C’est dans le numéro 363 daté du 31 octobre 1935 de la revue Pour Vous que l’on trouve cette notice biographique de Gaston Modot.
Elle a été rédigée par Doringe qui avait l’habitude d’en écrire régulièrement dans Pour Vous.
Gaston Modot par Doringe
Gaston Modot naquit à Paris, un 31 décembre, pour les étrennes de ses parents qui étaient d’origine bretonne et espagnole.
Il assure qu’au fond ces deux races de navigateurs se ressemblent fort, et l’île aux Moines, sur la côte bretonne, est pleine de Bretons bon teint qui s’appellent Pepito ou Mercédès. Il habite 10, rue Philibert-Delorme, à Paris, et envoie sa photo quand on la lui demande.
Particularités physiques et morales.
— Taille : 1 m. 78. Poids: 75 kilos. Cheveux bruns.
Yeux brun foncé. Teint basané. Type espagnol.
Ce garçon alerte, agile, sportif, l’un des plus intéressants du point de vue humain des artistes de l’écran français, est d’une ahurissante complexité sous son air calme et tranquille. Il fut un élève déplorable, un de ceux à qui on répète toujours : « Tu finiras sur l’échafaud ! », mais il était excellent en géographie, en composition française, en dessin. Il a conservé ces goûts : il adore les voyages, les livres et la peinture. Doué d’un flair très sûr, il était arrivé à se constituer, par des achats astucieusement réalisés au marché aux puces, une excellente collection de tableaux dont il a revendu une partie pour se constituer… une collection de flacons qui n’a pas beaucoup d’égales !
Aime tous les animaux, la campagne, la guitare et le jeu de boules. Monte à cheval comme feu Centaure et n’est jamais si heureux qu’en selle — à moins qu’il soit plongé dans un bouquin. Là encore, ses goûts sont assez complexes, car ses auteurs préférés sont les chantres de l’action ou de l’impérialisme, comme Kipling, Conrad, O. Henry, les poètes de la nature et de la terre comme Giono, et, parmi nos concitoyens, des hommes aux vues, aux sentiments, au style aussi divers que Mac Orlan, Blaise Cendrars, Henry de Montherlant. Pour la peinture, pas d’hésitation, pas de flottement, un grand amour qui domine tout : Delacroix. Ce qui vous paraîtra sans doute assez paradoxal lorsque vous aurez lu…
Sa vie.
— Son père était architecte. Gaston Modot commence ses études — ses déplorables études — à Paris. Vit aux alentours du Parc Montsouris, d’où il gagne Fontenay-aux-Roses (qui ne ressemblait en rien à ce qu’il est aujourd’hui), puis la campagne des bords du Morin, et, très exactement, Crécy-enBrie. Prend très vite le goût de la ligne et de la couleur. Récolte beaucoup d’égratignures, énormément de pensums, pas de diplômes. Il n’a pas onze ans qu’il perd ses parents l’un après l’autre, et le voilà qui se dirige, tout seul, vers Montmartre. Vit, dans les académies et les ateliers, la vie de bohème. Fait des dessins humoristiques pour les journaux. Fréquente Modigliani, Picasso (d’où vient, Seigneur, d’où vient Delacroix?), Blaise Cendrars, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan… Cultive, par pur agrément personnel, ses dons acrobatiques et sportifs : nage, plonge, fait de la bicyclette… Tant et si bien qu’un camarade de régiment le présente un beau jour à Jean Durand, metteur en scène chez Gaumont, en vantant ses qualités exceptionnelles.
Modot, au fond, n’était pas plus emballé que ça, mais il y va tout de même : il faut bien tout essayer, n’est-ce pas ? Le voilà donc…
Au cinéma.
— C’est pour un film à poursuites. Le Rembrandt de la rue Lepic, Après quoi, comme il est excellent cavalier, c’est, en Camargue, une série de films de cow-boys, des scènes de la vie de l’Ouest américain. A ces films d’aventures succèdent des films… comiques !… une série française d’Onésime et de Zigoto.
On faisait, à cette époque, un film par semaine, ce qui finit, bout à bout, par atteindre 1914 et la guerre. Modot part comme tout le monde, est blessé à la Marne — et à la jambe — et continue…
La paix. Il revient au cinéma. Tourne avec Mathot, la première version de Monte-Cristo ; avec Nalpas, La Sultane de l’amour (c’est à ce moment-là que nous lui avons voué une admiration définitive) ; Un ours, Le Chevalier de Gaby, scénario de lui-même, mise en scène de Burguet, Gaby Morlay en vedette ; La Fête espagnole, scénario de Delluc, mis en scène de Germaine Dulac ; Fièvre, de Delluc ; La Terre du diable, réalisé au Vésuve avec feu Luitz-Morat ; Le Miracle des loups, de Raymond Bernard ; Carmen, de Jacques Feyder, avec Raquel Meller ; Monte-Cristo, deuxième version ; Le Navire des hommes perdus, de Maurice Tourneur, avec Marlène Dietrich et Fritz Kortner ; L’Age d’or, conte cruel, écrit et réalisé par Gaston Modot ; Sous les toits de Paris, de René Clair ; L’Opéra de quat’ sous, de Pabst ; Fantomas, de Paul Féjos ; Coup de feu à l’aube, Quelqu’un a tué, de Forrester ; Crainquebille, de Baroncelli ; Le Clown Bux ; La Bandera, où il est remarquable, et enfin Lucrèce Borgia.
Curieusement Doringe attribue à Gaston Modot l’écriture du scénario et la réalisation de L’Âge d’or, le fameux film de Luis Buñuel…
Pour terminer, rappelons que Gaston Modot passa à la postérité pour son rôle de Fil de Soie dans Les Enfants du Paradis de Marcel Carné.
Source : Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse