Les premières séances du Cinématographe à Paris début 1896 1 commentaire


La première projection payante du Cinématographe des Frères Lumière a eu lieu le 28 décembre 1895 il y a tout juste 120 ans à Paris au 14 boulevard des Capucines

Dans les semaines qui ont suivi, la presse quotidienne ne s’est pas fait l’écho de ce succès public grandissant.

Nous avons néanmoins trouvé ces quelques articles (ou brèves) parues dans les premiers mois suivants cette première projection dans Le RadicalLe TempsLe Petit ParisienLe MatinLe XIX° SiècleLe GauloisLe Journal et Le Figaro.

Le Radical du 31 décembre 1895

Le Radical du 31 décembre 1895

Cet article, paru trois jours après la première projection payante du Cinématographe, est l’un des tout premiers parus dans la foulée de cette projection.

LE CINEMATOGRAPHE – Une merveille photographique

paru dans Le Radical du 31 décembre 1895

Une nouvelle invention, qui est certainement une des choses les plus curieuses de notre époque, cependant si fertile, a été produite hier soir, 14, boulevard des Capucines, devant un public de savants, de professeurs et de photographes.

Il s’agit de la reproduction, par projections, de scènes vécues et photographiées par des séries d’épreuves instantanées.

Quelle que soit la scène ainsi prise et si grand que soit le nombre des personnages ainsi surpris dans les actes de leur vie, vous les revoyez, en grandeur naturelle, avec les couleurs, la perspective, les ciels lointains, les maisons, les rues, avec toute l’illusion de la vie réelle. Il y a par exemple la scène des forgerons. L’un fait fonctionner la soufflerie, la fumée s’échappe du foyer; l’autre prend le fer, le frappe sur l’enclume, le plonge dans l’eau, d’où monte une large colonne de vapeur blanche.

La vue d’une rue de Lyon avec tout son mouvement de tramways, de voitures, de passants, de promeneurs, est plus étonnante encore ; mais ce qui a le plus excité l’enthousiasme, c’est la baignade en mer ; cette mer est si vraie, si vague, si colorée, si remuante, ces baigneurs et ces plongeurs qui remontent, courent sur la plate-forme, piquent des têtes, sont d’une vérité merveilleuse.

A signaler encore spécialement la sortie de tout le personnel, voitures, etc., des ateliers de la maison où a été inventé le nouvel appareil auquel on a donné le nom un peu rébarbatif de cinématographe.

Le directeur de la maison, M. Lumière, s’en est d’ailleurs excusé. Les inventeurs sont ses deux fils, Messieurs Auguste et Louis Lumière, qui ont recueilli hier les applaudissements les plus mérités.

Leur œuvre sera une véritable merveille s’ils arrivent à atténuer, sinon à supprimer, ce qui ne paraît guère possible, les trépidations qui se produisent dans les premiers plans.

On recueillait déjà et l’on reproduisait la parole, on recueille maintenant et l’on reproduit la vie. On pourra, par exemple, revoir agir les siens longtemps après qu’on les aura perdus.

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Le Temps du 13 février 1896

Le Temps du 13 février 1896

Le quotidien Le Temps se fait l’écho de cette première séance du Cinématographe quelques semaines plus tard dans son édition du 13 février 1896.

Ces images, que nous ne laissons même pas après nous, ne seront-elles pas, un jour, fixées,dans leur mouvement habituel, par ces photographies animées qu’on nous montre, dans un sous-sol du Grand Café, boulevard des Capucines, et qui sont bien le spectacle le plus extraordinaire qu’on puisse voir ? Nous étions là, vendredi dernier, devant les scènes animées du cinématographe, M. Sardou, M. Sorel, M. de Vogué, le docteur Guyon, et cette transposition de la vie, ce transfert d’êtres allant, venant, respirant, si je puis dire, sur une toile, comme dans la rue, nous comblaient d’étonnement.

