Le milieu des cinéphiles parisiens est en émoi cette semaine avec l’annonce de la fermeture le 10 novembre prochain de l’une des salles de cinéma emblématique de Paris : La Pagode.
Même s’il semble que cela soit plus compliqué (lire l’interview donnée au Figaro par la propriétaire de la salle), nous avons voulu rendre hommage en forme de clin d’oeil à cette salle avec quelques articles de la presse de l’époque au moment de l’inauguration de La Pagode.
Un nouveau cinéma : la Pagode

Cinémagazine de mars 1931
Depuis longtemps déjà la rue de Babylone abrite discrètement un coin de la terre asiatique où s’élève une magnifique pagode que deux dragons grimaçants ont su protéger jusqu’à alors de l’intrusion des profanes, ce cadre unique à Paris, cette pagode d’une structure hardie et gracieuse où scintillent les ors et les laques, se devait d’ouvrir ses portes aux gens épris de beauté.

Cinémagazine de mars 1931
Ce nouveau temple du sonore vient d’être inauguré par deux grands galas cinématographiques.

Cinémagazine de mars 1931
Le spectacle y est digne du décor somptueux : Aux actualités Fox Movietone, toujours si intéressantes, s’ajoute « Le Prix d’un baiser » (One Mad Kiss de Marcel Silver James Tinling. ndlr) , film de la délicieuse Mona Maris et du séduisant ténor mexicain José Mojica. Une attraction sensationnelle augmente encore l’attrait de ce programme remarquable : les danses de la jolie artiste péruvienne Helba Huara.
(Non Signé)

Cinémagazine de mars 1931
Dans ce même numéro on trouve cet article sur Le Prix d’un baiser, le premier film projeté à La Pagode.

Cinémagazine de mars 1931
Source : Ciné-Ressources / La Cinémathèque Française
Bien sur Cinémagazine n’a pas été la seule revue à signaler l’ouverture de La Pagode en 1931.
Voici quelques exemples :
Paru dans le quotidien Comoedia

Comoedia du 03 février 1931

Comoedia du 07 mars 1931

Comoedia du 15 mars 1931

Comoedia du 16 mars 1931
Paru dans La Semaine à Paris

La Semaine à Paris du 13 mars 1931
un film espagnol à « la pagode »
La paisible rue de Babylone vient de voir s’ouvrir une salle de cinéma: L’extérieur en est bien connu de tous les Parisiens : c’est la pagode qui voisine avec l’ambassade de Chine. On croit généralement que cette pagode est un temple dépendant de l’ambassade. Mais non. Il parait que le voisinage est tout fortuit. La pagode a figuré à une exposition, et elle a été réédifiée là par un amateur qui n’a rien à voir avec l’ambassadeur chinois. La pagode serait même japonaise…
Quoi qu’il en soit, cette pagode est devenue une salle de cinéma, et tout à fait curieuse, comme on pense. Les murs et les plafonds sont fastueusements décorés de dragons et autres symboles d’Extrême-Orient. Tout y parle le mystérieux langage d’Asie, et on y est admirablement dépaysé. Des serviteurs chinois en costume vous accueillent, à la porte. L’allure exotique est pleinement réussie.
Au premier spectacle, après les actualités Vox Movietone, une danseuse péruvienne, Mme Helba Huara, est venue créer une sorte d’atmosphère pour le film espagnol qui suivait : Le prix d’un baiser. Pardon, donnons le titre espagnol : El precio de un beso, car le film nous a été donné dans sa version originale, avec le dialogue espagnol.
L’attraction principale de ce film est le ténor mexicain José Mojica, qui chante fort bien. S’il n’avait une si belle voix, on dirait peut-être qu’il chante trop ; mais ce serait bouder le plaisir. Il joue dans le film le rôle d’un bandit qui fait gaillardement la nique à la police, et qui réussira même à s’évader de prison grâce à une belle danseuse qu’on le voit enlever d’un geste bien adroit sur un cheval en course. Des scènes d’auberge, de fêtes, de marchés, avec des danses et des chansons donnent à ce film un grand attrait pittoresque. Il n’y a dans toutes ces images, quelques-unes fort belles, aucune banalité. C’est quelque chose.
Assurément, pour le public français, il serait souhaitable que parussent quelques sous-titres. Mais la culture espagnole est assez répandue à Paris, outre que les images sont assez éloquentes, pour que même dans cette version originale El precio de un beso, ait un succès. Mais des films japonais, à la Pagode, voilà qui ferait encore plus courir !
J. M.

La Semaine à Paris du 13 mars 1931
Paru dans Le Matin

Le Matin du 20 février 1931

Le Matin du 07 mars 1931
Paru dans Le Figaro

Le Figaro du 08 février 1931

Le Figaro du 08 février 1931

Le Figaro du 13 février 1931

Le Figaro du 22 février 1931
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Pour en savoir plus :
Le communiqué de presse d’Etoile-Cinémas qui gérait la salle et est expulsé par la propriétaire.
Leur page Facebook Etoile-Pagode.
L’interview de Élisabeth Dauchy, propriétaire de La Pagode depuis 1986, au Figaro daté du 04 mars 2015.
L’article de Laurent Cantamessi paru dans Causeur (du 06 novembre 2015) qui revient sur l’histoire de cette salle mythique (ne pas lire les commentaires !).
[vimeo width=”500″ height=”375″]https://vimeo.com/39201188[/vimeo]
Le documentaire de Caroline Gimenez sur L’histoire de La Pagode à voir chez Vimeo avec Michael Lonsdale et Jean Henochsberg notamment.
La Pagode, une curiosité dont la publication de ces archives sont très précieuses.
Il faut au moins l’avoir approchée une fois dans sa vie…
Merci !
Ce jour le matériel de La Pagode a été vendu aux enchères…
Que dire…
http://www.lefigaro.fr/cinema/2016/02/23/03002-20160223ARTFIG00271-cinema-la-pagode-tout-doit-disparaitre.php
Et partir sans se retourner…
“Il faut savoir tourner la page”, comme dit la chanson. Mais j’ai souvent regretté de ne pouvoir être un mécène pour protéger de la destruction des lieux uniques pour diverses raisons.
C’est triste et peut-être aussi méprisable.
Suite de l’affaire…