Albert Dieudonné, le Napoléon d’Abel Gance


Le 5 mai dernier était le donc le 200° anniversaire de la mort de Napoléon Bonaparte.

Quoique l’on pense de l’homme d’état, pour tout cinéphile, ce nom est synonyme d’Albert Dieudonné qui l’a personnifié mieux que quiconque dans le chef d’oeuvre d’Abel Gance.

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Aussi, est-ce un très bon prétexte pour rendre hommage à cet acteur démesuré à travers cette série d’articles publiés à la fin des années vingt.

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Né en 1889, il débuta très tôt sur les planches en jouant auThéâtre National de l’Odéon, puis au Théâtre du Châtelet. Il écrit également des pièces de théâtre dont Alsace qu’il crée avec la grande Réjane. Très vite, au début des années dix, Albert Dieudonné se passionne pour le cinéma et réalise plusieurs films dont dès 1913 L’Idole brisée pour la Gaumont et Sous la griffe avec Harry Baur en 1917 !

Il rencontre Abel Gance durant la guerre et jouera pour lui dans cinq films dont La Folie du docteur Tube avant ce Napoléon.

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Nous commençons cet hommage par l’article de Pierre Leprohon, paru dans Cinémonde en 1929 : Albert Dieudonné, un grand artiste du cinéma français. Puis, vous pourrez lire un article paru en 1935 dans Pour Vous : Un Curieux homme : Dieudonné Bonaparte. 1935 c’est l’année où paraît la seconde version de Napoléon : Napoléon Bonaparte, ou Napoléon vu et entendu par Abel Gance.

Nous avons retrouvé, ensuite, un article de 1926 lors du tournage du film, La vedette de NAPOLÉON : ALBERT DIEUDONNÉ paru dans Cinémagazine, ainsi qu’un autre article paru dans la même revue mais cette fois-ci à la sortie du film en avril 1927 le sacrant vedette.

Pour finir, nous avons rajouté un article paru, toujours dans Cinémagazine, à propos du film qu’il a réalisé d’après un scénario de Jean Renoir : Catherine ou La Vie sans joie.

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Après une restauration saluée par la critique en 2016 par l’historien Kevin Brownlow, sorti en Blu-ray par le British Film Institute, nous attendons avec impatience celle entreprise par Georges Mourier et la Cinémathèque française qui s’annonce comme la plus complète possible. En effet, Georges Mourier y travaille depuis 2007 ! et a à sa disposition les 250 boites de pellicules transmises par Abel Gance à Henri Langlois dans les années cinquante.

Nous en reparlerons en temps voulu.

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Vive le cinéma !

 

Albert Dieudonné, un grand artiste du cinéma français par Pierre Leprohon

paru dans Cinémonde du 7 août 1929

paru dans Cinémonde du 7 août 1929

On a dit maintes fois que le cinéma français était un cinéma de personnalité. Cela parait être en effet sa caractéristique la plus évidente. Alors qu’Amérique, en Russie, les meilleures œuvres sont dues à la collaboration de talents spécialisés chacun dans une partie de cet art composite, on remarque eu France, au contraire, un vrai triomphe de l’individualisme.

Le cinéma français doit sa valeur à quelques hommes, à quelques intelligences créatrices qui nous donnent avec leurs films des œuvres où l’on sent avant tout l’impulsion généreuse d’une personnalité.

Je ne tenterai pas d’examiner à nouveau le problème, souvent mis en cause, de la coopération intellectuelle au cinéma. Je voudrais seulement parler d’un grand artiste qui est aussi un cinéaste, un dramaturge et un romancier : Albert Dieudonné, l’inoubliable Bonaparte du Napoléon, d’Abel Gance.

paru dans Cinémonde du 7 août 1929

Albert Dieudonné naquit à Paris en 1889. Ses études terminées, il se tourna vers le théâtre et débuta, à dix-neuf ans, au Théâtre des Arts où il interprétait bientôt les plus grands succès : Le Grand Soir, L’Éveil du Printemps, Les Possédés, etc. Sa carrière théâtrale le conduit à travers toute la France, puis la Belgique, l’Angleterre, l’Irlande, jouant les œuvres du répertoire : Gringoire, Chatterton, Le Luthier de Crémone. Mais les rôles nombreux qu’il interprète sur la scène ne suffisent pas à son activité spirituelle. Bientôt il commence à écrire et, en 1912, il fait jouer à Bruxelles un acte dont il est l’auteur : La Saisie, puis une comédie : Enfin on va pouvoir se reposer.

Dieudonné passe ensuite au Théâtre National de l’Odéon, puis au Châtelet. Mais le cinéma commence à l’intéresser ; il sent dans cet art neuf des possibilités encore confuses mais dont un sûr instinct l’avertit. Des essais malheureux ne le découragent pas, et peu à peu le cinéma lui donne une plus grande confiance. Quelques-uns de ses premiers films furent tournés sous la direction de Gance. notamment Le Périscope, Ce que les flots racontent et L’Héroïsme de Paddy. Il créa également Alsace, avec Réjane et revint à la scène pour jouer une de ses œuvres, Un Lâche, aux côtés de la grande tragédienne Vera Sergine.

Mais le cinéma réclame de plus en plus son attention. Là aussi il veut faire œuvre personnelle. Sur des scénarios qu’il avait composés, il réalise, pour Aubert, Gloire rouge et Sous la Griffe, puis, en 1921, pour Gaumont, il écrit L’Idole brisée, dont Lina Cavalieri était la vedette.

Cette activité multiple ne faiblit pas. En 1922, Albert Dieudonné interprète et met en scène Son Crime, d’après un scénario dont il est également l’auteur, et publie ensuite une adaptation littéraire de son film. En 1924, il réalise Une Vie sans joie, un film de grande valeur, que Les Agriculteurs viennent de reprendre dernièrement. On jugera par nos photos des curieux éclairages que Dieudonné réussit là. Mais si ces décors semblent accuser l’influence des méthodes allemandes, l’auteur, qui sut également utiliser les extérieurs avec une rare intelligence de la lumière, est demeuré constamment maître de lui-même et a réalisé un film qui doit être considéré, en raison de son époque, comme une œuvre marquante. Catherine Hessling, Térof, Louis Gauthier ont interprété de façon remarquable ce drame provincial, d’une psychologie vraiment bien exprimée.

Et j’en viens enfin à ce point capital de la carrière d’Albert Dieudonné : son interprétation du rôle de Bonaparte.

« Je me souviens que c’est au théâtre que pour la première fois il me fût donné de réaliser le rêve de toute mon enfance : être Napoléon ». Cette phrase n’est-elle pas l’un des secrets de l’extraordinaire incarnation de Dieudonné ? Déjà à Bruxelles, en 1913, l’excellent acteur fut le Napoléon, premier consul, dans Le Chevalier au masque, la pièce d’Armont et Manoussi. Pourtant la proposition de Gance le fit hésiter quelque temps.

paru dans Cinémonde du 7 août 1929

« Le seul point par lequel je ressemble à Napoléon, dit-il, c’est que j’ai été caporal pendant la guerre. » Malgré cette boutade, et dès les premiers mètres d’essais qui furent magnifiques, Dieudonné s’enthousiasme et accepte avec joie le formidable rôle. On sait combien d’artistes essaya Abel Gance avant de se décider pour Dieudonné. C’est que le grand réalisateur avait rencontré chez ce dernier non seulement un physique fort adéquat, mais aussi un caractère, une force morale qui lui donnaient la certitude de n’être point trahi.

L’interprétation d’Albert Dieudonné fut en effet l’une des plus puissantes que nous ayons applaudie sur l’écran français. Elle fut d’une souplesse, d’une vérité surtout que nous rencontrons fort rarement et surtout dans les films historiques. Dieudonné eut l’énergie patiente du jeune officier qui passait les nuits au travail, la réserve presque timide de l’amoureux qui « craignait les éventails plus que toutes les armes », le courage de celui qui luttait contre les éléments et contre les hommes et cette fougue enfin, cet esprit de décision que l’on peut appeler à la fois la folie et le génie de Bonaparte. Par le seul jeu de ses traits, des gestes au delà desquels on sentait l’âme napoléonienne, Dieudonné nous a rendu un Bonaparte vivant, exact, dont l’exaltation nous emportait nous-mêmes comme elle dut emporter nos aïeux.

Certes, de telles images font comprendre l’Histoire beaucoup mieux que certains livres. L’arrivée au camp de l’armée d’Italie me semble la partie la plus extraordinaire de ce rôle : Dieudonné y fut véritablement sublime.

paru dans Cinémonde du 7 août 1929

Une Vie sans Joie d’Albert Dieudonné

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C’est d’ailleurs après avoir étudié son personnage avec une rare conscience que l’artiste l’interpréta. Cette belle création lui valut un succès mondial et d’abondants témoignages de sympathies. Louis Madelin, lui-même, l’Académicien historien de Napoléon, écrivit à Albert Dieudonné une lettre magnifique dont voici quelques passages :

« Le physique, c’était bien, ce n’était pas méritoire. Mais l’adaptation aux gestes, aux manières, aux expressions, à la physionomie, quel miracle vous avez réussi là !… Je vous félicite : vous m’avez donné une vraie joie, une joie d’historien qui voit vivre l’histoire. »

Quel plus bel éloge pourrait-on décerner à Albert Dieudonné ?

Pierre Leprohon

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Un Curieux homme : Dieudonné Bonaparte

paru dans Pour Vous du 10 octobre 1935

paru dans Pour Vous du 10 octobre 1935

Je l’attends, avec mon enfant, Jérôme, à la terrasse d’un café voisin du cinéma où passe, ce soir, le Napoléon d’Abel Gance. Les quatorze ans de Jérôme sont à l’état explosif. Même quand il a l’air de s’intéresser aux passants, ou quand il m’écoute, je sens, comme un quadrige lâché au cirque, son impatience courir dans les fibres, embraser les yeux. J’ai annoncé à Jérôme qu’il aurait une surprise, une de ces surprises… Il ne sait pas laquelle. Sa tendre confiance a allumé d’un seul coup le feu d’artifice de l’esprit et du cœur. Et voici Dieudonné. Nous avons le temps. Nous bavardons. J’ai présenté Jérôme. J’ai présenté Dieudonné : Napoléon.

« Ah ! » a fait l’enfant sans comprendre. Dieudonné me raconte des histoires, ses histoires. A bâtons rompus. Enfance. On parle nécessairement du grand-père, de glorieuse mémoire. Alphonse Dieudonné, qui restera dans les annales théâtrales comme le créateur du type : « l’ami sceptique » ; qui, en 1855, joue Hippolyte avec Rachel, en Amérique ; en 1880, imprésario, est, en Amérique encore, avec Sarah Bernhardt ; joue dix ans au Théâtre impérial, en Russie ; puis sera vingt-quatre ans l’une des vedettes du Vaudeville, pas encore Paramount ; Alphonse Dieudonné, responsable de la carrière d’Albert Dieudonné, alors que les parents du dit ne voulaient rien savoir. Il lui fait apprendre et déclamer des fables, puis les grands classiques, et le fait entrer de force au Conservatoire. A seize ans et demi. Trop jeune. Albert travaillera, mais ne concourra pas. N’importe ! le voilà dans le théâtre, comme la boule dans la rainure du bowling. Une boule qui sortira, un beau jour, comme nous allons voir, de sa travée, pour devenir planète. Dans un système dont le soleil s’appelle Napoléon. Albert Dieudonné, comédien, joue toutes sortes de pièces dans toutes sortes de pays. Acteur au théâtre des Arts, à Paris, puis dans toute la France, en Belgique, en Angleterre, en Irlande, auteur à Bruxelles, derechef acteur à l’Odéon, au Châtelet. Puis, il tâte du cinéma, aux temps préhistoriques du muet.

paru dans Pour Vous du 10 octobre 1935

Dieudonné revient à des temps plus proches. A l’époque où se décida l’interprétation de Napoléon, il séjournait avec Abel Gance au palais de Fontainebleau que d’Esparbès, le conservateur, avait mis, à la disposition du cinéaste. Il n’est point certain que Gance ne coucha point dans le lit de l’Empereur et Dieudonné croit bien avoir fait une de ses ablutions matinales avec le broc et la cuvette du grand Conquérant… N’empêche que Gance jugeait à ce moment Dieudonné trop grassouillet pour lui confier le rôle de Bonaparte, lieutenant. Alors, Mme Dieudonné, pendant plusieurs mois, priva son mari de toute viande et de tous plats sucrés. Après avoir suffisamment dépéri, Albert put s’insérer dans le corps osseux du petit officier d’artillerie.

Mais il y avait une question, d’ordre psychologique, autrement plus importante que celle de l’ordre lipoïdique. Notre Dieudonné était bonapartiste depuis l’enfance. A Janson-de-Sailly, qui l’eut comme collégien, Albert se « bagarrait » avec un autre, Jean Rochefort, le petit-fils du journaliste. Quand le premier criait : « Vive l’Empereur ! » le second ripostait : « Vive le Roi ! » Cela finissait en empoignades et cela sur-finissait — si j’ose ainsi dire — en « retenues ».

On allait fort à Janson, dans ce temps-là. Il paraît que les « grands » voulaient faire « sauter » le censeur des études, Dieudonné ne sait plus pourquoi. Un jour, les W. C. éclatèrent sous une explosion de dynamite. « De dynamite ?… » Je marque quelque incrédulité. « De dynamite ! » m’affirme Dieudonné avec le regard qu’il a quand, Napoléon, il fige les gendarmes corses chargés de l’arrêter. Comment insisterais-je ?… Un autre jour, le Proviseur trouva sur sa table les énormes aiguilles de l’horloge. On chahutait dehors. Mais le plus pittoresque est que le chef des meneurs s’appelait Montlahuc (aujourd’hui avocat distingué) et que M. Montlahuc père était commissaire de police du quartier, chargé de l’ordre autour de Janson. De sorte que les agents envoyés par le père pour calmer les collégiens déchaînés n’osaient toucher au déchaîneur, fils de leur chef…

Nous partons de Napoléon, parce que l’heure avance, et Jérôme me montre avec inquiétude la petite marche indifférente des aiguilles.

Cette aventure, l’incarnation de Napoléon par Dieudonné, est difficile à résumer. D’autres l’ont écrite. En 1937, Gomez Carillo raconta très exactement le tragique dédoublement de l’artiste :

« Son sourire n’était plus celui d’avant… » En lisant les livres de Frédéric Masson, en étudiant les mémoires des témoins de l’épopée, en examinant, les tableaux de David, Dieudonné avait fini par s’enivrer — mieux : par s’intoxiquer — de napoléonisme. L’âme du héros de Lodi, vibrante de jeune gloire, avide d’infini, avait remplacé, dans le mystère des rêveries subconscientes, son âme de boulevardier sceptique ; et on lisait le miracle, l’empoisonnement, le vertige ; dès lors, ceux qui le virent journellement à notre réunion, hantée de fantômes, du vieux Café Napolitain, commencèrent d’assister à un drame qui n’était pas celui qui agitait hors du studio le fougueux obsédé. Généralement, tout le mystère se concentrait en ses claires pupilles et dans le rictus de sa bouche expressive. Parfois pourtant, sa fièvre intérieure était si intense qu’il laissait échapper des phrases incohérentes pour les non-initiés et qui faisaient pâlir sa femme : « Demain, chez Barras… Demain sur le champ de bataille… »

Et si quelqu’un, croyant qu’il faisait allusion à son travail du lendemain, lui posait une question indiscrète, Dieudonné, s’éveillant de son rêve, essayait de sourire en se mordant les lèvres.

Elie Faure : « Si Bonaparte — le vrai — revenait, je ne le reconnaîtrais qu’à la condition qu’il ressemblât à Dieudonné. Sinon, je prierais l’imposteur de passer son chemin.

« Le masque, la taille, l’attitude, ce n’est pas assez dire que tout y est ; une pareille identité physique ne suffirait pas à produire l’impression à certains moments hallucinante que les va-et-vient sur l’écran, les gros plans impérieux, le dos maigre et voûté qui songe, ce regard qui traverse et cloue, cette silhouette ardente du commandement et du rêve imposent à notre scepticisme pourtant assez obstiné. L’esprit, ici, a soufflé sur le comédien. Quelques scènes — l’enfant chétif, seul architecturé, seul dense, seul de fer et d’âme, parmi les fantoches géants du conseil de guerre de Toulon, l’apparition du maître dans le roulement des tambours au seuil de la Convention, le sabre jeté sur la table devant les chefs de l’armée d’Italie, le mince fantôme à cheval devant le ciel sur la montagne — condensent une poésie spirituelle que la forme silencieuse, je le déclare, ne m’avait pas encore procurée. Ce n’est pas seulement dans le rythme du film que le comédien est entré. Par l’imagination et la volonté confondues, il parcourt ici, d’un pas sûr, les cadences de la formidable aventure elle-même. »

L’historien Arthur Lévy lui écrit : « … reflet des pensées qui, sans doute, se pressaient alors en votre âme, on vit, à côté du portrait réel, se dégager, diaphane, aérienne, mystérieuse, la grande ombre qui plane, de jour en jour plus haut, sur tout l’univers.

« Aux images indécises qui flottaient devant nos yeux, vous avez substitué la figure définitive, je le crois bien, de Bonaparte surgissant, en 1796, sur la scène du monde. Vous nous avez rendu l’homme du destin, l’homme du devoir, instrument docile et inconscient de lois inconnues, impassible devant des acclamations de gloire, telles que personne n’en a jamais entendu, impassible devant le tourbillon d’iniquités qu’il entrevoit.

« Merci encore. Monsieur, et croyez, je vous prie, à tous mes sentiments de gratitude. »

paru dans Pour Vous du 10 octobre 1935

Et Louis Madelin, et Maurice Renard

« C’est vrai, dit Dieudonné. A tel point que la psychose étrange qui s’empara de moi eut besoin de s’extérioriser dans un roman : Le Tzar Napoléon, où j’imaginai le tzarevitch échappé au massacre d’Ekaterinenbourg.et se trouvant, dans les plaines de l’Ukraine, acteur de cinéma, costumé en Napoléon… Debout sur son cheval blanc, devant vingt-cinq mille cosaques engagés comme figurants, il redevient le tsar, recrée l’âme monarchique des hommes et reconquiert — tout simplement — la Russie…

— Papa… » dit Jérôme.

Alors, Dieudonné me parle de La Garçonne, qu’il va commencer à tourner. Pourquoi cette Garçonne ? Parce que le roman de Victor Marguerite correspondait au sentiment qu’avait Dieudonné, de « l’hypocrisie de tous ». Il éprouva une sorte d’envie impérieuse de réaliser l’œuvre. Après maintes difficultés, les moyens d’agir sont venus. On va tourner. On tourne.

— « Papa !… » implore Jérôme.

Nous gagnons le cinéma proche, nous entrons, nous voici assis, l’enfant, le papa et Albert Dieudonné. Et soudain, la petite main de l’enfant se crispe sur le bras du père. Il fait un : « Oh !… » énorme, bien que cousu au silence de la salle.

« C’est moi qui viens vers moi dans l’ombre qui s’étonne… »

Les regards éperdus de Jérôme vont de l’écran où vient d’apparaître Bonaparte à notre voisin Dieudonné. La surprise a donné son plein effet. Mais moi, je regarde Dieudonné pour le voir sourire, lui aussi, de la réussite de cette surprise. Dieudonné ne sourit pas. Dieudonné n’est plus là. Il y a à côté de moi un être, dirais-je tendu, si l’on peut appliquer la vision que nous avons d’une statue de marbre à un être humain. Tendu… mais dans ce marbre qu’est devenu mon compagnon, une indicible fièvre court, émane son feu… Bonaparte se regarde…

André Arnyvelde

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La vedette de NAPOLÉON : ALBERT DIEUDONNÉ

paru dans Cinémagazine du 2 avril 1926

paru dans Cinémagazine du 2 avril 1926

L’épopée napoléonienne filmée évoque et ressuscite une telle multitude de figures grandioses — soldats et maréchaux dont l’Empereur était entouré, hommes d’Etat et courtisans, prêtres et guerriers, révolutionnaires farouches et royalistes fervents, femmes héroïques, que Gance, qui voit grand, même pour les plus petites choses, voulant donner à chacune de ces figures le maximum de relief, d’intensité et d’éclat, décida qu’elles ne seraient jouées que par des vedettes au talent éprouvé.

Ainsi, à l’heure actuelle, Napoléon réunit déjà les noms de Annabella Charpentier, Yvette Dieudonné, Eugénie Buffet, Marise Damia, Simone Genevois, la petite Lugan, Chakatouny, Nicolas Koline, Alex Koubitzky, Harry Krimmer, Maxudian, Henri Baudin, Philippe Hériat, Daniel Buret, Vidalin, Vladimir Roudienko, Joë Hamman et Maurice Schutz.

Il était difficile de trouver un acteur qui sût ne pas se laisser écraser par une telle pléiade d’artistes, et fût à la hauteur du personnage gigantesque de Napoléon Bonaparte.

Après l’avoir longtemps cherché, Gance arrêta son choix sur Albert Dieudonné.

Albert Dieudonné est né à Paris, il y a un peu plus de trente-cinq ans. Petit-fils d’un acteur célèbre, sous le même nom, il y a quelque trente ou quarante ans, il débuta très jeune dans la carrière théâtrale et se fit tout de suite remarquer par son talent âpre, puissant, réaliste, tempérament idéal pour se faire l’interprète d’une collaboration Zola-Antoine. Il écrit bientôt des sketches et des pièces, dont La Saisie et Un Lâche, qu’il joue avec le plus grand succès. Il paraît aux côtés de Réjane et de Vera Sergine, puis il entre à l’Odéon.

C’est là qu’en 1915, il rencontre pour la première fois Abel Gance. Il eut la joie de tourner immédiatement sous sa direction et parut dans trois de ses premiers films : L’Héroïsme de Paddy, Le Périscope et Le Fou de la Falaise, dont les deux derniers se passaient en Bretagne. Ensuite, les circonstances séparèrent pour longtemps les deux amis.

Dieudonné, passant à la réalisation de plusieurs scénarios dont il était l’auteur, tourna Sous la Griffe, âpre drame de la finance, Gloire Rouge, film tiré de sa pièce Un Lâche, et Son Crime, dont le titre original était Humanité et qui, exposant un pathétique cas de conscience un homme de science a-t-il le droit de sacrifier une vie humaine pour en sauver des milliers d’autres ? — remua violemment les foules, par sa profonde humanité.

Entre temps il écrivait plusieurs scénarios, dont Jacques Landauze (tourné par André Hugon, avec Séverin-Mars) et L’Idole brisée (interprété par Lina Cavalieri et Muratore), ainsi que La Mouche d’Or (la vie d’une danseuse), La Ruée (autre drame des milieux financiers), Le Pitre et L’Envolée (épopée de l’aviation), scénarios qu’il compte réaliser dès qu’il aura terminé son rôle de Napoléon.

Quelques mois avant de commencer avec Gance, il tirait un roman de Son Crime, qui fut édité à la « Renaissance du Livre ».

Albert Dieudonné n’est donc pas qu’un cinéaste ; c’est un intellectuel complet. Ses branches d’activité sont multiples ; il écrit, il met en scène, il joue, il se dépense sans compter, passionné de littérature (n’écrit-il pas encore actuellement un roman imprévu : Napoléon V ?), de théâtre, de cinéma.

paru dans Cinémagazine du 2 avril 1926

Subissant fortement l’influence d’Henry Becque, de Zola et de Bernard Shaw, qu’il aime beaucoup et qu’il reconnaît pour ses maîtres, son tempérament fortement réaliste se nuance d’une note d’ironie amère à la Chaplin. Ses œuvres et son caractère lui ont valu l’appréciation de grands écrivains comme Enrique Gomez-Carillo et Claude Farrère, mais sa modestie foncière ne l’autorise pas à s’en faire une publicité tapageuse. Tant d’autres, à sa place, tomberaient dans ce travers. Dieudonné est beaucoup trop lucide pour que les louanges, même les plus flatteuses, puissent tourner la tête.

D’une ressemblance frappante avec « le Petit Caporal », tant au moral qu’au physique, puisque la nervosité, la brusquerie, l’autorité dominatrice qui caractérisaient cette surhumaine figure lui sont, toutes proportions gardées, habituelles, il est l’interprète rêvé du grand film d’Abel Gance.

Ce dernier me disait tout récemment : « Vous pouvez dire que je suis tout à fait satisfait d’Albert Dieudonné. Vous savez si je suis difficile en matière d’interprétation, eh bien ! je n’ai qu’à me louer de lui et je lui suis très reconnaissant de bien vouloir apporter tant de conscience, de perfection, d’élan et d’enthousiasme à la résurrection lumineuse du plus grand capitaine de l’histoire. Il est Napoléon, comme Napoléon, lui-même, ne l’aurait jamais été à l’écran, plus éloquent d’être muet, plus ardent d’être contenu, plus gigantesque, apparemment, d’être plus simplement humain… »

Après un tel éloge, nous pouvons attendre cette résurrection avec confiance…
…Mais pas sans impatience.

Juan Arroy

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VEDETTES : ALBERT DIEUDONNÉ

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

ALBERT Dieudonné, que les trompettes de la renommée — en l’occurrence le Napoléon de Gance — viennent de sacrer homme du jour, est à la fois le plus délicieux des Parisiens et le plus fougueux des artistes.
Parisien ? Il l’est, certes, par le lieu de sa naissance, mais aussi par le cœur et par l’esprit, par son goût des paradoxes, par sa sensibilité malicieuse, par tout cet ensemble de petites choses qui désignent les « intra-muros » à l’admiration des banlieusards.
Artiste ? Autant que Parisien !
L’homme du faubourg dirait qu’il a « ça » dans la peau. Si loin qu’on puisse remonter dans sa vie, on le voit construisant des guignols, animant des marionnettes de sa voix, ou écrivant à neuf ans une tragédie en cinq actes !
Ses parents l’emmenèrent, un beau soir de
1897 ou de 1898, au Châtelet, et le petit Albert, alors âgé de six ou sept ans, garda de ce spectacle une impression extraordinaire.
Plusieurs années après, il devait revenir au Châtelet ; mais, cette fois-là, comme acteur.

Mes flacons font-ils donc entre eux seuls
[la débauche ?
Ne distingue-je plus ma droite de ma gau-
[che ?

Qu’on ne s’étonne pas de retrouver Albert Dieudonné transformé en Luthier de Crémone. Il a dix-neuf ans et est déjà fort connu. On grimpe volontiers jusqu’au théâtre des Arts pour l’entendre. On l’applaudit dans Chatterton ou dans Gringoire.
Et puis…
…Anvers, Londres, Glasgow, Dublin, Tournée… C’est une tournée qu’accomplit Albert Dieudonné. Il en profite pour étudier les atmosphères, pour se pencher sur l’âme humaine. C’est que le jeune Albert rêve de n’être pas toujours un interprète, de devenir, un jour, un créateur.

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

Créateur ? Il le serait, et dans tous les domaines. On présente, coup sur coup, deux pièces de lui, à Bruxelles : La Saisie et, Enfin, on va pouvoir se reposer.
Tout aussitôt, il est engagé auThéâtre National de l’Odéon, qu’il quitte peu après pour le Châtelet. 1917 le revoit aux côtés de Vera Sergine, dans Un Lâche.

Mais le temps des images est venu. Albert Dieudonné n’allait pas tarder à s’y consacrer tout entier. Beaucoup d’entre nous se souviennent de L’Héroïsme de Paddy, un des premiers films de Gance, et d’Alsace, de Pouctal, où il fit d’intéressantes créations. Mais au cinéma comme au théâtre, il veut être un créateur.

D’emblée, il se classe au premier rang des cinégraphistes français. C’est ainsi qu’il a écrit et interprété L’Angoisse, et conçu et exécuté La Gloire Rouge et Sous la Griffe (pour les Etablissements Aubert).
En 1921, pour Gaumont, il écrit
L’Idole brisée. En 1922, il conçoit, exécute et met en scène Son Crime pour les Films Eclipse. Sous ce même titre, et à la même heure paraît un roman qu’il a signé.

 

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

Quoi qu’on en veuille, Napoléon restera un des sommets de la vie d’artiste d’Albert Dieudonné. Jamais, auparavant, il n’avait pu montrer, dans toute leur ampleur, ses qualités, dépenser autant de fièvre, utiliser mêmement son énergie. Il vous suffira de voir son allure, ses yeux brillants, son front volontaire, pour être bouleversés.

On voudrait tout citer de cette étonnante épopée qui se déroule sur un rythme obsédant. Chaque image nous arrache une exclamation que l’image suivante amplifie et renouvelle. Ses batailles politiques en Corse ? Sa fuite éperdue sur un voilier ? Son arrivée au camp d’Albenga, où l’attendent un Masséna et un Augereau railleurs, bien vite domptés ? Ce départ formidable de l’armée d’Italie ? Albert Dieudonné a rempli vingt mètres carrés de toile blanche de son sourire grave, de son regard brillant, de son geste résolu, de toute la richesse de vivre. Et les terres, les nations et les armées, qui sont — au fond — de grandes amantes, se donnent à lui dans la victoire.

Il sera extrêmement profitable d’établir un rapprochement entre l’acteur, le metteur en scène, et l’écrivain. Ce sera facile.

L’acteur, nous le connaissons. Du metteur en scène, nous verrons bientôt Catherine.
Sa dernière production mérite beaucoup d’éloges : elle est un essai sur la vie provinciale, tour à tour amusant et pathétique, et d’une grande audace visuelle. De l’écrivain, nous lirons le Tsar Napoléon, son roman d’histoire, qui sera très prochainement édité.
Son emprise sur nos cœurs et sur nos intelligences fut telle, en ce soir de présentation à l’Opéra, que nous sentons confusément que nous ne pourrons plus désormais nous libérer de ce souvenir, et nous désintéresser des recherches, des efforts, et des tentatives d’Albert Dieudonné, constructeur de belles images.

J.K. Raymond Millet

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Dans ce même numéro, nous trouvons un article du même J.K. Raymond Millet à propos du film d’Albert Dieudonné, Catherine (qui s’appellera Une Vie sans joie finalement). Un film qu’il co-réalisa avec Jean Renoir d’après un scénario de celui-ci.

Signalons qu’à aucun moment l’auteur de l’article évoque Jean Renoir.

Nous verrons prochainement… “CATHERINE “

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

Au fond il faut bien le dire : nous aimons toutes les histoires, les belles histoires habilement inventées, solidement charpentées, et doucement dénouées. Les histoires ont bercé notre enfance ; elles font pleurer Margot et songer Marguerite ; de tous temps, elles nous ont aidés à oublier la vie ; et pour ceci, qu’on les honore !

Si j’en avais ici la place et la possibilité, je vous raconterais une histoire que j’ai apprise hier. Je vous dirais :
— Il y avait une fois une fille de charge qui s’appelait Catherine. Elle était la servante au grand cœur mais employée aux durs travaux d’un député et de sa femme, dans leur résidence de la petite ville dont le député était maire. Catherine cachait, sous sa maladresse, une extrême sensibilité.

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

Elle était bien malheureuse parce que la femme du député, qui était méchante, la maltraitait ; et parce que tout le monde se moquait d’elle dans la petite sous-préfecture. Mais l’homme, qui était bon, prit la servante sous sa protection, lui témoigna de l’indulgence, la consola. Lorsqu’un jour, sa femme — bêtement jalouse — prenant prétexte de la sympathie que portait le député son mari à Catherine, mais en réalité uniquement désireuse de rejoindre un politicien, se sépara de lui, et…

Mais pourquoi vous révéler le début de cette histoire dont je ne puis, pour mille raisons, vous dire la fin ? Ah ! si je vous racontais jusqu’au bout l’existence malheureuse de Catherine, je suis sûr que vos yeux s’arrondiraient d’étonnement, puis s’embueraient d’une larme. Que j’aurais de plaisir à vous confier quelle fut la vie de Catherine auprès du premier homme qui ne la repoussa pas ; et comment les adversaires politiques de cet homme essayèrent d’utiliser ce scandale dans leur campagne électorale ; et comment Catherine, affolée des risques et des haines que causaient au député sa présence chez lui, se sauva, sous une pluie sans merci, dans la nuit qui s’ouvrait devant elle et se refermait derrière elle, comme consentante.

Ce qui me console que je n’aie ni le temps ni le talent qu’il faudrait pour parler de Catherine, comme Catherine mérite qu’on parle d’elle, c’est que vous verrez bientôt à l’écran, illustrée et cinégraphiée avec une grande maîtrise, cette histoire aujourd’hui inachevée, cette histoire où il ne se passe pas grand-chose, où il y a seulement beaucoup de tristesse, un peu de soleil, quelques sourires, beaucoup de grisaille.

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

Albert Dieudonné vient de terminer le montage de Catherine. Vous trouverez dans ce film plusieurs choses remarquables que j’ai, pour ma part, retenues au passage :
— la synthèse de la petite ville de province, gentille, médiocre, proprette, ses places, sa fontaine, son viaduc, sa grand-route, son auberge, et surtout, son
atmosphère ; — une réception à la sous-préfecture ponctue de scènes amusantes ce drame rapide : on y voit une inénarrable grosse dame s’essoufflant à chanter un grand air d’opéra, et provoquant soupirs et bâillements ; il y a là quelques mètres très riches de nuances, très finement observés, et adroitement photographiés par une caméra alerte ; — je signale aussi, en bon prophète, la scène du bouge (un escalier sale, la logeuse, le phonographe, une bataille sous un réverbère) où Catherine Hessling qui se heurte à des flaques d’obscurité est excellente ; — des scènes amusantes de réunions électorales en province ; — le Carnaval de Nice et les fêtes vus d’une façon très curieuse ; la danse de la mort de la servante et d’un cardiaque qui se termine tragiquement ; la course folle d’un tramway précipité sur un précipice (un des effets de vitesse les plus poignants obtenus à l’écran).

paru dans Cinémagazine du 15 avril 1927

Et pour conclure, souple, silencieuse, presqu’imprécise, une auto s’enfonce dans le brouillard de la nuit, sur la route que bordent de gigantesques peupliers. Sous la caresse des projecteurs, la route se révèle, nue, dépouillée, prête pour la course. L’auto et la route se confondent et se rejettent dans des épousailles fugitives. L’homme qui, le pied sur l’accélérateur, ose cette randonnée, en boit à la même minute toute la fièvre. Offrande de l’aventure à l’homme.

J.-K. R.-M 

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Quelques mois plus tard, dans Cinémagazine, on trouve ce court article de l’académicien Claude Farrère.

AUTOUR DE ” NAPOLEON ” ALBERT DIEUDONNÉ

paru dans Cinémagazine du 16 septembre 1927

paru dans Cinémagazine du 16 septembre 1927

Un garçon de vingt ans… Pardon ! j’exagère en moins. Il faut ajouter des mois de nourrice. Et la preuve, c’est qu’Albert Dieudonné a fait la guerre, la grande, et qu’il l’a faite tout entière ! Très possible, voire très certain : il y était, à telles enseignes que je l’y ai vu. N’empêche que vous ne savez pas ce que vous dites et que les mois de nourrice ont tort. Je répète qu’Albert Dieudonné a vingt ans et qu’il aura vingt ans toute sa vie. La chose m’apparaît plus que probable. La fantaisie, la bonne humeur, l’enthousiasme, un brin d’irréalité sont des qualités qui excluent net tout possibilité de vieillesse.

Du talent ? Évidemment. Des talents aussi. Beaucoup. Albert Dieudonné est un de ces hommes heureux qui s’attaquent à peu près à tout et qui réussissent à peu près dans tout. Question de tempérament et de nerfs. Le succès comme la fortune aime qu’on le viole. Shakespeare l’a dit dans Hamlet. A ce propos, il aurait adoré Dieudonné, Shakespeare ! Il l’eut pris pour héros. Il en eut tiré quelque type inoubliable, moitié Falstaff, moitié Fantasio.

paru dans Cinémagazine du 16 septembre 1927

A l’époque présente où le film court sa dernière chance de n’être plus tout à fait commercial et de devenir imperceptiblement artistique, Albert Dieudonné représente pour l’écran une inestimable acquisition. Auteur, acteur, metteur en scène, il saura accumuler tous les rôles et ajouter à ses collaborateurs tout ce qui leur pourrait manquer de légèreté, d’imprévu, voire de cocasserie nécessaire. La vie est un roman et le plus romanesque de tous ; c’est en songeant à cette nécessité de sortir du bourgeoisisme que je me félicite d’avoir à travailler un jour en compagnie d’Albert Dieudonné.

Claude Farrère

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Critique d’UNE VIE SANS JOIE, un film d’Albert Dieudonné

paru dans Cinémagazine du 18 novembre 1927

paru dans Cinémagazine du 18 novembre 1927

Interprété par CATHERINE HESSLING, ALBERT DIEUDONNÉ, LOUIS GAUTHIER, TEROFF, MAUD RICHARD, EUGÉNIE NAU et PIERRE PHILIPPE.
Réalisation d‘ALBERT DlEUDONNÉ.


Le film d’Albert Dieudonné peut être qualifié d’essai intéressant, surtout si l’on considère qu’il fut réalisé il y a quatre ans.

Le scénario ? La simple histoire d’une pauvre petite vie, celle de Catherine, orpheline. Le cadre ? Une étroite ville de sous-préfecture, où les esprits sont mesquins.

Dans la maison où Catherine est servante, il y a un grand jeune homme, une espèce de dégénéré, dont le cœur et l’esprit sont malades. Il meurt entre les bras de l’orpheline, un jour que celle-ci lui apporte un peu de joie. Catherine pleure cette mort et on la chasse parce que l’on juge sa douleur indécente. Elle va habiter dans un hôtel borgne, d’où elle doit partir parce qu’elle ne peut pas payer. Elle est alors recueillie par M. Mallet, député. Parce que Catherine a été vue dans l’hôtel borgne, on la considère comme une fille perdue et l’on blâme le député qui l’abrite chez lui. Mme Mallet, qui, d’autre part, accueille avec plaisir les avances du sous-préfet, quitte le domicile conjugal. Scandale dans le pays.
Le parti fait savoir à M. Mallet qu’il ne soutiendra plus sa candidature s’il ne chasse pas Catherine. Celle-ci a entendu. Pour éviter des ennuis à son protecteur, elle se sauve et passe la nuit dans une voiture de tramway que des malandrins, à l’aube, lancent vers un précipice. Elle sera sauvée cependant par le député qui a pour elle plus que de l’affection, et tous deux fuiront la petite ville de sous-préfecture et ses esprits mesquins.

Cette action pourrait être attachante si le film était bien monté. Mais le montage est, hélas ! défectueux.
On doit cependant admirer l’observation de la petite ville de province : la réception chez le sous-préfet (qui fait des vers), la partie de billard au Café du Commerce, la campagne électorale sont autant de tableaux spirituellement croqués. La photo est d’une netteté impeccable et
certains effets de prises de vues (comme l’image de la route en fuite vue sur le phare de l’auto) sont à remarquer.
Tous les interprètes sont à féliciter. Catherine Hessling est spécialement sensible.
Dieudonné est bien à sa place.

Georges Dupont

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paru dans Cinémagazine du 18 novembre 1927

paru dans Cinémagazine du 18 novembre 1927

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Albert Dieudonné eut l’honneur d’être en couverture de Cinémagazine plusieurs fois entre 1924 et 1927.

paru dans Cinémagazine du 09 mai 1924

paru dans Cinémagazine du 09 avril 1926 et le 15 avril 1927

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paru dans Cinémagazine du 25 novembre 1927

 

Source :

Pour Vous : Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse

Cinémagazine et Cinémonde : Ciné-Ressources / La Cinémathèque française

Pour en savoir plus :

Albert Dieudonné, l’homme qui voulait être Napoléon, une excellente vidéo de France Culture.

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Dans l’Indre-et-Loire, hommage à Albert Dieudonné, qui incarna Napoléon, un reportage de France 3 Centre-Val de Loire à l’occasion du 130° anniversaire d’Albert Dieudonné.

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La bande annonce de la version restaurée de la BFI en 2016 de Napoléon d’Abel Gance.

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Un extrait de Napoléon d’Abel Gance avec Albert Dieudonné.

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Catherine ou Une vie sans joie (1924), le film d’Albert Dieudonné et Jean Renoir.

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LA FOLIE DU DOCTEUR TUBE réalisé par Abel Gance (1915)

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