Saluons une fois de plus le travail de défricheur et de passeur de Serge Bromberg à travers sa société Lobster Films, qui ressort de l’oubli et restaure de nombreux films, et surtout des muets depuis de nombreuses années. Cette fois-ci, il propose en version restaurée 4K un film culte japonais muet de 1926 réalisé par Teinosuke Kinugasa : Une Page Folle (Kurutta ippêji), qui sera projeté dimanche prochain à Paris dans le cadre de L’Etrange Festival :
Dimanche 17 septembre 2017 – 17H15 – Salle 300 – Séance animée par Serge Bromberg – Séance en partenariat avec Lobster Films.
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C’est donc une bonne occasion d’évoquer ce cinéma japonais à travers ce chef d’oeuvre fantastique qui fut considéré comme “la réponse nippone au Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene” rien que ça ! Invisible pendant de nombreuses années, il fut retrouvé par son réalisateur par hasard en 1970.
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Nous n’avons pas trouvé d’articles parus dans la presse française de l’époque pour la bonne raison qu’il semble que le film ne sortit pas en France et resta donc inédit durant des décennies. Par contre nous avons trouvé cet entretien avec Teinosuke Kinugasa paru en 1929 à l’occasion de la sortie parisienne au Studio Diamant de Jujiro (Le Carrefour), son film suivant, ainsi qu’un article dithyrambique paru dans La Semaine à Paris écrit par Charles Saint-Cyr.
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Signalons que bien des années plus tard Teinosuke Kinugasa sera reconnu internationalement en remportant le Grand Prix du Festival de Cannes (présidé par Jean Cocteau) pour La Porte de l’enfer (Jigokumon) en 1954 ainsi que deux Oscars (meilleur film étranger et meilleurs costumes).
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Bonne lecture !
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M. Kinugasa nous dit ce qu’est le cinéma japonais
paru dans Pour Vous du 21 février 1929
Les premiers, sans doute, à Paris, dès la fin décembre de l’année dernière, nous annoncions que la France connaîtrait bientôt Jujiro, routes en croix, le film japonais qui attire en ce moment les connaisseurs et nous souhaitions, ayant à Paris plusieurs salles d’avant-garde, qu’après des films russes et chinois, le cinéma japonais fût enfin révélé au public français qui le goûterait infiniment.
Ce cinéma presque entièrement inconnu en Europe possède des ressources étonnantes et a déjà réalisé des œuvres dont nous soupçonnions à peine l’existence l’année passée. Nous publions d’ailleurs ci-dessous une interview du metteur en scène de Jujiro dont nous avons eu la bonne fortune de recueillir les renseignements intéressants qu’on va lire.
Lentement, M. Teinosuke Kinugasa se hâte. Il part pour Berlin dans deux heures. Vous ne connaissez pas M.Teinosuke Kinugasa ? C’est le metteur en scène de ce film étonnant Jujiro, que vient de nous révéler le cinéma japonais.
Comme je ne parle pas un mot de sa langue et que de son côté notre cinéaste n’entend point le français, c’est à M. Moitiro Tsutya que je m’adresse. J’ai l’impression qu’il répond à mes paroles en signes ; M. Kinugasa lui envoie d’autres signes qui, passant dans ce transformateur humain, me reviennent en excellent français. Et j’apprends que le cinéma japonais, que nous soupçonnons à peine, est une chose considérable. Il y a là-bas des sociétés de films au capital de soixante dix millions de francs, plus de vingt studios, quarante metteurs en scène, mille quatre cents acteurs de cinéma et près de cinq cents actrices…
— Et la production ? ai-je demandé à mon interlocuteur.
— Environ huit cents films par an… Et des bandes de plus de deux mille mètres.
Tous ces chiffres sont pour moi une révélation, et je demeure stupéfait. Où tous ces films peuvent-ils donc passer ?
— Mais chez nous, répond M. Moitiro Tsutya. Sachez bien, n’est-ce pas, que nos cinémas projettent 65 % de films nationaux.
C’est admirable !
— Et le film américain ?
— Il compose 90% des 35% qui restent. Les artistes les plus aimés chez nous, poursuit M. Tsutya sont Charlie Chaplin, puis Jannings, Louise Brooks, Clara Bow… En dehors de Charlot qui est tout à fait au-dessus de tout le monde, je dois dire que depuis Le Dernier des Hommes et Variétés, Jannings est très considéré. Et parmi, les metteurs en scène tournant en Amérique, Sternberg. Les Nuits de Chicago et Les Damnés de l’Océan ont obtenu un très grand succès.
Bien entendu nous avons aussi, une élite (20 % environ du nombre des spectateurs) qui apprécie l’avant-garde. Dans ce domaine on aime beaucoup la production française. La Roue d’Abel Gance a été un véritable triomphe, et l’on peut considérer qu’elle a influencé tout le cinéma japonais. L’Image aussi, Visages d’Enfants de Feyder. Puis quelques films de L’Herbier et d’Epstein. On va prochainement montrer à Tokyo : La chute de la Maison Usher.
Qui aurait pu soupçonner une pareille activité cinématographique au Japon et penser qu’il y avait là-bas cent vingt-deux journaux et vingt-trois groupements de cinéma…
— Et nous avons aussi une censure, me dit M. Tsutya. Et très sévère ! La morale orientale est si différente de la vôtre, et si rigoureuse. On a interdit La glace à trois faces d’Epstein, parce que ce film montrait un homme ayant trois maîtresses…
M. Teinosuke Kinugasa a maintenant terminé ses préparatifs. Il a parfois laissé à son ami le soin de me répondre : mais leurs idées sur le cinéma sont semblables.
On répond très bas à mon salut. Tout à l’heure, sans hâte, M. Kinugasa va se diriger vers la gare. Il arrivera avant le départ du train, montera tranquillement dans son wagon, dira au revoir à son honorable ami. Puis, comme dirait M. Thomas Raucat, lorsque tout sera en place, les roues du convoi se mettront à tourner toutes dans le même sens : le train sera parti…
Roger Régent
Critique de Jujiro, film japonais
paru dans Pour Vous du 21 février 1929
Voici qu’un message, une “connaissance de l’Est” nous vient par le cinéma.
Nous avons formulé, ici même, des vœux pour que des films japonais nous soient révélés. Le Studio Diamant a pris l’intelligente initiative de présenter Le diable au palais et Jujiro (Routes en croix), deux œuvres susceptibles de nous donner une première idée de la production nipponne très abondante et non sans valeur, nous pouvons désormais le dire.
Le Diable au palais est un film fantasmagorique constitué avec de petits personnages en papier de riz. On y voit des samouraïs, un paysan, des monstres, un loup et une maison au bord d’un précipice qui a peut-être été inspirée par la cabane de la Ruée vers l’or. C’est d’une naïveté qui offre un charme passager.
Beaucoup plus important sans conteste est le film Jujiro, œuvre de M. Teinosuke Kinugasa qui est actuellement à Paris et, quoique très jeune, compte déjà une cinquantaine de films à son actif.
L’histoire de Jujiro est fort simple : Un frère et une sœur vivent ensemble au XVIIIe siècle. Ils sont très pauvres et le frère aime une courtisane, une héroïne de foire au cœur volage. Ce funeste amour l’amène à se battre ; au cours du combat, il perd, semble-t-il, la vue. Mais il croit avoir tué son adversaire. Détresse de la sœur à son retour : elle est, elle-même courtisée par un homme qui a trouvé un « fitté » (petit bâton qui servait alors d’insigne aux policiers). Confidences. Terreur.
Le faux policier, à un moment donné, croit pouvoir profiter du sommeil de celui qu’il croit aveugle. Une lutte s’engage avec la jeune fille. Le frère entend, se lève et ses yeux s’ouvrent.
Il recouvre la vue pour voir sa sœur enfoncer un poignard dans le cœur de l’homme au « fitté ».
Alors, c’est la fuite dans la tempête, puis le mauvais désir, de la part du frère, d’aller dire adieu à la courtisane aimée. II la trouve dans les bras d’un rival et meurt tandis que sa sœur, éperdue, le cherche et ne trouve devant elle, en étoile que des routes en croix… »
Ce film n’est pas seulement remarquablement interprété par Mlle Akiko Chihaya et M. Junosuké Bando, il est aussi réalisé avec art et une science habile des éclairages.
Nous attendions des jeux un peu figés, très lents, difficilement accessibles. Le Japon a su tirer profit de l’enseignement cinématographique qui lui a été apporté par l’Amérique, tout en y ajoutant certaines de ses propres caractéristiques : la scène de la foire est vivante, mystérieuse et très significative.
Le gros plan immense d’un mangeur est également l’un des très curieux détails de ce film, répétons-le, qui nous fait brillamment prendre contact avec l’art cinématographique du pays du Shinto.
J.-V. Bréchignac
Source : Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse
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Nous ajoutons cet article magnifique de Charles de Saint-Cyr qui semble subjugué par Jujiro et donne sacrément envie d’en voir une version restaurée, Serge Bromberg si vous nous lisez…
Avec “Jujiro” (que projette le Studio Diamant) le cinéma japonais “surclasse” le cinéma américain et allemand
paru dans La Semaine à Paris du 15 février 1929
C’est un fait. Pourquoi ratiociner ? Et puisqu’il est, n’est-il pas préférable de l’exprimer tout net, sans plus — brutalement ? Faut-il nous en étonner ? Nous ignorions, voilà tout ! La Tragédie du Temple Hagui (que nous fit connaître il y a deux ans le Vieux-Colombier) avait bien paru chose intéressante à quelques-uns, dont le signataire de ces lignes, mais de La Tragédie du Temple Hagui à Jujiro, il y a un monde, comme on dit : précisons : Il y a tout le chemin qui conduit d’un art en formation à un art à l’état de plénitude.
Plénitude ! Il faut s’arrêter sur ce mot qu’on a rarement l’occasion d’employer à propos du cinéma « blanc », qu’il soit d’Europe ou d’Amérique. C’est que le cinéma « blanc » paraît toujours avoir un pied en l’air ; cela provient de la défectuosité des méthodes de travail (cette imperfection sera l’occasion de prochains articles ici). Tout au contraire, dans Jujiro, il y a plénitude, c’est-à-dire que le film est enveloppé : l’histoire et l’atmosphère où cette histoire respire non seulement sont en accord, mais encore sont à l’aise ; chacun d’eux existe par lui-même, et existe par rapport à l’autre ; ainsi seulement peut être obtenue la plénitude.
Aucun film « blanc », même pas L’étudiant de Prague n’y est parvenu. Peut-être dans sa version non tronquée, La Passion de Jeanne d’Arc ! Mais c’est un film à part, soutenu par un sujet unique. Tandis que Jujiro n’emprunte rien à sa propre fabulation, voire lui donne tout. La perfection unie à l’intensité émouvante du jeu des interprètes concourt, il va de soi, à cette plénitude.
Pourtant, je ne vous nommerai aucun des interprètes du film : c’est que chacun d’eux atteint le maximum, tout ensemble qu’il mêle intimement son jeu au jeu de ses protagonistes. Les figurants ne le cèdent pas aux vedettes. Ou plutôt, il n’y a pas de star au sens pitoyable que les Etats-Unis attachent à ce mot, sens que nous avons si malencontreusement importé. Donc, chacun des personnages de Jujiro fait ce qu’il a logiquement à faire. Vous souvient-il de notre émerveillement à l’Exposition de 1900 quand nous vîmes Sada Yacco ? Certes, déjà en ce temps-là — pour jeune que je fusse encore — je m’étais détourné du jeu en baudruche soufflée et dorée que Sarah Bernhardt imposait. Mais il me semble que, si aveugles qu’ils s’affirmassent, les admirateurs de Sarah Bernhardt durent, devant Sada Yacco, éprouver confusément que le génie était là. Pareillement les plus bornés tenants des stars à la mode éprouveront — je l’espère pour eux — un confus pressentiment devant le jeu coordonné des interprètes de Jujiro.
Dois-je insister sur ce que cette plénitude, qui m’exalte d’enthousiaste et fervente admiration, signifie de vérité ? Et, dès lors, une autre satisfaction —infinie — nous est offerte ici. Attachés à notre petit coin de terre, nous pénétrons jusques au coeur même, jusques au tuf de la vie du Japon, de l’âme japonaise. Nous y pénétrons mieux qu’un Pierre Loti, par exemple, qui comprit tant d’autres pays, mais dont Madame Chrysanthème et La troisième jeunesse de Madame Prune avouent de l’incompréhension quant au Japon.
Nous, nous n’avons qu’à nous unir aux personnages de Jujiro : de leur fait, rien n’est plus secret pour nous.
Chaque fois que l’occasion m’en est donnée, j’insiste sur la primauté du fait divers (en tant de matières, et notamment au cinéma). Voici que le Japon vient offrir son exemple à ma thèse. Qu’est-ce, en effet ; que Jujiro ? Un fait divers. Une grande soeur gâte un frère plus jeune, garçon querelleur et coureur ; ils vivent seuls. L’influence de la grande soeur ne parvient pas à arracher le jeune homme à la vie déplorable qui lui est chère. Et déjà, vous sentez que nous connaissons l’existence japonaise, celle des gens modestes (la grande soeur n’est point riche) et l’existence si curieuse des lieux de plaisir. Voici « la vieille qui vend les filles »; surtout, voici le tir, manière de « Luna Park », où « la demoiselle du tir » est fille facile. Des filles faciles, nous en avons en France, soit ! mais que la foule qui se presse à ce tir — foule prodigieusement expressive — est loin des foules de chez nous ! Et quel enivrement que d’ainsi voyager !
Voyage double : dans l’espace et dans le temps. L’action se déroule, en effet, au XVIII° siècle. Il est possible que vous localisiez mal le XVIII° japonais. Mais on ajoute : au temps d’Utamaro, et, si
le nom du grand artiste n’évoque rien pour vous, ah ! tant pis — mais tant pis pour vous. Ainsi, retour dans le passé, dans le Japon d’avant toute atteinte d’Europe, mais aussi persistance dans le présent. L’extraordinaire expressivité des visages, que peut-elle être en effet, sinon d’aujourd’hui ? Ces gens-là ne jouent pas « reconstitué » : ils jouent « naturel ». Jamais, sauf peut-être par quelques instants de Mlle Asta Nielsen (dans un film médiocre : Les Effarés) et par des révoltes, des réponses, des douleurs de Mlle Falconetti (dans La Passion de Jeanne d’Arc), jamais je n’ai éprouvé si intensément le jeu d’un interprète. Or, ce n’est point tel ou tel tel, mais bien tous : chaque interprète — et par lui-même et par son ombre, dont il obtient un prolongement inconnu au pays « blanc » — et chaque figurant. Ce Sessue Hayakawa qui nous semblait si merveilleux, voici que nous comprenons soudain que c’était un Japonais — affadi, appauvri par l’Amérique (Car les longues civilisations ont du bon et rien ne s’improvise. S’il fallait chercher un égal à ce jeu japonais, ce n’eut pu être que dans la plus vieille civilisation d’Occident, c’est-à-dire la nôtre ; mais les mauvais bergers de notre cinéma en ont décidé autrement) !
J’insiste plus haut sur le prolongement du jeu par l’ombre. Point par l’ombre seulement : de toutes façons ! La résonance n’est pas interrompue ; l’onde qu’a déterminée la pierre lancée dans l’eau et qui va s’élargissant, cette onde n’est pas brisée : on laisse le temps à cette onde, à cette résonance, de pénétrer jusque au fond de nous. C’est peut-être la caractéristique principale du jeu japonais et sa plus grande antinomie avec le jeu d’Europe, le jeu d’Amérique surtout, qui peut être rapide, mais est volontairement court, comme se refusant l’au-delà.
Le soir que je vis Jujiro, quelques sots sifflèrent a ce sujet, mais a-t-on jamais réduit les sots au silence ? A cause d’Ooumé (Yukiko Ogawa) « la demoiselle du tir », rixe entre le jeune frère et un rival, Le jeune frère, aveuglé par une poudre qui lui est lancée dans les yeux, croit avoir tué son rival et se réfugie auprès de la grande soeur ; elle le soigne ; hélas ! les médecins demandent cher, et elle n’a guère d’argent. Un faux agent de police joue du meurtre supposé ; il espère amener de la sorte la grande soeur à se donner a lui. Affolée, elle le tue. Le jeune frère (guéri) et la grande soeur vont fuir, mais lui ne peut s’arracher à l’emprise de son péché ; il s’échappe vers Ooumé (Yukiko Ogawa) et la mort. Et la grande soeur ? La voici au bord de l’eau calme où gît tout oubli, jusqu’à celui de vivre. Fait divers, donc ! mais à la façon des grands mythes qui — étant toute simplicité — ne peuvent être que des faits divers.
Fait divers et symbole tout à la fois ! Jujiro : « routes en croix ». C’est donc bien le destin qui y est lové et qui, sur le modèle du serpent, se déroule, avance, saisit des hommes nouveaux, les enlace, les broie.
Fait divers, c’est-à-dire accident — accident ? même pas : incident.
Tout l’éternel est dans cette histoire ; jamais l’écran ne m’en a offert d’une si complète beauté, d’une si constante émotion. J’admets au demeurant fort bien qu’on lui préfère telle turlutaine ! Des goûts et des couleurs… Et puis, il ne faut décourager personne, n’est-ce pas ?
Charles de Saint-Cyr
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Critique de Jujiro par René Lebreton
paru dans Comedia du 14 février 1929.
C’est avec une véritable surprise que le public du Studio Diamant voit se dérouler Jujiro, le grand film japonais que la coquette salle de la place Saint-Augustin passe en ce moment.
Tour à tour sauvage et mièvre, rapide et angoissant, le film, est d’un rythme très différent de celui des productions occidentales.
M. Henri Diamant-Berger qui découvrit et lança cette bande en donne l’explication curieuse que voici : Les cinémas japonais ne connaissent pas la musique. C’est un conférencier qui lit pendant la projection un commentaire écrit par le metteur en scène lui-même.
Ce commentaire rédigé de façon très intéressante du reste exige un découpage très différent du découpage tel que nous le concevons. Et il est naturel que, présenté à notre façon, le film nous surprenne. Il a fallu procéder dans le cas de Jujiro à un montage nouveau qui a du reste été entièrement approuvé par le metteur en scène, M. Kinagasa, qui a tenu à venir assister à la première représentation de son oeuvre en Europe.
René Lebreton
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Un film japonais : Jujiro
paru dans L’Intransigeant du 16 février 1929
Avouons-le, nous ignorions hier encore le développement et l’activité de l’art cinématographique au Japon. Il existe cependant des films Japonais : Nous n’en voulons pour preuve que celui dont le Studio Diamant vient de nous offrir la primeur. C’est un drame, un drame noir, brodé sur le thème d’une légende nippone du 18° siècle. Ce film est pour nous une révélation, la révélation d’une cinématographie, disons le mot, inconnue. Il y a, parait-il au Japon, des studios dont l’outillement et le modernisme atteignent à la perfection. C’est dans ces studios que. M. Teinosuke Kinugasa a réalisé son film « Jujiro, routes en croix ». Je crois que c’est une des oeuvres les plus intéressantes de la saison.
Je ne parlerai pas du scénario dont certains détails nous échappent, principalement au début du film, mais en se plaçant à un point de vue purement cinématographique, en jugeant le côté technique de la réalisation, on relève une multitude de qualités dont sont, hélas ! dépourvus la majorité des films soumis périodiquement à l’appréciation du public. Les éclairages, mis en valeur dans « Jujiro » par M. Teinosuke Kinugasa, rappellent assez ceux de certains films allemands — de Pabst, notamment. Les photographies que nous reproduisons ci-dessus montrent, à gauche, une rue reconstruite en studio ; à droite, le protagoniste du film, Akiko Chihaya. « Jujiro » est édité par la Sofar.
Pierre Ramelot
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Pour terminer nous rajoutons ces deux encarts parus dans la presse à l’occasion de la première de Jujiro à Paris.
Paris-Soir du 16 février 1929
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Le Figaro du 15 février 1929
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Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
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Pour en savoir plus :
La page de L’Etrange Festival consacrée à la projection exceptionnelle d’Une Page Folle.
Un essai (en anglais) par Brian Darr à propos de Jujiro sur le site du San Francisco Silent Film Festival.
Extrait d’Une Page Folle de Teinosuke Kinugasa.
Extrait de Jujiro (Crossroads) de Teinosuke Kinugasa.