Suite de notre hommage à Jean Gabin à l’occasion de la rétrospective que lui consacre la Cinémathèque française du 16 mars au 30 mai 2016.
Cette fois-ci nous avons trouvé un article extra-cinéma qui nous renseigne sur ce qu’était le Gabin au début de sa carrière cinématographique et son attrait pour le sport.
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C’est donc dans Match : l’intran, qui était le grand hebdomadaire sportif de l’époque, que l’on trouve logiquement cet entretien dans lequel Gabin nous parle de sa passion pour la boxe et le cyclisme.
A suivre.
QUELQUES MINUTES AVEC… Jean Gabin
paru dans Match L’Intran du 15 novembre 1932
« Si j’avais pu choisir ma destinée, j’aurais aimé être coureur cycliste», nous dit tout à coup rêveusement Jean Gabin.
— Comment ? Vous qui vous êtes fait une place si enviable dans le cinéma français, vous n’êtes pas satisfait de votre sort ?
— Connaissez-vous beaucoup de gens qui soient satisfaits de ce que la vie leur a apporté ? Cependant je suis, moi, parfaitement heureux. Mais je veux dire simplement que si je n’avais pas embrassé la carrière d’acteur, j’aurais voulu consacrer ma vie au sport. C’est facile à comprendre : toute ma vie s’est passée dans une ambiance sportive. Et je n’aurais pas eu naturellement le goût du sport, de la lutte, que j’y aurais été amené par mon entourage.
« J’étais encore un môme, j’avais onze ans à peine, que je mettais les gants et j’avais de grands exemples sous les yeux. Tous les jours, j’assistais à l’entraînement de Frank Morah, Hogan, de Poésy — qui est d’ailleurs mon beau-frère — de Ponthieu, pour ne citer que ceux dont les noms me reviennent immédiatement à la mémoire. La boxe me séduisait par son côté dramatique et rude.
« Plus tard, vers quinze ans, je fus conquis parle vélo. C’est le plus grand amour sportif qui me soit resté au coeur. Mais ne croyez pas que ce soit seulement un amour platonique. Non, tous les matins que Dieu fait et quand mes obligations professionnelles me le permettent, j’enfourche mon « biclot » et je pars droit devant moi sur la route. J’abats ainsi mes cinquante kilomètres, parfois plus, si je me sens bien disposé. Je me suis ainsi fait des relations, sur la route. A force de faire chaque jour un chemin à peu près identique, j’ai fini par rencontrer des coureurs cyclistes : Wambst, « le Kid » Marcillac. Souvent, nous faisons route ensemble.
« Tenez, les meilleures vacances dont je me souvienne, ce sont celles que j’ai passées, une année en compagnie de Bill Hixon et d’un autre copain : nous avions entrepris de faire un petit Tour de France à bicyclette. Certes, nous n’avons pas connu que des heures roses, il nous arriva même toutes sortes d’aventures. Si je me souviens bien, nous faillîmes même finir en prison. Ce qui aurait augmenté la lourde somme des erreurs judiciaires qui se commettent chaque année sur notre terre, Mais comment ne pas oublier ces petits ennuis quand on roule de bon matin dans la campagne encore endormie, une bonne machine entre les jambes et des muscles bien «affûtés». Nous revînmes cuits par le soleil et la pluie — elle ne nous avait guère épargnés— mais «rechargés» d’énergie pour un an.
— Ne faites-vous pas aussi de la boxe ?
— Non. Tout au moins, plus sérieusement, mais assez cependant pour ne pas avoir complètement oublié ce que j’ai su jadis. Non, je n’étais pas un « bagarreur »comme vous semblez le penser. Au contraire, je boxais en scientifique, avec un gauche très « vieille école anglaise » et un classique crochet du droit. C’est qu’avant la guerre, voyez-vous, on prenait soin d’apprendre leur métier aux boxeurs. On voyait rarement alors se produire en public de jeunes gars n’ayant pour tout bagage pugilistique que leur courage, la force de leurs poings et leur faculté d’encaissement ; des gars qu’on retrouve tôt ou tard entre les murs capitonnés d’un cabanon.
« Si je ne trouve plus guère le temps de m’entraîner, je ne manque jamais une grande réunion, surtout celles où boxe Marcel Thil. J’ai vu tous ses combats, j’ai même assisté à celui où il fit ses débuts dans le ring, alors qu’il ne savait certainement pas qu’il serait un jour champion du monde. C’était à Lorient, où j’étais marin, moi aussi, aux championnats de France de la Marine de 1923. Il a fait son chemin depuis et je l’ai suivi pas à pas. J’ai connu son obscure et courageuse ascension au Central Sporting Club. Nous avons renoué connaissance à Paris en échangeant nos souvenirs d’anciens «cols bleus ».
« Car j’ai vu boxer avant la guerre, quand Paris était la capitale pugilistique du monde entier, tout ce que la boxe a produit de mieux comme champions, et Dieu sait qu’il y en a eu ! Frank Klaus, Stanley Ketchel… Tenez: Jack Johnson, voilà un des plus grands boxeurs que j’aie jamais vus dans un ring — avec Carpentier. Des années après, j’ai retrouvé Jack à Buenos-Aires ; il avait quarante-deux ans, et il était en train de corriger d’importance le champion d’Argentine qu’on avait eu l’imprudence de lui opposer. Je ne vois plus guère qu’un. Marcel Thil pour rappeler le « type » des champions d’avant-guerre. Je ne pense pas qu’on retrouve jamais d’hommes du genre de ceux qui boxaient alors… »
Mais « Julot » Ladoumègue survint. Il venait prendre rendez-vous pour le lendemain avec Jean Gabin qui, ayant un rôle à jouer dans Le Coureur de Marathon, s’entraîne maintenant à la course à pied.
Si nous vous disons que Jean Gabin joue également au football, qu’il a même disputé un match, jeudi dernier, vous conviendrez facilement avec nous qu’il y a pas mal de sportifs réputés qui ne déploient pas autant d’activité.
Robert Bré
Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Pour en savoir plus :
La page consacrée au cycle Jean Gabin sur le site de la Cinémathèque française.
Le site du Musée Jean Gabin à Mériel.
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Jean Gabin en 1932 dans Coeur de Lilas chante La Môme Caoutchouc.
Merveilleux Gabin, un artiste comme il n’en n’existe plus…