Trois articles de Lotte H. Eisner (Cinématographe 1937 + La Revue du Cinema 1948)


Il était temps de rendre hommage à Lotte H. Eisner, celle sans qui la Cinémathèque française n’aurait pas été ce qu’elle est devenue, mais elle fût également une grande historienne du cinéma, spécialiste du cinéma expressionniste allemand.

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Née à Berlin, Lotte H. Eisner est critique de cinéma à la fin des années 20 pour la revue Illustrierter Film-Kurier et côtoie les grands réalisateurs allemands de l’époque.

Lotte H. Eisner fuit le nazisme en 1933 et rencontre, à Paris, Henri Langlois et Georges Franju puis collabore avec eux pour leur revue Cinématographe au cours de l’année 1937.

Puis, après guerre, Lotte H. Eisner devint la conservatrice en chef de la Cinémathèque française jusqu’à sa mort en 1975.

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On lui doit notamment des ouvrages de référence sur Murnau, Fritz Lang et donc le cinéma expressionniste allemand, L’Ecran Démoniaque.

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Vous pouvez donc lire sur cette page deux articles écrits par Lotte H. Eisner pour la revue d’Henri Langlois et Georges Franju, l’un consacré à Peter Lorre et l’autre à un scénario non tourné de Pabst.

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Mais avant cela, nous vous proposons un article phare qu’elle écrivit dans le numéro de septembre 1948 de La Revue du Cinéma intitulé Les origines du « style Lubitsch ».

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Pour finir, ne ratez pas la diffusion du documentaire, Lotte Eisner – Par amour du cinéma, de Timon Koulmasis sur ARTE, disponible en replay jusqu’au 25 mars 2021.

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Vive le cinéma !

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Les origines du “style Lubitsch” par LOTTE H. EISNER

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Un critique ne sachant absolument rien de l’histoire de ces artistes aurait du mal à reconnaître dans The Avenging Conscience et dans Intolérance le travail du même réalisateur ou à retrouver la même main dans Madame du Barry et dans Trouble in Paradise. — Gilbert Sildes dans Movies for the Millions.

Quand les critiques d’aujourd’hui parlent des films de Lubitsch, ils insistent particulièrement sur sa facilité d’adaptation aux genres et milieux les plus divers et sur cette souplesse rare qui lui permet de passer — tel un astucieux prestidigitateur — de la comédie mondaine à la tragédie, du drame à la satire, de la fantaisie ou du romantisme sentimental d’Alt Heidelberg à des farces grivoises. Ils répètent que c’est en travaillant aux États-Unis qu’il s’est peu à peu débarrassé d’une certaine grossièreté d’Europe centrale pour acquérir cette aisance raffinée connue finalement sous le nom de Lubitsch touch.

Dans sa brève préface à l’index de ses œuvres, Herman G. Weinberg décèle, dans les comédies américaines de Lubitsch, l’habitude chère aux familiers des terrasses de café de Budapest de bavarder et plaisanter de l’amour physique considéré comme un passe-temps. D’autres critiques, français en particulier, n’ont vu dans Lubitsch, jusqu’en 1923, que le représentant typique d’une Allemagne « lourde », éprise de colossal et d’opulence ; il est pour eux le vulgarisateur d’une pédagogie guerrière destinée à évoquer, chez ses compatriotes blessés par la défaite, les souvenirs d’un passé glorieux, par le truchement de films historiques où l’histoire de leurs adversaires est volontairement falsifiée.

Le Docteur Kalbus, critique nazi, prétend dans son Wesen deutscher Filmkinist que l’effronterie des premières farces de Lubitsch est « étrangère à la race germanique ». En revanche, il loue l’authenticité de ses films historiques, avis que partagent les Américains (qui estiment, par ailleurs, que Lubitsch a apporté à Hollywood toute la flavor, toute la saveur « mittel-européenne ».

Que faut-il penser de tous ces jugements péremptoires ? Peut-on reconnaître chez Lubitsch, qui s’est plié à tant d’influences, la continuité d’un style personnel ? Y a-t-il vraiment un fossé entre le Lubitsch allemand et le Lubitsch américain qui se révélera raffiné et sophisticated ?

Quelles sont enfin les origines de la « Lubitsch touch » ?

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Pour saisir le caractère d’une tendance artistique, il faut remonter à ses sources ; la naissance, le milieu ont une influence ineffaçable.

Quoiqu’il soit possible que sa famille fût originaire de Budapest, Ernst Lubitsch naquit à Berlin d’un père israélite qui était marchand de robes, blouses et manteaux pour dames et, avant de devenir acteur dans la troupe de Max Reinhardt, il débuta comme commis dans le magasin paternel. Il est donc issu de ce véritable clan, plein de couleur locale, qu’on appelait « Konfektion » dans cette ville soumise à une hiérarchie compliquée. Il ne s’agit pas de la haute couture mais de quelque chose comme la rue d’Hauteville plutôt que de la place Vendôme.