On se demande ce qu’on pourra, en art, au théâtre, par exemple, réaliser avec ces photographies agissantes, ambulantes. C’est la réalité même. Des baigneurs se jettent dans la mer, la vague déferle, se brise en paquets d’écume. Un train arrive sur une voie ferrée; les voyageurs en descendent, s’étirant visiblement las; d’autres accourent, ouvrent les portières, montent dans les wagons. Le conducteur les éperonne, les pousse. Une rue de Lyon, avec ses fiacres, ses passants, ses chevaux, ses tramways, nous donne l’illusion d’un voyage. L’arrivée d’un bateau-mouche à une station sur la Saône, donne l’aspect grouillant de passagers pressés, se précipitant sur la passerelle dans toute la hâte trépidante de la poussée moderne. Ils sont là, saisis sur le vif avec leurs tics et leurs coutumières allures. Il en est qui fument et leur cigare jette à l’air son petit nuage. Visiblement, c’est la vie, la vie de tous les jours, scrupuleusement notée par un instrument qui, avec ses huit cent cinquante instantanés, nousrend, par la rotation, les mouvements (un peu saccadés) de ce microcosme.

Chose curieuse, lorsque la scène est composée, lorsqu’on nous montre, par exemple, deux amis se querellant à propos d’un article de journal, ou un gamin posant le pied sur le tuyau d’arrosage d’un jardinier, la sensation de vérité absolue, de réalité stricte disparaît. Il faut à ces photographies animées l’instantané pris sur la vie sans pose. Au moindre apprêt, adieu l’illusion !

C’est là tout le théâtre, nous disait Sardou. Il faut qu’on y oublie qu’on est au théâtre !

Et nous nous demandions ce que sera le théâtre, précisément lorsque ces images qu’on nous présente à l’état de fusains animés pourront être polychromes, lorsque les personnages de ces photographies vivantes seront tels que nous les coudoyons, avec la couleur de leurs vêtements et de leur épiderme, lorsqu’il sera possible à un Detaille de nous montrer une bataille d’Iena animée, lorsqu’en même temps on pourra, par le phonographe perfectionné, rendre le son même de la voix, lorsque tels drames, tels opéras pourront être transportés par ballots, avec leurs premiers rôles et leurs gestes, leurs figurants et leurs mouvements de foules, leurs décors, leurs musiques, leurs chœurs.

En vérité, il n’est qu’un désagrément dans la mort, pour ceux qui, comme l’Angély, vivent par curiosité, c’est que nous entrons en plein dans la miracle scientifique et que plus nous irons, plus il sera curieux de vivre.

Maintenant, la curiosité satisfaite donne-t-elle le bonheur ? Et ce merveilleux cinématographe, qui nous rend les spectres des vivants, nous donnera-t-il, en nous permettant d’en conserver le fantôme et les gestes, et le son de voix même, la douceur et les caresses des chers êtres disparus ? Ce sont là d’autres questions.
Je note simplement le spectacle entrevu et stupéfiant. Nos petits-neveux en verront bien d’autres ! Et qu’ils s’étonneront de nos étonnements

Jules Claretie (dans sa chronique « La Vie à Paris »).

Dès le 4 janvier 1896, Le Petit Parisien fera paraître cet article élogieux.

Le Petit Parisien du 04 janvier 1896

Le Petit Parisien du 04 janvier 1896

LE CINÉMATOGRAPHE
Toutes les personnes qui ont visité, l’an dernier, notre Salle des Dépêches ont été frappées par cette nouvelle merveille qu’Edison a baptisée du nom de Kinétoscope. On se rappelle cet appareil : en se penchant sur une boîte, le spectateur voit défiler sous ses yeux une série de photographies mues avec une extrême rapidité par un courant électrique et qui, lui représentant, un à un tous les mouvements d’une scène, figurent d’une manière parfaite ce qu’on pourrait appeler une image animée.
A la vérité, l’inventeur américain n’a fait qu’appliquer un principe dont la découverte est dû à notre savant compatriote M. Marey, membre de l’Académie des Sciences.

