L’équipe de tournage type d’un film français (Cinévie 1946)


Cette semaine, nous voulons rendre hommage à cette “belle” équipe que forme l’équipe de tournage d’un film, celle que nous défendons sur ce site à l’opposé du réalisateur sur son piédestal défendu par certains. Nous avons déjà parlé des régisseurs ou des opérateurs par exemple.

Cet article nous donne un instantané de ce qu’était l’équipe de tournage d’un film français à la sortie de la guerre, en 1946 donc.

Le journaliste, dont les initiales sont H. P., a choisi un film parmi tant d’autres, Jeux de Femmes de Maurice Cloche tourné aux Studios des Buttes-Chaumont à Paris, qui sortira à Paris le 13 mai 1946.

Il décrit chaque poste technique de l’équipe de tournage du film par un court paragraphe incluant le salaire. A la fin il détaillera en détail le budget du film Jeux de Femmes.

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Nous nous sommes permis de renommer le titre de cet article “Cette photo vaut quinze millions” car il n’était pas assez explicite, jugeant que “L’équipe de tournage type d’un film français” était plus parlant.

Il a été publié dans la revue Cinévie le 16 janvier 1946.

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Si le sujet de l’équipe de tournage type d’un film (français) vous intéresse, nous ne saurons que trop vous recommander cet ouvrages de Pierre Leprohon, publiés en 1947 : Les Mille et un métiers du Cinéma (editions Jacques Melot).

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Bonne lecture !

L’équipe de tournage type d’un film français

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Pour plus de précision voir les tarifs officiels du film « Jeux de femmes ».

Nous avons choisi parmi tant d’autres, ce film actuellement en cours de réalisation aux Buttes-Chaumont car comme il nécessite une figuration moyenne avec pourtant de jolis décors et peu d’extérieurs, il représente le type du film au budget moyen. Ce budget moyen représente quand même 15 millions.

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L’ÉTAT-MAJOR : ILS SE PARTAGENT LE TRAVAIL MAIS PAS LE SUCCÈS

 

LE METTEUR EN SCÈNE

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Maurice Cloche n’est pas seulement le réalisateur de « Jeux de femmes », il en est également l’auteur. Aussi est-il certain que son scénario sera fidèlement suivi. Sur le plateau il est partout à la fois, passant en revue les figurants, indiquant un jeu de scène aux vedettes. Pendant 6 semaines il est l’âme du plateau et gagne par forfait 300.000 francs.

SON BRAS DROIT :

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Ivernel est son assistant (est-il parent du comédien Daniel Ivernel ? ndlr), c’est-à-dire son double, un autre lui-même. Il est là pour faire respecter les consignes du metteur en scène. Actif et débrouillard il fait exécuter les ordres donnés. Les artistes et tout le personnel du plateau lui soumettent leurs difficultés. Son emploi rend sa présence indispensable pendant 11 semaines. Il gagne pour cela 77.000 francs.

SA MÉMOIRE.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Claude Roché-Boyard, la script-girl, regarde, écoute, retient et note tout. Aucune école ne lui a appris son métier. Elle vous dira exactement de combien de centimètres dépassait de sa poche le mouchoir de Jacques Dumesnil dans une scène tournée 15 jours auparavant. Elle chronomètre aussi la durée des scènes. Engagée pour 7 semaines elle gagne 35.000 francs.

SON ŒIL.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Les vedettes remettent leur photogénie entre les mains de Marcel Grignon. Son travail consiste surtout à régler mille et un sunlights qui entourent le plateau. De même qu’une scène historique n’est pas éclairée de la même façon qu’une autre ultra-moderne, chaque visage réclame une lumière spéciale. Présent du premier au dernier jour, il gagne 132.000 francs.

SON OREILLE.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

L’ingénieur de son, Louge (René ndlr), s’il est invisible n’en reste pas moins en rapport étroit avec le plateau. Aucun bruit ne lui est étranger. Alors que metteur en scène et opérateur enfin d’accord se montrent satisfaits d’une scène, il découvre toujours un craquement insolite qui force à la recommencer. Attaché au studio, il est payé par lui 20.000 francs par mois.

SON ÉCONOME.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Le Directeur de Production remplit à la fois les fonctions d’adjudant, d’économe, d’intendant et de maîtresse de maison. Fred d’Orengiani s’occupe du côté prosaïque et administratif du film. Il reçoit les visiteurs de marque, établit avec précision le devis de la production. C’est lui qui travaille le plus longtemps. Pendant I 2 semaines il gagne I 44.000 francs.

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CE SONT LES PETITS LES OBSCURS, MAIS NON SANS GRADES

LE MACHINISTE.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Sans lui pas de film. C’est une vedette en son genre. Durieu a un emploi beaucoup plus important qu’on ne se l’imagine : Il transporte des décors, peint, colle et cloue. Un tableau n’est-il pas droit, un rideau mal accroché, il ne connaît qu’un remède : le clou. Aussi en fait-il une grande consommation. Payé 80 fr. l’heure comme ses camarades, il gagne par semaine 3.840 fr. et pour la durée du film 23.000 fr.