Les grands fabricants et les grands commerçants de tissus toisaient ces « Mantelmen » (« hommes de manteau » par opposition à « gentlemen ») avec une indulgence méprisante. Ces « Konfektionare » avaient leur jargon, leurs bons mots et leur mentalité dite « Hausvogteiplatz », du nom de la place autour de laquelle se groupaient leurs maisons. Il faut d’ailleurs préciser que l’esprit de ce milieu, en majorité israélite et d’où devait sortir nombre de cinéastes, n’était pas typiquement juif, mais essentiellement berlinois.

Avant que l’hypnose hitlérienne eût provoqué une folie collective et nivelé les différences entre les provinces allemandes, les Berlinois avaient la réputation de gens à l’esprit vif, positif, toujours à l’affût du ridicule. Depuis deux siècles, on appelait cet esprit le « Berliner Schusterjungenwitz », car c’était surtout les apprentis cordonniers qui étaient célèbres pour leurs reparties tranchantes et manifestaient cette malice soi-disant attique dont s’enorgueillissait Berlin, l’ « Athènes de la Sprée ». (Il ne s’agit pas de l’esprit gavroche encore proche de Villon des gamins de Paris, mais de quelque chose de plus rude, les garçons berlinois ayant toujours été des durs à cuire.)

A cette façon perçante de voir les petites faiblesses des autres et de rire un peu cruellement de leurs malheurs, se mêla le sens de la fatalité des Israélites portant en eux le souvenir de persécutions qui allaient bientôt recommencer ; fatalisme coloré par un humour nonchalant et quelque peu cynique de gens habitués à accepter l’inévitable. L’esprit alerte de ce peuple s’harmonisait avec la vivacité berlinoise, son rationalisme avec le matérialisme prussien et sa bonhomie avec la sentimentalité germanique.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Cette tournure d’esprit se retrouve dans les romans pleins de digressions et de sous-entendus ironiques qu’écrivait Theodor Fontane vers la fin du siècle dernier. Cet écrivain était issu d’une de ces nombreuses familles huguenotes d’origine française qui peuplaient la capitale allemande, et que les Berlinois appelaient « Koloniefranzosen » car, jusqu’environ 1850, cette petite colonie était restée très fermée. Un grain de l’esprit français se mêlait donc aux éléments hétéroclites qui composaient la mentalité berlinoise. Frédéric II n’avait-il pas déjà essayé d’imprégner le caractère prussien d’un peu d’intelligence voltairienne.

Si l’on doit insister sur les origines berlinoises de Lubitsch, ce n’est pas pour faire l’apologie de ses premières farces vraisemblablement très vulgaires, venues tout droit de ce milieu « Konfektion » — telles Blusenkonig (Le Roi de la blouse) ou Schuhpalast Pinkus (Au Palais des souliers Pinkus) — et auxquelles ressembleront toutes ces autres grossières comédies allemandes qui font paraître délicates les bouffonneries d’un Milton ou d’un Bach, mais parce que le style de Lubitsch a ses racines profondes dans le monde berlinois et que c’est là qu’il faut chercher les origines de sa fameuse touche. Il a emporté avec lui en Amérique cette présence d’esprit berlinoise qu’on appelle « Schlag-fertigkeit »(aptitude à rendre les coups), son sens de la repartie, son penchant pour les sous-entendus, son cynisme souriant, son goût du détail réaliste.

Tout ceci fait mieux comprendre sa manière de suggérer un trait comique par une image qui reste en dehors de l’action même, mais qui indique par insinuation un caractère ou une situation. Il obtient souvent des effets par le contraste entre un à-côté et l’importance majeure d’un personnage. Ces sous-entendus pour l’oeil (qui, au parlant, seront aussitôt rehaussés par l’emploi kaléidoscopique du son) sont mis en valeur par des effets de contrepoint ou de juxtaposition dans un très habile montage. (Ainsi, par ces touches faussement naïves, Lubitsch dévoilera des faiblesses de petit bourgeois chez le pompeux tyran Henry VIII.) Cette manie du détail drolatique déconcerte souvent la mentalité latine. Nous avons l’impression de voir ces personnages historiques par les yeux de leur valet et dans une intimité suffocante de chambre à coucher mal aérée. La psychologie traditionnelle des Allemands se borne ici, quoi qu’en disent les Américains, à montrer des tics et des petites manies mais ce coup d’œil derrière la façade, bien qu’assez superficiel, peut saisir parfois un côté vrai d’un état d’âme et donner un souffle d’humanité surprenant à un caractère. Ainsi dans Madame du Barry, Lubitsch fait revivre avec vigueur les événements qui entourent la mort de Louis XV et son enterrement, en les montrant seulement à travers le désespoir de la favorite, tour de force qui étonna déjà les critiques de l’époque. On retrouve son ahurissante adresse de prestidigitateur dans La Flamme où une demi-mondaine transforme en un instant l’atmosphère douteuse de son boudoir pour y recevoir l’amant qui la croit vertueuse.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Pourtant, dans ses films allemands, Lubitsch, fier de savoir tirer les ficelles, fait des commentaires en images trop appuyés, il étale complaisamment les petits incidents à double entente, pour être sûr d’être compris de ses spectateurs germaniques. Pesanteur qui choque dans La Princesse aux huîtres, présentée comme une comédie légère, mais qui convient mieux à une farce paysanne comme Kohlhiesels Töchter basée sur un grossier quiproquo (Henny Porten y interprète à la fois une jeune et jolie fille et sa sœur, lourdaude et vilaine).

