Louis Feuillade (Cinémagazine 1921)


C’est dans le n°33 daté du 02 septembre 1921 de la revue Cinémagazine que parait ce portrait de Louis Feuillade.

Louis Feuillade dans Cinémagazine 1921

Louis Feuillade dans Cinémagazine 1921

LOUIS  FEUILLADE par Robert Florey

L’auto franchit le portail et va s’arrêter quelques mètres plus loin devant une maison blanche. Les huit coups que l’horloge du clocher égrène lentement, dans l’air matinal, prouvent que le patron n’est pas en retard. Là-bas, dans le studio, une inquiétude fiévreuse règne. Le patron après avoir pris son volumineux courrier vient sur le « plateau ».

D’un coup d’oeil il a tout examiné et son visage témoigne la satisfaction qu’il a de se sentir si bien compris et secondé. On répète, une fois, deux fois, trois fois. Louis Feuillade est partout à la fois, il joue tous les rôles, indique au besoin un geste ou une attitude, il montre le champ aux opérateurs qui font le point ; un autre opérateur est toujours prêt à prendre les premiers plans et les grosses projections.
Phœbus se montre clément. Tout se passe pour le mieux. Je profite d’un changement et de quelques minutes de repos que prennent les artistes pour interroger Louis Feuillade sur sa carrière. Il y a vraiment du travail pour tirer « les vers du nez » à ce diable d’homme, il est d’une modestie terrible et il n’aime pas la publicité.
J’obtiens tout de même tous mes renseignements.

Louis Feuillade est un des pionniers du Cinéma Français et il est venu au Cinéma en 1906, chez Gaumont, maison qu il n’a plus quittée depuis.
Après avoir débuté par des séries de petites bandes ultra-comiques d’un court métrage, Louis Feuillade tourna Le Festin de Balthazar et de nombreux films dramatiques qui eurent de retentissants succès à cette époque.
Plus tard, ce fut la série de films dans lesquels se trouvait tout ce que les Américains ont pris depuis pour servir de bases solides à leur production; je veux parler de la série des films de « La Vie telle qu’elle est », comprenant La Tare, Les Vipères, S’affranchir et autres drames très puissants qui attirent les foules.
Avant la guerre, Louis Feuillade tourna encore de nombreuses bandes telles que Union Sacrée, Fifi Tambour, L’Angoisse au Foyer, Deux Françaises, Fantômas avec René Navarre, Noces d’Argent et une série de 5 excellents films en Espagne dont j’aurai l’occasion de reparler dans mon prochain article sur Fernand Herrmann.

Mobilisé au début de la guerre, Louis Feuillade partit simplement, comme toujours, faire son devoir. Il profita cependant d’une permission pour créer Les Vampires, le premier roman cinéma français qui fut accueilli avec joie, par le public, pendant ces tristes heures de guerre… Démobilisé,le metteur en scène réalisa encore Herr Doktor, Le Bandeau sur les Yeux, L’Autre, Le Passé de Monique, puis la série de films comiques avec Cocantin Levesque (Marcel Levesque.ndlr) dont on n’avait pas oublié l’hilarante silhouette de croquemort, Mazamette, dans les Vampires.

Enfin, Louis Feuillade tourna ses superproductions que le monde entier applaudit à tout rompre. Nous admirâmes Judex et La Nouvelle Mission de Judex, Tih Minh, L’Homme sans Visage, Le Nocturne, L’Engrenage, Vendémiaire, Barrabas, et ces magnifiques Deux Gamines, le plus gros succès des romans cinémas de la dernière saison.

Louis Feuillade vient de terminer L’Orpheline, film auquel nous réservons un article spécial, et il va immédiatement se remettre à la tâche, la seule chose que l’on puisse dire à propos du nouveau film, c’est qu’il sera interprété par la même troupe d’artistes et que l’action se déroulera principalement au Portugal.

Les Cinés-Romans de Louis Feuillade constitueront maintenant l’apologie de la Famille et du Foyer. Vous avez tous remarqué que dans Les Deux Gamines le metteur en scène a complètement supprimé le genre dit policier-américain qui tourne par trop la tête à certains enfants.
Il en sera maintenant toujours ainsi.

Louis Feuillade, le maître incontesté du ciné-roman français a tenté la nouvelle formule qui lui a réussi au-delà de toute espérance ! il fait couler les larmes par le pathétisme des situations qu’il expose, et non par un spectacle violent composé d’éternelles batailles à coups de browning.

Je félicite sincèrement M. Feuillade de cette louable et intéressante initiative et je lui adresse mes meilleurs remerciements pour le bon accueil qu’il voulut bien réserver à Cinémagazine.

Robert Florey

Portrait de Louis Feuillade (Cinémagazine 1921)

Portrait de Louis Feuillade (Cinémagazine 1921)

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