquiétante deux yeux énormes, surmontés de sourcils menaçants. Sa formidable carrure en a fait le partenaire rêvé de Charlot, dans tous les films de la série « Mutual » jusqu’au Policeman. Après sa mort, Mack Swain le remplaça dans maints petits films avant qu’il ne devienne le chercheur d’or affamé, qui faillit prendre Charlot pour un poulet dans une scène angoissante de La Ruée vers l’Or.
Rappelons encore les noms de Ben Turpin, qui partagea la vedette avec Charlot dans Music-hall, et dans Charlot joue Carmen ; et de Sydney Chaplin, le frère de Charlie, l’homme à la grosse moustache dans Charlot Soldat et dans bien d’autres bandes.
Quant à Edna Purviance, son visage est inséparable de celui de Charlot dans tant de films, qu’il est inutile d’insister…
C’est sans doute en partie à cette fidélité envers ses partenaires que Charlie Chaplin doit la surprenante continuité de l’atmosphère de tous ses films. De tous les exemples et de toutes les leçons que Charlot nous a proposées, Cette initiative de constituer une troupe cinématographique, de créer quelques personnages caractéristiques et de les entraîner dans chacune de ses aventures, est l’un des plus intéressants. C’est aussi l’un des moins suivis.
Henri Tracol
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Source : Collection Musée Nicéphore Niépce
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Pour en savoir plus :
Le site officiel de Charlie Chaplin.
[youtube width=”420″ height=”315″]https://www.youtube.com/watch?v=BAKPq24MddA[/youtube]
Magnifique bande annonce autour des chefs d’oeuvres de Chaplin.