Arrivé en Amérique, Lubitsch déclare lui-même que le moment est venu de dire « goodbye slapstick and hello nonchalance… » et il s’efforce d’oublier la vulgarité « Konfektion ». Il essaye de devenir laconique et de ne faire qu’indiquer, comme incidemment, le double sens de suggestions visuelles. Ainsi naîtront ses meilleures trouvailles, comme, par exemple, dans le landau nuptial, l’idée d’omettre de montrer auprès du Prince étudiant le visage indifférent de celle, assise auprès de lui, qu’il vient d’être forcé d’épouser. Lubitsch sera toujours fier de pouvoir faire appel à l’imagination des spectateurs américains qui saisiront le sens d’une scène sautée à dessein. Il lui plaira de souligner pour les journalistes cette scène elliptique de La Huitième femme de Barbe-Bleue particulièrement réussie, selon lui : le mari furieux claque une porte, la caméra reste devant la cloison qui nous sépare de la dispute invisible pour le spectateur ; à la scène suivante le couple danse, étroitement enlacé, dans un restaurant : il y a donc eu réconciliation entre temps. Que de chemin parcouru des lourds accessoires de son comique allemand, à ces suggestions rapides et légères, à ces « rapierlike comments of his camera » dont parle Lewis Jacobs.

Cette influence de l’Amérique sur le tempérament de Lubitsch ne date d’ailleurs pas exclusivement de son arrivée à Hollywood : Iris Barry semble être la seule à avoir décelé la part qu’avaient déjà eue, dans le développement de la Lubitsch touch les images à double sens des vieilles comédies de Mack Sennett et des films Keystone de Chaplin.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Quand plus tard, en 1933, Alexandre Korda, venu comme Lubitsch d’Europe centrale, porta de nouveau à l’écran les démêlés conjugaux d’Henry VIII, les Anglais furent les premiers à rire et, fait curieux, l’essor commercial de la production britannique date de ce film auquel personne n’a reproché de ridiculiser un roi d’Angleterre. Lubitsch, lui, avait eu le tort de tourner son film trop tôt après la première guerre mondiale, quand la timide république de Weimar bénéficiait de beaucoup moins d’indulgence qu’aujourd’hui un Reich resté encore quelque peu nazi.

Pour les Américains qui ne connaissent ni ne respectent l’histoire des autres, Lubitsch devint « the great humanizer of history », le Griffith allemand , témoignant d’un réalisme historique non romancé (sic) et restituant l’histoire dans sa grandeur barbare. Les Français, au contraire, furent de l’avis de Canudo qui parlait de l’Histoire de France et d’ailleurs illustrée par le crayon pervers et sexuel des Allemands . En 1921, le metteur en scène Henry Roussell déclara qu’avec Madame du Barry, Lubitsch ridiculise, bafoue et déshonore les monarques français et les grandes figures de la Révolution, tandis que, avec Anne de Boleyn, il sape le traditionnel respect britannique pour la royauté. D’autres critiques vont jusqu’à prétendre que : Anne de Boleyn a été conçu pour révolter le puritanisme américain contre « la Merry old England ».

Lubitsch, ce bon vivant avec son éternel gros cigare, a-t-il vraiment conçu ces films comme des « instruments de vengeance », des « véhicules d’infamie », des moyens déguisés de propagande ? L’Ufa et, derrière elle, l’industrie lourde allemande qui s’était, en 1918, emparée de l’Union de Davidsohn, pensait-elle atteindre par le cinéma des fins nationalistes ? Siegfried Kracauer, non suspect d’aucune partialité pour une Allemagne en route vers le nazisme, a démontré que les grands industriels, soucieux de faire rentrer des devises, avaient tout intérêt à faire des films qui plaisent aux Alliés. D’autre part, ne retrouve-t-on pas un Danton, un Robespierre et un Marat (ce dernier incarné par l’inoubliable Antonin Artaud) péniblement grimaçants dans le Napoléon muet d’Abel Gance, grandiose film français glorifiant la Révolution ? Que penser, également, des ogres échevelés que le grand Dreyer lui-même nous montre dans les scènes de ses Pages arrachées au livre de Satan concernant la Révolution française ? Et cela en 1919, l’année de Madame du Barry.

On ignore en France que l’Allemagne, même celle de 1914-1918, se passionna pour deux pièces de théâtre sur Danton que beaucoup de gens, sous le règne despotique de Guillaume II, considérèrent comme des allégories à la liberté.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

C’est Max Reinhardt qui mit en scène, en 1916, La Mort de Danton de Georg Büchner, poète révolutionnaire qui avait dû, en 1934, s’enfuir d’une Hesse tenue par un régime réactionnaire après la publication d’un pamphlet violent intitulé : Paix aux chaumières, guerre aux palais ! (Il est aussi l’auteur de Wozzek, dont le héros, homme du peuple traqué, est voisin des personnages de Kafka.) Comment croire qu’un esprit aussi libéral — et qui dans sa Mort de Danton transcrit fidèlement des passages des discours prononcés à la Convention — ait voulu dénigrer la Déclaration des droits de l’homme ? Il en est de même pour l’autre pièce que Reinhardt monta en février 1919, alors que grondait déjà la révolution de novembre : le Danton de Romain Rolland. Ces deux œuvres qui échauffèrent les esprits ont directement inspiré le Danton que Dimitri Buchowetzki tourna en 1920.

Lubitsch, acteur chez Reinhardt depuis 1911, aurait donc pu être influencé par le souffle révolutionnaire de ces deux pièces ainsi que par leur actualité ; il va pourtant fonder volontairement le scénario de Madame du Barry sur une banale histoire d’amour et la Révolution, abrégée et survenant au lendemain de la mort de Louis XV (sic), n’y servira guère que de toile de fond grossière et colorée, traitée comme une image d’Épinal. Il était dans son tempérament de ne montrer les événements que sous le jour particulier qu’ils prennent vus à travers les rideaux de l’alcôve, — ce qui fera dire à Kracauer que la prise de la Bastille se réduit chez lui aux proportions médiocres d’une vengeance personnelle d’amoureux éconduit.

Pour Lubitsch, au reste, l’Histoire n’est qu’un prétexte à tourner des films en costumes d’époque : soieries et velours attirent l’ancien commis de magasin et ravissent son œil de connaisseur au même instant qu’il flaire l’occasion de mélanger le mélodrame et l’amourette.

Ce qui est beaucoup plus surprenant que sa conception commerciale de l’Histoire (qui ne diffère guère de celle d’aujourd’hui), c’est qu’il n’ait pas été plus influencé — comme le fut Buchowetzki — par les mises en scène de Reinhardt, chez qui il fut longtemps acteur.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

En 1916, Reinhardt monta La Mort de Danton dans une atmosphère de clair-obscur, qui devait rester célèbre. Un projecteur énorme faisait surgir des ténèbres, l’une après l’autre, ces scènes courtes, véhémentes et apparemment décousues dont se compose la pièce violente de Büchner. D’une sorte de chaos enténébré jaillissait, pour quelques minutes, la passion, la haine ou l’héroïsme ; puis la scène était plongée dans un noir épais avant que soudain la lumière éclate de nouveau à un tout autre endroit de la scène — changement rapide que permettait le plateau tournant (« Drehbühne ») du Théâtre de Reinhardt. Cette impression d’action en mouvement provoquée par le jeu des projecteurs fut encore augmentée quand, en 1919, Reinhardt monta le Danton de Romain-Rolland sur la vaste arène du Grosses Schauspielhaus (Théâtre des Dix-Mille) qu’il créa à cette époque.

Dans Madame du Barry, Lubitsch n’utilise ni ce mouvement violent, pourtant approprié à son sujet, ni cette opposition de lumière et d’ombre qui fera bientôt la force du film allemand. Ce courant artistique, l’occasion d’en prendre la tête lui échappa à l’époque même où un Robert Wiene avait déjà compris la valeur du clair-obscur et l’utilisa dans Le Cabinet du Docteur Caligari. Ce manque d’intuition s’explique par le fait que Lubitsch était typiquement berlinois et, comme tel, terre à terre, sans rêves, sans goût pour le mystère.

La prédisposition pour le cauchemar et la hantise morbide d’un mysticisme tortueux arrivent aux Allemands à travers les brouillards de la Baltique, sur les bords de laquelle le grand sculpteur Ernst Barlach conçut Der blaue Boll, drame envahi par les sorcelleries du diable. L’âme ténébreuse allemande surgit des montagnes de la Bavière et de l’Autriche voisine, où elle se manifeste dans le sabbat de Walpurgis des féroces tragédies paysannes de Richard Billinger. Les scènes de torture d’Anne de Boleyn ou celles de la Terreur de Madame du Barry n’ont jamais la force hallucinante des films classiques allemands telle qu’on la retrouve, même dans le Montreur d’ombres d’Arthur Robison, Américain élevé en Allemagne.

Pour Lubitsch, l’Enfer, comme le Ciel, peut attendre.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Les Yeux de la Momie Ma, ce sombre mélodrame à faire dresser les cheveux sur la tête que Lubitsch tourne en 1918 est d’une froideur qui frise le ridicule ; le frisson de Nosferatu y fait défaut. Il y a très peu de trace, dans les films allemands de Lubitsch, de cette perversion démoniaque dont parle Canudo. L’Henry VIII composé par Jannings n’a qu’un gros appétit et, si la cruauté du cheik de Sumurun a quelque chose de plus terrifiant, le mérite en revient au grand acteur Paul Wegener. La vitalité animale de Pola Negri se manifeste sans trace de sadisme ; sous l’habile direction de Lubitsch, elle n’est, de Carmen jusqu’à la demi-mondaine de La Flamme, qu’une créature sainement sensuelle.

Si, d’autre part, les cinéastes de Hollywood considéraient déjà, à l’époque, la photographie de Madame du Barry et d’Anne de Boleyn comme étrangement terne et plate, le fait n’est pas dû à une installation technique en retard sur celle des États-Unis, mais à la tournure d’esprit d’un homme qui se souciait peu de la plastique et de la lumière mystérieuse recherchées par les cinéastes allemands.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Lubitsch essaya pourtant, la même année 1919, d’atteindre au fantastique dans La Poupée (Die Puppe) et il est révélateur qu’il s’imagina y être arrivé en utilisant des décors plats et secs en papier, rappelant les coulisses insipides et gelées des théâtres de province et dépourvus du mystère des décors anguleux et des labyrinthes de Caligari. Enfin, deux ans plus tard, s’il se lance dans l’expressionnisme avec La Chatte de la montagne (Die Bergkatze), ce n’est que pour en donner une caricature et pour illustrer une farce abracadabrante, — laissant le moins expressionniste des décorateurs de Reinhardt, Ernst Stern, dessiner pour cette occasion des décors boursouflés et rondouillards assortis sans drôlerie avec les personnages ventrus de l’opérette balkanique. Ce qui choquait aussi dans ce film parodique, dégradé par une sorte de naturalisme en trompe-l’œil, c’est que le jeu des acteurs n’y était stylisé en aucune manière. Vraiment, Lubitsch sera toujours resté en dehors du courant expressionniste qui domina le cinéma allemand de cette époque.

C’est cet attachement au rationalisme qui l’empêchera de se servir en même temps que les autres réalisateurs de son pays des effets de lumière savants. Malgré le faste des costumes, Anne de Boleyn fut conçue dans la manière pointilleuse et naturaliste d’un copiste du XIXe siècle transposant un portrait de Holbein. S’il y a plus de nuances dans Sumurun, tourné pourtant la même année, c’est que Lubitsch avait gardé un souvenir très net de la pantomime préférée de Max Reinhardt, créée en 1909 et maintes fois reprise avec le jeune Ernst lui-même dans le rôle du bossu amoureux de la belle danseuse (Rôle qu’il tenait en alternance avec Ernst Matray, aujourd’hui chorégraphe célèbre à Hollywood.).

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Dans cette fantaisie inspirée des Mille-et-une-nuits, Lubitsch adopta, contre ses propres goûts, des effets de mise en scène de Reinhardt, réussissant à établir une atmosphère de mystère et animant ses interprètes au moyen d’une espèce de stylisation de ballet. Toutefois, dans ses autres films allemands, Lubitsch mettra rarement en scène selon ce procédé qui consiste, à la suite d’un passage mouvementé ou dynamique, à disposer les acteurs dans un équilibre statique, en attitudes symétriques. Ce genre de composition décorative où les individus sont utilisés comme des accords dans un ensemble se distingue, du reste, de la formule expressionniste de la cristallisation ; mais on y décèle, en dehors de sa valeur artistique, la manie des ordonnances symétriques excessives d’un peuple se contraignant à une discipline uniforme avec un désir d’harmonie générale qui, au fond, ne lui est pas instinctive.

Si Lubitsch n’a pas eu le sens de la valeur expressive de la stylisation (qu’il utilisera pourtant dans Parade d’amour pour des effets comiques) il a néanmoins retenu certaines leçons de mise en scène du Théâtre des Dix-Mille. Dans ce vaste espace, il apprit à manipuler les figurants et à faire manœuvrer les foules. On en a la preuve en voyant déferler ses masses révolutionnaires ou la houle populaire du vieux Londres, vagues d’une marée humaine envahissant les ruelles et places de Paris ou entourant les murailles menaçantes de la « Tower ». La critique anglaise C. A. Lejeune a noté l’habileté de Lubitsch à faire ressortir de la foule une figure isolée autour de laquelle un espace vide suggère l’idée d’une solitude terrible ; forme de composition également dérivée du style de Reinhardt.

Vers la fin de sa carrière en Allemagne, Lubitsch aura l’intelligence de comprendre les avantages des éclairages à la Fritz Lang ou à la Murnau ; et il saura utiliser les projecteurs pour accentuer le relief dramatique de ses scènes selon le procédé de Reinhardt. Dans La Femme du Pharaon, par exemple, tandis qu’au premier plan la foule restait dans l’ombre, il illumina la scène qui se passe au fond de la salle du trône devant des colonnes énormes. Les faisceaux perçants des projecteurs dressés contre cette masse gigantesque aidaient ainsi à suggérer la puissance de la dynastie dans un tableau impressionnant. Finalement, cet entrepreneur de spectacles aura trouvé sa voie sans se soumettre à un expressionnisme étranger à sa nature…

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

Dès lors, il saura créer une atmosphère. Avec une sorte de désinvolture qui a précédé son désir de « nonchalance élégante », il adapte avec adresse la méthode classique des effets de lumière à son sujet dans La Flamme. Ce Montmartre reconstitué où se passe l’histoire d’une sœur de la Dame aux camélias est plein de charme et les tons gais se nuancent de taches d’ombre veloutées. Pour la première fois, il s’attarde à modeler une silhouette, à faire vibrer une surface soyeuse. C’est à partir de ce moment que Lubitsch acquiert le pouvoir de donner au public le plaisir de se rassasier la vue. Des costumes brillants du Paris du XIXe siècle de La Flamme, il passera, en Amérique, aux tons pastel très « Pompadour » de Paradis défendu, — encore qu’il n’y manifestera jamais la sensibilité raffinée du Ludwig Berger qui réalisa Cendrillon. Exception faite, peut-être, pour La Flamme, son œuvre la plus pure, il y aura toujours chez lui un vague relent de la fierté du nouveau riche introduit dans le beau monde. Ce plaisir ingénu se manifeste dans son goût des parquets miroitants, des draperies voluptueuses, des ouvrages en stuc, des boiseries surchargées et des hautes demeures seigneuriales qu’il pourra montrer largement à partir de L’Eventail de Lady Windermere.

On perçoit déjà cette nostalgie des richesses encore hors d’atteinte dans « cet amoncellement de colonnes, escaliers, terrasses, tours, arêtes, palais et remparts » et dans une véritable « orgie de volumes, de plans et de perspectives» selon l’expression employée par Philippe Amiguet dès 1923.

Alors que Max Reinhardt, sur scène, faisait surtout appel à l’imagination du spectateur par une série d’esquisses, Lubitsch, avec une exubérance un peu naïve, invente de colossales cités de carton-pâte. Il se berce dans le rêve de montrer un Paris ou un Londres authentiques bien que la notion de l’authentique, on l’a vu dans ses récits historiques, lui fasse défaut.

Sa force est autre. Instruit par l’expérience des opérateurs de guerre qui saisirent d’admirables vues en utilisant des angles imprévus, il obligea ses opérateurs à tourner sur des échafaudages hauts de vingt mètres, exploit rare à une époque de tâtonnements artistiques. C’est ainsi qu’il éblouit les Américains, qui pourtant avaient vu Intolérance, avec les images mouvementées de la Révolution dans les rues de Paris et par des vues immenses du vieux Londres où, grâce à un découpage minutieux et un montage très vif, le secours du panoramique n’était pas nécessaire.

paru dans La Revue du Cinéma, septembre 1948

A ne considérer que ses productions allemandes, on entrevoit mal les comédies alertes et légères comme Marriage Circle ou Design for Living que Lubitsch réalisera si facilement à Hollywood ensuite ; et l’on ne songe pas qu’il deviendra un maître dans la conduite des jeux de l’amour. D’Henry VIII, il n’avait fait qu’un Barbe-Bleue assez pédant et il est évident qu’il n’eut la révélation de ses propres dons pour la comédie de mœurs qu’après avoir vu L’Opinion publique de Chaplin. La prompte perspicacité de Lubitsch reste bien éloignée de la critique sociale du génie capable de recréer, dans Monsieur Verdoux, cet atroce univers de désespoir où il faut dévorer pour n’être pas dévoré !