LE RÉGISSEUR GÉNÉRAL est Sussfeld (Robert. ndlr).

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

En rapport étroit avec le Directeur de production, il sait combien de figurants sont nécessaires. Il donne les amendes et pointe les retards. Sous contrat pendant 8 semaines il gagne 52.000 fr.

L’HABILLEUSE

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Germaine Scaiola est l’habilleuse non des vedettes mais de la figuration, aussi ce n’est pas d’une, mais de dizaines d’actrices dont elle doit s’occuper. Un film lui rapporte 12.000 fr. pour 6 semaines.

LE MAQUILLEUR agrandit les yeux, affine un visage, rapetisse une bouche.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

En 6 semaines il gagne 3.000 fr. La figurante Natacha de Bewick est payée en robe de soirée 700 fr., en robe de ville 500 fr.

L’ACCESSOIRISTE

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Raymond Cros s’entend toute la journée demander des choses les plus hétéroclites. Il les fournit en un temps record. Sa présence est nécessaire 7 semaines pendant lesquelles il gagne 28.000 fr.

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L’INTERPRÉTATION comprend les petits rôles et les rôles principaux.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

Les cachets de vedettes peuvent aller de 300.000 fr. jusqu’à 2.500.000 fr.

Mila Parély, Jacques Dumesnil, Hélène Perdrière et Jeanne Helbling se partagent pour « Jeux de femmes » 2.323.000 fr.

Le public n’a aucune idée des salaires que l’on peut réellement toucher dans la profession cinématographique. Il ne voit jamais du cinéma que les stars. Il s’entend dire, ou il lit chaque jour, que des artistes comme Fernandel ou Raimu, ou Edwige Feuillère, gagnent 2.500.000 francs par film.

Cette lecture doit rendre furieux les artistes en question, d’abord parce que ce n’est pas toujours vrai, ensuite, parce qu’elle doit passionner le contrôleur des Contributions. Mais il n’y a pas que les artistes au cinéma : il n’y a surtout pas que les stars !

D.R.

Beaucoup de gens gagnent leur vie pour composer un film, et si vous en doutez, vous n’avez qu’à lire, comme vous le faites généralement, cet interminable générique qui précède les productions et où l’on voit que les fautes d’orthographe de M. X. ont été supervisées par M. Z. et que les tapis appartenant à un Belge ont été cousus par un prince polonais, brossés par un Espagnol, tandis que les faux cils de Mlle Micheline Presle sont de la grande fabrique de balais du Pont de Charenton.

Comme cela, vous êtes fixés ! Et lorsqu’on vous donne ensuite une indigestion de navets, c’est un peu comme si, dans un restaurant, on avait indiqué sur le menu : « Le navet qui vient de chez le Père Durand en Saintonge a été transporté par la S. N. C. F. et cuit par le maestro Frigoussi. »

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Vous voyez donc qu’il y a mille manières de gagner sa vie au cinéma, et nous ne citons encore pas tout le personnel appartenant au studio : électriciens, machinistes, menuisiers, peintres, staffeurs, etc., qui touchent une moyenne de 80 francs l’heure, débités au producteur, avec une majoration qui atteint souvent 100 francs pour charges sociales, frais généraux, etc.

Quand vous irez au cinéma, ne pensez plus seulement aux artistes. Songez à tous ceux qui rendent votre plaisir possible. Et dites-vous que, si quelques-uns d’entre eux gagnent plus que certains comédiens, ce n’est que justice, car n’importe qui peut jouer des petits rôles de cinéma, tandis qu’un bon technicien vaut son pesant d’or !

H. L.

paru dans Cinévie du 16 janvier 1946

CETTE PHOTO RÉSUME LE LIVRE DE COMPTES DU PRODUCTEUR.

SUR LE PLATEAU SE TROUVENT PRESQUE TOUS LES COLLABORATEURS DU FILM.

VOICI LE DÉTAIL DE CE DEVIS PHOTOGRAPHIQUE =

MANUSCRIT : 550.000.
MUSIQUE : 50.000.
TECHNICIENS : 2.277.750 fr.
INTERPRÉTATION (PETITS ET GRANDS ROLES) : 3.061.000 fr.
LOCATION DU STUDIO ET DU LABORATOIRE : 5.962.076 fr.
ROBES, MEUBLES ET ACCESSOIRES : 730.000 fr.
EXTÉRIEURS : 200.000 fr.
RÉGIE ET TRANSPORTS : 440.000 fr.
ASSURANCES: 820.000.fr.
ALLOCATIONS FAMILIALES : 150.000 fr.
PUBLICITÉ : 100.000 fr.
IMPRÉVUS : 1.434.082 fr.

MAINTENANT L’ADDITION !

Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Pour en savoir plus :

 

 

 

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