Le site La Belle Equipe prend quelques semaines de vacances jusqu’à la fin du mois d’août. Quoi de mieux que de se remémorer du coup à quoi ressemblait les vacances en 1936 ?
Bien sur, nous resterons dans notre domaine à travers cette article au ton badin de Pour Vous publié le 23 juillet 1936 (n°401).
Vive les vacances
Et voici revenue l’époque joyeuse des vacances ! Nous avons demandé à quelques vedettes comment, cette année, elles emploieraient leurs loisirs. Comme on le verra plus loin, plusieurs de nos artistes passeront leurs vacances… en tournant !
Vous qui coulerez de beaux jours à la mer ou à ta montagne, pensez que, pour vous, quelques-unes de vos vedettes préférées travaillent en ce moment dans des studios où le thermomètre oscille entre 30 et 45 degrés ! Ne soyez donc pas jaloux quand vous apprendrez, dans quelques mois, que tel ou telle est aux sports d’hiver !…
Claude MAY
Claude tourne Toi c’est moi aux studios Paramount.
« Les vacances, me dit-elle, mais j’y suis pour un bon moment; j’ai tourné les extérieurs de Toi c’est moi dans le Midi : Sainte-Maxime, Cannes, la côte enfin ; il a fait très beau ; j’ai pris des bains en costume de feuillage (because on tournait ces bains) ; j’ai fait du cheval au commandement (on tourne également ces randonnées) ; les promenades au clair de lune, la pêche dans les rochers, rien n’y manquait, pas même le flirt (tu n’ignores pas que, dans le scénario, Pills et moi nous sommes très amoureux l’un de l’autre). Et maintenant, au studio, on tourne les intérieurs du film ; autrement dit, je travaille toute la journée pour donner l’illusion au public que je suis en vacances; et ce n’est pas tout ; au mois d’août, je tourne Prends la route (toujours avec Pills et Tabet) ; encore une histoire de vacances ; celle-ci me mènera Jusqu’en septembre ; après cela, je pense pouvoir me reposer pour tout de bon. »
Tino ROSSI
Une grande auto rouge stoppe juste devant moi, au moment où je traversais un passage clouté, avenue des Champs-Elysées.
« Hello ! Comment allez-vous ? crie une voix bien connue.
— Tino Rossi ! Pas encore en vacances ?
— Mais si ! Montez donc, je vais vous raconter cela.
« Je n’habite pas Paris en ce moment ; comme je tourne Loin des guitares (titre provisoire) à Joinville, j’ai loué une villa à Saint-Maur, l’île fleurie ; cela me repose énormément, car je suis au bord de l’eau, et je passe mes loisirs à pêcher et dormir.
— Comptez-vous y séjourner tout l’été ?
— Non ; je vais faire, au mois d’août, des tournées sur les plages. Je respirerai, et avec quelle joie ! l’odeur de la mer ; j’adore la mer !
— Vous ne pensez pas rendre visite à votre pays natal, l’île qui vous est si chère ?
— Si ; je vais aller en Corse à la fin du mois. Mais ce sera pour travailler ; nous allons tourner les extérieurs de mon film à Ajaccio ; je reviens en septembre, afin de commencer les répétitions de la revue du Casino de Paris ; évidemment, en fait de repos, c’est maigre ; mais je viens de passer de bien bons moments au col de la Faucille avec mon grand ami Charles Pélissier ; voici d’ailleurs quelques photos de là-bas… »
Albert PREJEAN
« J’adore la mer, les ports, les plages, me dit Préjean. Justement, j’arrive de Cannes, où je viens de passer de bien bons moments ; d’ailleurs, je n’étais pas le seul : il y avait foule là-bas ; j’ai rencontré Maurice Chevalier, qui se reposait à la « Louque » à La Bocca ; nous avons même boxé tous les deux.
— Boxé ?
— Oui, à Nice ; à l’occasion d’un gala de bienfaisance donné au profit des chômeurs nous avons fait, une exhibition ; oh ! mais c’est que nous sommes très forts !
— Et, maintenant, fini le repos ?
— C’est-à-dire que je dois commencer incessamment un film, La Bête aux sept manteaux avec Pierre Renoir, Meg Lemonnier et Junie Astor ; les extérieurs seront tournés dans le Midi. Après, j’irai faire un séjour dans ma propriété de Saint-Jean-Cap-Ferrat ; je pêcherai, je ferai du canoë et je nagerai.
— Beau programme ! »
PILLS et TABET
« Cet été, nous travaillons, me dirent Pills et Tabet : deux films : Toi c’est moi et un autre pour la U.F.A.
— Alors, pas de vacances cette année ?
— Oh ! si, nous partons dimanche.
— Où ?
— Nous quittons… Si cela peut vous faire plaisir, venez donc avec nous ! Nous irons à Compiègne ; une voiture vous ramènera dans la soirée ; c’est entendu ?
— Avec quelle joie !
— Rendez-vous demain matin chez Jacques à 9 heures précises. »
A 9 heures, j’étais exacte au rendez-vous. Bientôt, nous roulions à une allure folle à travers la campagne fleurie : Senlis, La Roue qui tourne… Compiègne ! ! !
« Regardez, en ce moment, nous passons devant la fameuse « tour de Jeanne d’Arc », fait remarquer Georges ; nous sommes presque au but. L’endroit où nous allons est à quatre kilomètres d’ici.
— Mais… où exactement ?
— Franc-Port. Je vous présente « La Trébizonde », dit Pills solennellement. C’est une très jolie villa, située sur les rives de l’Oise, à un endroit où le fleuve coule majestueusement.
Quelques instants plus tard, nous nous installions dans la salle à manger rustique, ornée d’une cheminée en briques rouges, dans laquelle deux énormes troncs d’arbre semblent attendre l’hiver.
Après un déjeuner joyeux, une visite au poulailler, une partie de pêche fructueuse, une longue promenade à travers champs et bois, je rentrai le soir à Paris.
C’est ainsi qu’entre les prises de vues de leurs films, Pills et Tabet prennent des vacances intermittentes, allant dans leur propriété de Franc-Port, aux frais ombrages.
Jean-Pierre AUMONT
En moins d’une demi-heure, nous arrivâmes dans la propriété de Jean-Pierre Aumont, à Saint-Rémy-l’Honoré ; il faisait un soleil magnifique, et, après avoir avalé quelques rafraîchissements aimablement offerts par le maître de maison, Jean-Pierre me dit soudain :
« Vous savez jouer au ping-pong ? Oui ? Alors venez, nous allons faire un set.
« Qui sert ? A vous l’honneur.
— 1 pour moi. Avez-vous l’intention de passer toutes vos vacances ici ?
— En route pour les Baléares ! jette joyeusement Blanche Montel, qui vient se joindre à nous.
— Attention, dit Jean-Pierre ; ne distrayez pas les champions.
— Comment irez-vous aux Baléares ? Par…
— Par la route, jusqu’à Barcelone : nous prendrons deux voitures et ensuite, nous embarquons.
— Pourquoi deux voitures ?
— Ah ! Voilà ! Eh bien, parce que nous partons avec nos amis Rosine Deréan et Claude Dauphin, tout simplement. »
Maurice CHEVALIER
« Ce que je vais faire cet été ? me dit Maurice au bout du fil ; venez donc mercredi, à 11 heures 1/4, vous le saurez. »
Je fus exacte au rendez-vous ; Maurice, une mine resplendissante, bien qu’il ait beaucoup maigri (ce qui lui va du reste fort bien), vint à moi très à l’aise et très « digne » dans sa grande robe d’intérieur bleu marine.
« Voici mon programme, m’expliqua-t-il : d’abord, L’Homme du jour : ce film sera terminé, je pense, dans les premiers jours d’août; ensuite, je pars pour La Bocca jusqu’en septembre ; puis, je reviens à Paris, afin de commencer un nouveau film avec Maurice Tourneur. Après tout cela, je commence mes répétitions pour la revue du Casino, qui débute en février.
— Il y a une chose que je voudrais bien savoir : à quoi employez-vous vos loisirs lorsque vous êtes à « La Louque » ? Voudriez-vous me raconter ce que vous faites en vacances durant un jour comme les autres, par exemple ?
— On commence généralement une journée en se levant, n’est-ce pas ? Eh bien, en vacances, je me lève très tôt…
— Qu’est-ce que vous appelez très tôt ? 9 heures ? 10 heures ?
— Pourquoi pas midi ? Non ; à 7 heures et demie je suis debout ; mais oui, prenez-en donc de la graine ! Je prends un léger déjeuner et ensuite j’enfile un gros chandail ; je vais jouer au tennis pendant une heure. Ah ! j’oubliais ; avant le tennis, je fais un peu de culture physique pour…
— Etre en forme…
— Exactement. Après la partie, et lorsqu’il fait, beau, je vais me baigner…
— Dans la belle piscine de La Louque ?
— Oui ; puis une bonne douche glacée, et… au travail.
— Vous travaillez en vacances ? Que faites-vous donc ?
— Je monte dans mon bureau, et je lis et écris mon courrier ; une fois ce petit labeur terminé, je descends faire une partie de boules avant de prendre l’apéritif.
— Toujours chez vous, à La Louque ?
— Toujours.
— Vous avez donc aussi un jeu de boules ?
— Bien sûr, et un ping-pong, et un billard, et… des quilles.
— Mais c’est pour les enfants !
— Les grandes personnes s’en servent aussi ! Je vous assure que je ne m’en prive pas.
— Et après le déjeuner ?
— Eh bien, je prends mon café, comme tout le monde, je me repose, je bavarde avec mes amis, et puis, tout à coup, si une idée de « vagabondage » me prend, je pars, ou plutôt nous partons en bande en excursion à Nice, à Juan-les-Pins ou… ailleurs ; pendant mon dernier séjour dans le Midi, je suis allé à Nîmes voir une course de taureaux…
« Le soir, je me couche généralement tôt, puis je me lève de bonne heure. C’est si beau la campagne à 8 heures du matin ! ».
Lisette LANVIN
Je voulais téléphoner à Lisette Lanvin, afin qu’elle me confie, elle aussi, ses projets de vacances, quand je reçus cette lettre de Port-Cros.
« Ma chère amie,
« Comment vas-tu ? Quand prends-tu tes vacances ? Je suis pour l’instant à l’île de Port-Cros, où je vis comme une sauvage. Je fais de grandes balades et ne rencontre que mes charmants petits amis : les lézards, les couleuvres, quelques rats et des araignées ; je suis ravie, car j’adore toutes ces petites bêtes ; je vais quelquefois à la pêche, ei mange la bouillabaisse avec les pêcheurs.
Voilà la vraie vie !
« Dans quelques jours, j’irai dans le petit village où je passais mes vacances quand j’étais petite ; son nom est Saint-Vallier, près de Grasse, ma ville natale.
« Imagine un petit village environné de prés ; non loin se dresse une ravissante petite église et, dans un abreuvoir tout proche, coule une eau fraîche et exquise : c’est uniquement le repos au grand air ; puis je recommencerai les interminables parties de boules et les grandes escalades en montagne.
« J’oubliais de te raconter que, le soir de la fête provençale, on a dansé une grande farandole de nuit dans les rues du village, à la lueur des torches et des feux de bengale.
« C’est ravissant et pittoresque, et, tu le vois, ce sont de vraies vacances.
« Je voudrais que tu viennes assister à ces ravissantes fêtes, car je raconte très mal, et c’est encore cent fois plus joli que mes descriptions. A bientôt donc. »
(Réponses recueillies par Lise Elina)
Source : Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse