LES ÉTOILES FILANTES DU CIEL D’HOLLYWOOD (part1) par Nino Frank (Excelsior 1937)


Nino Frank a été un témoin important de la fin du cinéma muet et du cinéma parlant qui lui succéda. Journaliste, on le retrouve dès le premier numéro de Pour Vous, en novembre 1928.

Mais, il écrivit également après-guerre pour L’Ecran Français et La Revue du cinéma (entre autres). On le retrouve même dans les premiers numéros des Cahiers du Cinéma !

Nino Frank, c’est aussi le fondateur, avec Georges Ribemont-Dessaignes, de la revue artistique Bifur, et celui qui le premier utilisa le terme “Film Noir” (dans un article paru en 1946 dans L’Ecran Français).

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On retrouve même Nino Frank au générique de quelques films en tant que scénariste, dialoguiste, adaptateur :

La Vie de bohème (1942) de Marcel L’Herbier, Service de nuit (1943) de Jean Faurez, L’Invité de la onzième heure (1945) de Maurice Cloche,  Copie Conforme (1946) de Jean Dréville.

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C’est donc l’été 1937 que Nino Frank publie dans le quotidien Excelsior une série d’enquête en 7 parties que nous allons vous proposer en deux fois.

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Sous le titre “Les Etoiles filantes du ciel d’Hollywood“, Nino Frank évoque aux lecteurs les gloires passées de mode à Hollywood, alors que le cinéma n’a pas 40 ans.

Des noms que l’on a bien oublié de nos jours tel Maë Murray, Tom Mix, d’autres dont le nom reste au coeur des cinéphiles tel John Gilbert, l’amant malheureux de Greta Garbo.

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Vous trouverez sur cette page les quatre premiers articles de Nino Frank :

1 – Que sont devenues les vamps et les mystérieuses héroïnes ?

2 – Le crépuscule des cow-boys et l’agonie des “durs”

3 – Les ” grandes amoureuses ” qui n’ont pas pu parler

4 – Le cruel destin des jeunes premiers.

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Nous vous proposerons la suite de cette série d’articles de Nino Frank très prochainement. D’ici là, bonne lecture !

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LES ÉTOILES FILANTES DU CIEL D’HOLLYWOOD

Une enquête de NINO FRANK dans ce monde d’éphémères

paru dans Excelsior du 13 août 1937

paru dans Excelsior du 13 août 1937

Que sont devenues les vamps et les mystérieuses héroïnes ?

LA LOI DE SEPT ANS S’IMPOSE AUX STARS

Il est tout à fait extraordinaire et anormal que la carrière d’une ” gloire ” dépasse le septennat !…

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LE CINÉMA a plus de quarante ans, mais la « star », merveilleuse invention du cinéma, est beaucoup plus jeune. Cette fleur de beauté et de jeunesse, cultivée avec mille soins, et dont le nom doit suffire à attirer les foules dans les salles obscures, est née en Amérique voilà un peu plus de vingt-cinq ans, à l’âge d’or du cinéma, quand la France luttait victorieusement contre les studios américains et envoyait outre-Atlantique ses metteurs en scène et ses organisateurs.

Vingt-cinq ans ! Ce n’est rien, semble-t-il. Pourtant, ces vingt-cinq ans représentent, pour l’Amérique, trois générations de « stars ». L’âge ne fait rien à l’affaire : les vétérans du cinéma américain, acteurs ou actrices, ne dépassent pas la cinquantaine ; la plupart ont à peine quarante ans… Le bel âge, au théâtre — l’âge où l’on connaît la plus grande renommée. Mais au cinéma ? Ce minotaure a besoin de jeunesse et rejette vite ceux qui lui ont plu.

Ce n’est qu’aux environs de 1925 que les producteurs américains proclamèrent leur « loi des sept ans » : ils ne donnaient pas plus de sept années de succès à une vedette, la tenant, après, pour un fantôme usé qui ne trouvait plus aucune attraction sur le public.

La carrière de la plupart des étoiles d’autrefois, aujourd’hui disparues des écrans, montre que les Américains ont su appliquer avec fermeté, parfois avec férocité, leur principe.

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NAZIMOVA DANS SA LOGE.

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LES PIONNIERS

1908. Depuis trois ans, on tourne des films à New York. Quelques hardis pionniers ont eu l’audace d’aller planter leur tente à Hollywood, faubourg de Los Angeles. La lumière y est meilleure qu’à New-York et on fait des économies d’éclairage. C’est, aussitôt, la ruée vers la Californie : une nouvelle ruée qui paraît devoir être aussi fructueuse et décevante que la première. Et les films californiens grandissent : ils duraient quatre ou cinq minutes. On en fait, à présent, de plus longs : un quart d’heure, une demi-heure de projection.

1910, 1911. 1912 ! Un nom sur l’écran ; Theda Bara.

C’est une femme aux attitudes lentes et félines : une femme-vampire, une vampire — une « vamp », pour abréger.

Un grand nom est né, qui fera fortune. La « vamp » est inventée ; la femme fatale, qui est peut-être la plus caractéristique des créations du cinéma. Et, devant la concurrence des nouveaux visages qu’on découvre, le nom de Theda Bara, la première « vamp » de l’écran, s’efface, disparaît. C’est d’abord Fanny Ward, de Forfaiture, et, enfin, le triomphe d’Alla Nazimova, l’illustre ancêtre des Garbo et des Marlène.

Qui se souvient encore d’Alla Nazimova ? Pourtant, pendant la guerre et au lendemain de l’armistice, ce fut à qui l’admirerait le plus. Ce petit visage aux cheveux en désordre, animé par un regard passionné et tenace, appartenait à une actrice de théâtre qui, sous la direction du Français Paul Capellani (Nino Frank confond avec son frère, Albert Capellani, ndlr), était devenue l’idole des publics américains. Sous la brume, la Lanterne rouge, l’Orgueilleuse — qui se souvient encore de ces titres de films ?

Intelligente, pathétique, un peu trop distinguée, de 1918 à 1923, Alla Nazimova a été l’une des reines de l’écran. Mais c’était une femme trop littéraire : elle voulut porter au cinéma des oeuvres d’un genre illustre ailleurs, mais trop ardues pour le public des salles obscures. Elle tourna Salomé, la Danse de mort, de Strindberg… D’autre part, à Hollywood — devenu pudique à la suite des scandales de 1932 — elle prétendit mener une vie d’Eve.

Ce fut la chute : son dernier film, l’Heure du danger est de 1925, l’année où Greta Garbo apparaissait dans la Rue sans joie, à Vienne…

La loi des sept ans avait joué et l’héritière allait arriver à Hollywood.

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PEARL WHITE, « VAMP » DANS UN FILM FRANÇAIS.

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FORCE EST RESTEE A LA LOI

Quatre ans plus tard, Alla Nazimova « doublait » l’actrice principale d’un théâtre de quartier de la 14° rue, à New York. Peu après, on parla de sa résurrection : elle venait d’obtenir un grand succès au théâtre, dans une pièce d’avant-garde, et on lui offrait un contrat pour le cinéma parlant…

En définitive, force est restée à la loi hollywoodienne. Nazimova n’a jamais reparu à l’écran.

Ainsi de Pearl White, la première héroïne blonde des films à épisodes. Les Mystères de New-York, les Exploits d’Elaine, le Masque aux dents blanches, Par la force et par la ruse, tous ces « serials » du Français Louis Gasnier popularisèrent, entre 1913 et 1920, l’image de cette audacieuse et indomptable jeune femme, qui parvenait à échapper aux dangers les plus effarants et à triompher au dernier épisode. C’était le temps où Léon Bary était Ravengar, où Ruth Robeid, Eddie Polo et Creighton Hale mettaient le monde à feu et à sang — à l’écran. Aujourd’hui, on ne revoit plus que Creighton Hale de temps à autre, parmi les humbles figurants, ou Warner Oland, le « traître » des Mystères, qui, lui, a fait peau neuve en devenant Charlie Chan, détective chinois.

En 1920, Pearl White n’a que trente ans, mais son nom tient la tête des affiches de cinéma depuis sept ans. Hollywood ne veut plus d’elle. Elle vient en France, y tourne quelques films, débute au music-hall, puis disparaît. Les succès de son écurie de courses, à Auteuil ou à Longchamp font encore parler d’elle, mais le cinéma l’a oubliée.

Lillian Gish a pu tenir davantage. Cette petite fille aux cheveux blonds (et sa soeur Dorothée qu’on vit à l’écran avec Lilian dans les Deux orphelines) avait été découverte par D. W. Griffith, le véritable fondateur du cinéma américain — le même homme qui avait lancé Mary Pickford, Mae Marsh, Lionel Barrymore, Mabel Normand, Mack Sennett

Lillian et Dorothée avaient pour grand’mère une illustre poétesse et affirmaient descendre — par leur père — des Guise français. A six ans, Lillian faisait déjà du théâtre, mais c’est en 1915, avec la Naissance d’une nation, de Griffith, qu’elle trouva sa vraie voie au cinéma.

LILIAN GISH DANS « L’ENNEMI ».

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LA PETITE FILLE AUX CHEVEUX BLONDS

Le nom de la petite fille aux cheveux blonds reparut triomphalement dans Intolérance, dans le Lys brisé, dans le Roman de la vallée heureuse, dans A travers l’orage. Cette fois-ci, la loi des sept ans ne paraissait pas jouer. En 1926 et en 1927, la Lettre rouge, puis le Vent, tournés sous la direction de Victor Seastrom (le nom américanisé de Victor Sjöström, ndlr), rendirent encore plus fameux le nom de Lillian Gish, qu’on voyait à l’écran depuis douze ans.

Vint le film parlant, et Lillian — cette actrice de théâtre qui, depuis, devait retrouver à la scène son succès de l’écran — disparut du cinéma ! Elle avait trente-deux ans en 1928, sa voix paraissait faite pour les micros, mais le cinéma ne voulait plus d’elle. Un producteur audacieux essaiera, en 1930, de la présenter sous un nouvel aspect : un personnage mondain au lieu de la petite fille malheureuse. En vain ! L’étoile avait lui et s’était éteinte !