Comme Marcel Proust, Chaplin, voisin de Stroheim, sait faire la critique du « beau monde ». Lubitsch l’admire même quand il a l’air de s’en moquer. Inutile de chercher dans ce miroitement de détails étincelants « une sollicitude quasi shakespearienne pour ses semblables », comme un critique américain le croit. La psychologie de Lubitsch n’est guère moins superficielle que celle d’une romancière facile comme Vicki Baum ; et s’il retourne dans l’Europe centrale qui lui est familière comme dans To Be or Not To Be, il commet des fautes de goût tellement flagrantes que l’on retrouve soudain, derrière le réalisateur devenu célèbre pour sa légèreté de touche, le farceur berlinois de ses débuts.

Lotte H. Eisner

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Peter Lorre le Meurtrier par Lotte H Eisner

paru dans Cinématographe, mai 1937

paru dans Cinématographe, mai 1937

Quelques années avant l’avènement d’Hitler, on joua, à Berlin, une pièce brutale et crue qui retraçait l’histoire d’une petite ville de province bouleversée par l’établissement d’un camp de pionniers. Un jeune acteur se fit remarquer. Il tenait le rôle d’un pauvre arriéré, tourmenté par de troubles instincts de puberté. Sa création était hallucinante à force de sobriété : Peter Lorre.

Lorre est né dans un milieu qu’aiment usurper, pour la gloire de leurs vedettes, l’avisé chefs de publicité. Son père était un millionnaire hongrois, que ruina la guerre. Lorre végète à Vienne dans les bureaux, s’amusant à jouer dans une troupe d’amateurs. Il ne songeait pas au théâtre. Mais, un jour qu’il donnait la réplique à un acteur de ses amis, le metteur en scène, Léo Mittler je crois, fit attention à lui et l’engagea à la place de son ami.

Peter prend à toute vitesse des leçons de tragédie chez un vieux acteur qui lui inculque le jeu ancien style. Si bien qu’au cours des répétitions, ce fut le fou-rire. On en fit donc un figurant : le septième légionnaire romain de la quatrième rangée.

Vint la première représentation. Au cours de laquelle, Lorre, oubliant totalement la présence du public, s’amusa en entendant « Vois les aigles romaines planer sur les bois germaniques » à faire le geste de voler. On ne lui confia plus de rôle cette année-là.

Cependant, il parvient à gagner Zurich, puis Berlin, où il se lie avec Brecht et Kurt Weill. Pabst le remarque et songe à lui pour « Trois pages d’un journal », mais les distributeurs s’y opposent. C’est avec son grand ami, Fritz Lang, que Lorre débute au cinéma dans « M. le Maudit ».

D’innombrables femmes lui écrivent des missives énamourées où l’on peut lire des phrases de ce genre : « Vos yeux me poursuivent à jamais », « J’adore vos yeux qui tuent »…

Ayant dû quitter l’Allemagne comme tous les artistes non aryens, il vit difficilement à Paris sans pouvoir trouver d’engagement. Il émigre alors dans les pays anglo-saxons où il s’aperçoit que « Le Maudit » lui a valu une grande renommée.

A peine arrivé à Hollywood, le chef de publicité le fait appeler. Deux hommes, cigare à la bouche, chapeau sur la tête, lui commandent : « Sit down and smile ». On lui met un petit chien sale et de race douteuse dans les bras. Le magnésium flambe. On le photographie sous toutes les coutures. Peter, suffoqué, se laisse faire.

Le lendemain, on lit dans six cent quatre-vingt journaux, sous de grands titres :

« Murderer save little dog » (meurtrier sauve petit chien), que Lorre roulant à toute allure, dans sa Rolls-Royce, préféra écraser sa magnifique auto (qu’il ne possède pas) plutôt que de tuer un petit chien sur sa route. Et voici le pauvre chien dans les bras de Lorre tout ému.

Aussitôt, c’est une avalanche de missives attendries de vieilles dames, de mères, de vieilles demoiselles, de collégiennes. « Nous savions bien, M. Lorre, que vous aviez un cœur d’or, malgré vos rôles d’horreur »…

Il faut connaître Lorre pour apprécier son jugement, son esprit caustique, son humour. Rien n’était plus drôle que de l’entendre parler avec Kortner et quelques amis.

Un jour, à Hollywood, au cours d’un grand dîner, se trouve un metteur en scène français dont on n’apprécie guère les manières à table. Il mange sa soupe avec tant de bruit qu’il dérange tout le monde. Lorre se penche vers lui et poliment ; « Ne vous donnez pas tout ce mal, Monsieur, on vous synchronisera plus tard ; pour le moment, on prend la scène en muet. »

Mais Lorre peut être sérieux. Il est parti pour Hollywood en emportant tout ce qu’il put trouver sur l’histoire de Gaspard Hauser. Il me priait de lui envoyer les vers de Verlaine. Il espère évoquer, un jour, la figure de ce pauvre garçon tiré d’une prison mystérieuse et jeté dans le monde « qui ne le trouve pas malin ».

Un garçon de l’âge de Gaspard Hauser ? Pourquoi pas. Le visage de Lorre exprime tous les âges.

Lotte H. EISNER

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LE SUJET QUE VOUDRAIT TOURNER G.-W. PABST

paru dans Cinématographe, mars 1937

paru dans Cinématographe, mai 1937

Chaque metteur en scène rêve d’un sujet qu’il voudrait réaliser et qu’il ne tournera jamais.

Pabst, étant engagé par une grande firme américaine, faillit tourner un film pacifiste, mais son scénario initial passa entre tant de mains, dut contenter tant de gens, fut astreint à tant de retouches, que Pabst préféra y renoncer.

Un grand transatlantique en pleine mer. Les passagers, isolés de la terre pour des journées entières, libérés de tout souci immédiat, goûtent une vie oisive, reposante, plaisante. On commence à se lier, à se connaître. On flirte, on danse, on fait du sport ensemble.

Cependant, dans sa cabine, un Italien s’est suicidé, laissant un jeune garçon seul au monde (la mère autrichienne était morte). Tout le monde s’intéresse à lui. Chacun l’adopte. L’enfant devient le favori du bateau. Un couple, surtout, lui prodigue ses soins : lui et elle, de nationalité différente, sont très unis. Ils vont rejoindre leur fils unique dans une grande capitale. Et la vie à bord continue joyeuse, divertissante…

Mais la radio transmet une nouvelle ahurissante : la guerre a éclaté entre deux grandes nations. La conflagration menace de s’étendre à d’autres pays…

Dès lors, ceux qui étaient unis se divisent en deux clans comme leur pays en terre ferme. Chaque groupe considère avec hostilité les « agresseurs ». Le ménage, tout à l’heure si uni, en

souffre. Le mari en veut à sa femme. Leur fils est dans la capitale bombardée.

La radio transmet nouvelles sur nouvelles : Des villes dévastées… Des combats acharnés… A leur tour, les autres pays entrent en guerre. Les nerfs se tendent. On ne se salue plus. On se déteste. Des altercations, des disputes ont lieu. On voudrait se fuir… et l’on est rivé ensemble par une vie commune. Antipathique à tous, chassé par les Autrichiens qui lui reprochent son père, repoussé par les Italiens à cause de sa mère, l’orphelin erre sur le bateau.

Et, tandis que la radio transmet des nouvelles, toujours les mêmes et toujours pires : des morts… des milliers et des milliers de morts…, les matelots prennent parti à leur tour : les passagers se barricadent On se bat à bord, rageusement, cruellement, sournoisement : d’abord au hasard, ensuite avec science, sur le pont, aux machines. Si bien qu’un un accident est causé par cette haine réciproque. Le bateau coule.

Les naufragés sont recueillis par un vaisseau de guerre « neutre ». A peine sauvés, ils demandent les dernières nouvelles de la guerre. Quelle guerre ? interroge le capitaine.

Et la vérité se trouve révélée.

Le radio, ancien combattant qui, durant, la grande guerre, subit une terrible commotion cérébrale, était parfois sujet à l’égarement… Une crise particulièrement aiguë l’avait saisie sur le bateau et c’est pourquoi il répétait ce que jadis il avait si souvent entendu et répété : Des morts… des milliers de morts… des villes dévastées…

Honteux de s’être laissés berner par le mensonge d’un insensé et d’avoir obéi sans contrôle aux exigences sauvages de la vieille mystique millénaire ci puérile du patriotisme… Les passagers font la paix… sur le bateau de nationalité neutre.

LOTTE H. EISNER

paru dans Cinématographe, mai 1937

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Source :
La Revue du Cinéma = Archive.org
Cinématographe = Ciné-Ressources / La Cinémathèque française

 

Pour en savoir plus :

Le site de la Cinémathèque française consacré à l’exposition d’octobre 2006 sur l’Expressionnisme allemand, ainsi que le texte de Laurent Mannoni, (directeur des collections d’appareils de la Cinémathèque) : LOTTE H. EISNER, historienne des démons allemands.

Lotte Eisner – Par amour du cinéma, le documentaire en replay jusqu’au 25 mars 1921.

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La conférence Lotte H. Eisner, “Notes sur le style de Fritz Lang” de l’historien du cinéma Bernard Eisenschitz.
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Peter Lorre dans M de Fritz Lang (1931)
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