Arletty par Jean George Auriol (Pour Vous 1935)


C’est dans le n°327 daté du 21 février 1935 de la revue Pour Vous que l’on trouve ce court article signé de Jean George Auriol (le fondateur de La Revue du Cinéma) à propos d’Arletty à une époque où celle-ci n’est pas encore la grande actrice que l’on connait.

Arletty par Jean-Georges Auriol (Pour Vous 1935)

Arletty par Jean George Auriol (Pour Vous 1935)

Arletty ne veut plus jouer les petites femmes stupides…

Quand on connaît un peu les ressources du théâtre français (pourtant de nos jours désorganisé par la presque totale dislocation des troupes), on est parfois stupéfait de constater combien le cinéma utilise mal les talents et les capacités. Cela ne tient-il pas à ce qu’au studio, trop souvent, un metteur qui est meilleur photographe que directeur d’acteurs demande une improvisation à des acteurs qui passent habituellement, comme il est normal, vingt, trente ou cinquante jours de répétitions à composer leur rôle ?

C’est en regardant répéter Arletty, qui sera Agrippine dans une Messaline de Jacques Bousquet, une opérette, que nous fîmes une fois de plus ces réflexions. Nous ne comprenons pas, nous, qu’une Arletty, par exemple, n’ait pas une belle place aux soleils artificiels des studios ; mais on nous dit que bien des gens de cinéma n’ont fait que la découvrir dans Pension Mimosas, alors que le public parisien l’applaudit depuis des années. Espérons donc que son interprétation de la parachutiste du film de Feyder lui portera bonheur.

« Ce personnage de parachutiste m’a intéressée, nous dit la très Parisienne Agrippine ; il m’a intéressée parce qu’il n’était ni conventionnel ni trop schématique, et puis parce que je l’ai créé sous la direction de Jacques Feyder, pour qui j’ai beaucoup d’admiration, et entre les mains de qui je me sens en grande confiance. J’aime à travailler pour lui et j’espère de tout cœur qu’il aura besoin de moi dans ses prochains films…

« Il faut que je vous dise tout de suite que j’en ai tout à fait assez de jouer les petites grues stupides. J’ai tourné des rôles qui m’ont amusée (Je te confie ma femme, par exemple), mais on a fait aussi quelquefois appel à moi au dernier moment, dans la précipitation m’a-t-il semblé, pour me demander des choses qu’une nouvelle venue aurait fait avec plus de plaisir et autant de facilité que moi : seulement, on ne cherchait pas, on allait au plus pressé, au « tout cuit » ; c’est trop simple et cela ne peut pas donner des résultats toujours brillants.

« Il me semble que le public doit se lasser de voir toujours les mêmes têtes dans les mêmes rôles, et qu’il ne serait nullement choqué si j’apparaissais soudain dans le personnage d’une femme un peu moins sottement frivole, un peu plus mûre et un peu plus vraie. Je me permets de me mettre ainsi en avant, parce que je sais que beaucoup de camarades, femmes ou hommes, sont dans le même cas que moi. Chaque âge a ses emplois.

— Ne devez-vous pas, ce printemps ou cet été, incarner dans un grand film un personnage presque historique ?
Rien n’est encore décidé à ce sujet. On en est encore à la période des pourparlers.

— N’aurons-nous pas la chance de vous voir là, dans les galeries du Palais Royal, aussi pittoresques et animées qu’elles pouvaient l’être sous Louis XVIII, et dans un rôle où vous serez successivement jeune fille, mère et même grand’mère?
Vous en dites plus que je ne veux en dire. Une artiste est toujours superstitieuse et n’aime guère, vous le savez bien, à parler trop tôt des projets qui lui sont les plus chers et qu’elle espère le plus ardemment voir prendre corps. »

— J. G. A.

Arletty (Pour Vous 1935)

Arletty (Pour Vous 1935)

 

Source : Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse

 

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