“Je vais faire du cinema” par Maurice Chevalier (Cinémonde 1928)


Il y a tout juste 90 ans, jour pour jour, sortait le premier numéro de Cinémonde, l’une des grandes revues populaire de cinéma des années trente, sa période faste. La revue continuera dans l’après-guerre mais au fur et à mesure des années cinquante et soixante, elle périclitera, n’ayant su se renouveler.

Falconetti est en couverture du numéro 1 de Cinémonde du 26 octobre 1928 alors que sort à Paris La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer.

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Quoiqu’il en soit, dans les années trente, et surtout dans ses toutes premieres années, Cinémonde fût une revue tout aussi exceptionnelle que Pour Vous, sa rivale dont le premier numéro sortira un mois plus tard, le 22 novembre 1928 (si vous nous voyez venir…)

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Nous avons donc sélectionné cet article paru dans ce premier numéro qui nous permet de rebondir sur le post publié le 22 septembre dernier :

Comment j’ai fait du cinéma par Maurice Chevalier (Pour Vous 1931)

Voici donc l’article que Maurice Chevalier, grande star du Music-Hall de l’époque, fit publier dans Cinémonde au moment où il partit à Hollywood débuter sa carrière au cinéma pour la Paramount, à mettre en perspective avec cette série d’articles qu’il publia en 1931 dans… Pour Vous.

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A la suite de cet article, Maurice Chevalier part donc à Hollywood où il tournera son premier film, et son premier film parlant, La Chanson de Paris (Innocents of Paris)  sous la direction de Richard Wallace. C’est dans ce film qu’il chante pour la première fois au cinéma l’un de ses morceaux fétiche : Valentine.

Paru dans Comoedia 05 juillet 1929

Paru dans Comoedia 05 juillet 1929

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A suivre…

 

“Je vais faire du cinema” par Maurice Chevalier

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

Avant de partir pour les studios américains, le célèbre fantaisiste, Maurice Chevalier, nous a remis avec ses voeux pour notre journal l‘article d’adieu que l’on va lire.

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

Non, je ne suis pas un acteur de cinema. Je vais faire dit cinema, ce n’est pas la même chose.

Je deviendrai peut-être un jour un acteur de cinema. Pour le moment, je suis un fantaisiste de music-hall qui s’essaye à l‘écran. Comprenez-moi bien : Jouer toujours dans des revues qui se ressemblent des scenes conçues dans le même esprit, on finit par lasser et par s’en lasser.

J’avais donc résolu de reprendre après ma dernière representation au Casino de Paris dans Les ailes de Paris mon tour de chant.
Je voulais
presenter un numéro original et cosmopolite, afin de pouvoir me donner la joie de parcourir le monde. Là-dessus, M. Jesse Lasky est venu à Paris.
Il m’a 
vu, il m’a vaincu.
M. Jesse Lasky a des arguments irrésistibles. Des arguments-dollars, intraduisibles en français.
Des arguments techniques aussi.

Mais si, mais si, vous ferez une excellente vedette de ciné. Quoi, vos essais, en France ? Un jeu, un vieux jeu ! Hollywood avec ses spécialistes, ses lumières, ses « gag-men » vous convaincra. Venez, je vous engage !
Bien, très bien Mais moi, à quoi est-ce que je m’engage ?
rien. Vous tournez un film,puis vous revenez à Paris, embrasser votre vieille maman, revoir votre cher public. Pendant ce temps-là, on monte, on projette votre bande. Si elle est réussie, vous revenez tourner un second film. Puis, vous repartez pour l’Europe. Si votre second film donne satisfaction à tout le monde, vous prenez le bateau a nouveau.

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

Le cinema ! Hollywood ! Vous auriez refusé, vous ?
Le cinema. J’adore ca. J’y vais aussi souvent que je peux. C’est l’art d’aujourd’hui, si pres de mon coeur. Rythme, vitesse, images, langage universel.

Hollywood !

Vivre auprès de mon ami Douglas Fairbanks, du grand, du génial Charlot
J’ai accepté.

Lasky, avant que je m’embarque, m’a télégraphié. J’aurai un atout de plus dans mon jeu, car mon premier film sera un « song picture », c‘est-à-dire un « film parlant. » J’y chanterai deux chansons, une en anglais et une en français.
Ainsi je réaliserai mon rêve.
Je ferai mon tour de chant dans le monde entier.
Mais
voila, le monde entier pourra me voir et m’entendre sans que je le découvre et l‘admire !

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

On m’attendait a Hollywood.
Des spécialistes m’ont fait tourner vingt bouts d’essais, pour étudier mes gestes, mes attitudes.
Deux Français de la-bas m’ont préparé la pâture : Louis de Limier, le scenario, et d’Abadie d’Arrast (Harry d’Abbadie d’Arrast. ndlr), la mise en scène.

Je fais du cinema !

Si je deviens acteur de cinema, à qui je voudrais ressembler ?

L’humanité profonde, douloureuse jusqu’au burlesque de Charlot, tente ce qu’il y a en moi de « comique », « d’interprète. »
Les prouesses acrobatiques et le charme de Douglas Fairbanks tentent ce qu’il y a en moi de « sportif », de «jeune premier. »
Ah ! si pourtant je pouvais créer les Maurice Chevalier !
C’est
tout. J’attends.

Je n’ai pas quitte Paris sans emotion.
Mon dernier jour de representation à l‘Apollo, j’avais l’amygdalite : 39° 8 de fievre. Je ne sentais pas le mal.
Et puis il y a eu les banquets ; celui de la Chambre de Commerce Américaine qui m’annonçait une si franche hospitalité, celui de Comoedia où j’ai senti tant de sympathies…

Mais je vais revenir, bientôt. J’agite sur l‘Ocean ce papier comme un mouchoir : à bientôt. Oui, je vais revenir.

Mais, faut-il vous l‘avouer (le cinema est une tellement grande chose), avec le secret espoir de repartir encore.

Maurice Chevalier

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

paru dans Cinémonde du 26 octobre 1928

Source : Ciné-Ressources / La Cinémathèque française

Dans l’article précédent, Maurice Chevalier évoque un certain Louis de Limier pour le scénario de son premier film à Hollywood. Or nous n’avons trouvé aucun français de ce nom là-bas. Un lecteur nous met sur la piste, en se demandant si cela ne pourrait pas plutôt être Jean de Limur ? En effet, celui-ci partit très tôt aux USA où il tourna en tant qu’acteur avec Max Linder, Douglas Fairbanks et même Charlie Chaplin avant de travailler en 1928 sur le scénario d’un film de d’Abbadie d’Arrast justement, dont parle ChevalierFemme (The Magnificent Flirt).

Merci donc à Lucien Logette (de la revue Jeune Cinéma) pour cette déduction qui semble exacte et nous en profitons pour le féliciter pour le Prix Bernard Chardère 2018 qui vient de lui être remis lors du dernier Festival Lumière.

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M Jesse L. Lasky engage Maurice Chevalier

paru dans Comoedia du 20 juin 1928

Paru dans Comoedia du 20 juin 1928

Paru dans Comoedia du 20 juin 1928

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Avant de s’embarquer sur l’Ile-de-France et de regagner l’Amérique, M. Jesse L. Lasky, vice-président de la Paramount Famous Lasky Corporation, vient d’engager Maurice Chevalier.

Après de sérieuses investigations et innombrables visites d’artistes, Jesse L. Lasky a définitivement fixé son choix sur Maurice Chevalier ; car celui-ci représente à ses yeux le type parfait que l’on peut mettre sur le même plan, cinématographiquement parlant, que Richard Dix par exemple.

Il a tenu à annoncer lui-même cette nouvelle aux journalistes qui furent convoqués téléphoniquement, car les pourparlers entre les deux hommes ne durèrent que quelques heures.

M. Lasky vit deux fois Maurice Chevalier au Casino de Paris, le convia à faire un bout d’essai, et 12 heures après la vision de celui-ci, c’est-à-dire le mardi 19 juin, à 16 h. 50 exactement, les signatures furent échangées.

Le sympathique artiste dut répondre aux mille et une questions que ne manquèrent point de lui poser nos confrères, et c’est ainsi que l’on apprit qu’après ses représentations du Casino de  Paris, il irait se reposer deux mois dans la propriété qu’il possède à Cannes et s’embarquerait pour Hollywood en octobre. Le scénario sera demandé à un auteur français.

Maurice Chevalier ne cache pas son enthousiasme d’aller en Amérique et il se demande même si les espoirs que l’on fonde sur lui seront justifiés, s’il ne s’orientera pas définitivement vers l’art muet. Il se reprend bien vite cependant et ajoute : « Je n’oublie pas que c’est au music-hall que je dois ma célébrité et je m’ingénierai à ne pas l’oublier en essayant de me consacrer, si tout réussit, au cinéma et aux chansons internationales que j’espère créer. »

Paru dans Comoedia du 21 juin 1928

Paru dans Comoedia du 21 juin 1928

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Voici deux encarts paru dans Comoedia auxquels Maurice Chevalier fait référence dans son article.

Paru dans Comoedia du 29 septembre 1928

Paru dans Comoedia du 29 septembre 1928

Paru dans Comoedia du 08 octobre 1928

Paru dans Comoedia du 08 octobre 1928

Paru dans Comoedia du 10 octobre 1928

Paru dans Comoedia du 10 octobre 1928

Pour finir voici une belle caricature de Kiffer paru dans Comoedia du 09 octobre 1928 à propos de la soirée d’adieux à Maurice Chevalier organisée par Comoedia.

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Pour en savoir plus :

La page biographique sur Maurice Chevalier sur le site Du Temps des Cerises aux Feuilles Mortes.

Une autre page sur le site De La Belle Epoque aux Années Folles.

Une autre sur le blog Sur Les Toits de Paris.

Un article sur La Chanson de Paris (Innocents of Paris) sur le site Musique de Film 1928/1945.

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Maurice Chevalier chante “Paris, Stay the Same” du film Parade d’amour (The Love Parade) d’Ernst Lubitsch en 1929.

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Maurice Chevalier chante “Nobody’s Using It Now” du film Parade d’amour (The Love Parade) d’Ernst Lubitsch en 1929.

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Maurice Chevalier chante la version anglaise de “Louise” dans un extrait des castings pour le film La Chanson de Paris ayant eu lieu à Paris à la mi-1928.

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Maurice Chevalier chante “Valentine” en 1935 dans le film “L’Homme des Folies-Bergère” de Marcel Achard, qui était la version française de celle tournée par Roy Del Ruth.

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Et en 1962 à la télévision italienne, Maurice Chevalier chante “Le Twist du Canotier” et il s’en tire plutôt très bien. Quel artiste !

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