A son tour, l’invention d’Edison vient d’être l’objet d’une amélioration prodigieuse et ce sont cette fois deux Français qui en sont les auteurs, MM. Auguste et Louis Lumière, de Lyon.

Leur nouvel appareil, qu’ils désignent sous le nom de cinématographe (du grec kinema,mouvement, grapheo, j’enregistre), peut se comparer à une sorte de lanterne magique projetant sur une surface blanche, au profit d’une assistance entière, la série des photographies agrandies à l’infini que le kinétoscope ne présentait qu’à l’état minuscule et pour une seule personne à la fois.

Le sentiment que l’on éprouve devant ces images, qui offrent le spectacle de la vie même, est celui d’une stupeur mélangée d’admiration pour le genie humain. Le cinématographe est un instrument extraordinaire, et il n’est pas douteux qu’autrefois son inventeur aurait été condamné pour sorcellerie. Un de ces appareils fonctionne actuellement boulevard des Capucines ; il va certainement faire courir tout Paris.

Le Petit Parisien du 11 février 1896

Le Petit Parisien du 11 février 1896

Dans les semaines qui suivront, Le Petit Parisien fera paraître plusieurs encarts à propos du Cinématographe.

Le Petit Parisien du 16 février 1896

Le Petit Parisien du 16 février 1896

 

Le Petit Parisien du 24 février 1896

Le Petit Parisien du 24 février 1896

 

Le Petit Parisien du 09 mars 1896

Le Petit Parisien du 09 mars 1896

 

Le Petit Parisien du 14 mars 1896

Le Petit Parisien du 14 mars 1896

 

Le Petit Parisien du 22 mars 1896

Le Petit Parisien du 22 mars 1896

 

Le Petit Parisien du 27 mars 1896

Le Petit Parisien du 27 mars 1896

D’autres journaux feront paraître le même genre de brèves sans consacrer plus d’importance à cette invention révolutionnaire.

En voici quelques exemples :

Le Matin du 25 avril 1896

Le Matin du 25 avril 1896

Le Matin

Le 19° Siecle du 05 mai 1896

Le 19° Siecle du 05 mai 1896

Le XIX° Siècle

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Le Gaulois du 09 mars 1896

Le Gaulois du 09 mars 1896

Le Gaulois

Le Journal du 05 février 1896

Le Journal du 05 février 1896

 

Le Journal du 16 février 1896

Le Journal du 16 février 1896

Le Journal

Le Figaro ne consacre également aucun article sur le Cinématographe en dehors de quelques encarts comme ceux-ci :

Le Figaro du 26 mars 1896

Le Figaro du 26 mars 1896

 

Le Figaro du 12 avril 1896

Le Figaro du 12 avril 1896

 

Le Figaro du 07 juin 1896

Le Figaro du 07 juin 1896

 

Le Figaro du 28 juin 1896

Le Figaro du 28 juin 1896

Finalement début juillet une projection sera organisé à l’Elysée où sera projeté le film Le couronnement du Tsar.

Cf le détail sur le site consacré à l’œuvre cinématographique des frères Lumière.

Le Figaro du 11 juillet 1896

Le Figaro du 11 juillet 1896

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Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 

Pour en savoir plus :

La première séance de cinéma des frères Lumière avec la participation de Mr Gaumont (JT TV du 28 déc. 1965).

Le site consacré à l’œuvre cinématographique des frères Lumière.

Sur le site de l’Institut Lumière nous trouvons plusieurs pages consacrées aux frères Lumière et à leurs inventions :

1 – la page consacrée à la première séance publique payante (avec quelques vidéos des frères Lumière),

2 – celle consacrée aux frères Lumière et leurs inventions,

3 – celle sur le Hangar du Premier-Film (dernier vestige des usines Lumière, classé Monument Historique).


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