GLORIA SWANSON DANS UNE SCÈNE COMIQUE.

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UNE VAMP QUI LUTTE

Il n’y a eu qu’une « vamp » pour oser s’opposer carrément à la loi de sept ans : Gloria Swanson, la femme la plus haïe et peut-être la plus intelligente d’Hollywood. Gloria a du sang indien dans les veines, prétend-elle ; elle a surtout une ténacité rare. C’est à la suite d’une visite aux studios de Mack Sennett, visite au cours de laquelle se révèle son caractère entreprenant, que le génial auteur de tant de films comiques lui offre un engagement comme « bathing girl ». On se souvient de ces jolies figurantes en costume de bain qui ornaient prodigalement les ouvrages de Mack Sennett.

En 1919, l’Admirable Crichton, de Cecil B. de Mille, lui offre son premier grand rôle et son nom devient célèbre. Zaza, Surya, Faiblesse humaine, ses succès se suivent. Mais la fin des sept années fatidiques approche. Gloria prévient le danger. En 1926, elle fonde sa propre maison de production et s’allie avec Chaplin, Mary Pickford, Griffith et Douglas Fairbanks.

L’emportera-t-elle ?

Non. Queen Kelly, son second film, est interrompu par l’avènement du film parlant, puis par sa brouille avec Erich von Stroheim, qu’elle avait choisi pour metteur en scène.

Elle s’obstine, quitté les Artistes Associés, vient tourner un film en Europe avec Michael Farmer, son troisième mari, retourne aux Etats-Unis, annonce périodiquement son retour à l’écran, cherche des capitaux.

Nous la reverrons certainement, car cette femme de quarante ans n’a rien perdu de son talent ni, d’ailleurs, de sa ténacité. Mais nous ne reverrons plus la Gloria de jadis, la plus fantasque et la plus séduisante des « vamps ». Celle-là, les producteurs l’ont tuée en l’éloignant de leurs studios.

Une « star » qu’on ne revoit pas pendant trois ou quatre ans est oubliée…. Une fois de plus, le minotaure l’a emportée.

NINO FRANK

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LES ÉTOILES FILANTES DU CIEL D’HOLLYWOOD – part 2

Une enquête de NINO FRANK dans ce monde artificiel

paru dans Excelsior du 14 août 1937

paru dans Excelsior du 14 août 1937

Le crépuscule des cow-boys et l’agonie des “durs”

LE PREMIER DES CAVALIERS DE L’ÉCRAN …NE SAVAIT PAS MONTER A CHEVAL !

On ne l’a jamais vu — lui-même ! — dans aucune des magnifiques chevauchées qui arrachaient des applaudissements aux foules : il y était doublé !

LE DÉCLIN DES AUTRES, POUR DES RAISONS DIFFÉRENTES N’EN FUT PAS MOINS CRUELLEMENT RAPIDE

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IL PEUT SEMBLER que l’apparition de la « vamp », il y a vingt-cinq ans, ait été prématurée : ce personnage de convention du cinéma n’aurait dû surgir, dirait-on, qu’après l’âge héroïque des films, quand le public, lassé des personnages trop simples, aurait demandé des êtres plus sophistiqués. Il est paradoxal qu’aux débuts du cinéma américain, la vogue aille à la fois à une héroïne aussi simple que Pearl White et à une personnalité aussi complexe qu’Alla Nazimova, à la touchante et simplette Mary Pickford et à une actrice nuancée et sensible comme Lillian Gish.

Pour le sexe fort, rien d’aussi paradoxal : aux premiers âges d’Hollywood, Ce ne sont pas des hommes à la psychologie compliquée qui apparaissent, mais, des êtres rudes et audacieux, propres à enflammer l’imagination des Américains.

Dès 1907, on présente un film de douze minutes, le Vol du rapide, où figurent les premiers cow-boys, et, deux ans plus tard, on commence à se répéter le nom de Broncho Bill, nouveau venu qui accomplissait, à l’écran, des prouesses : ce cavalier généreux châtiait les méchants et sauvait la jeune fille.

Le « western » était né.

Il n’y avait qu’un inconvénient : Broncho Bill ne savait pas monter à cheval, il fallait le « doubler » pour ses impétueuses chevauchées…

Le pauvre Broncho Bill disparut de l’écran le jour où se présentèrent devant les appareils de prise de vues des cow-boys qui savaient monter à cheval : car les Tom Mix et les William S. Hart multiplièrent les acrobaties dangereuses, acrobaties qui ne pouvaient qu’estomaquer leur précautionneux concurrent.

Il y eut Buck Jones, le colonel Tim Mac Coy, Fred Thomson, ancien aumônier militaire du régiment dont Mary Pickford était colonel honoraire : la star étant venue visiter son régiment en compagnie de son amie Frances Marion, Fred tomba amoureux de cette dernière, se cassa une jambe, jeta la Bible aux orties et devint, au cinéma, le cow-boy audacieux tout de noir habillé… Il y aura ensuite Ken Maynard, Hoot Gibson, jusqu’à Gary Cooper qui devait débuter dans les « western ».

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CASSE-COU PROFESSIONNEL

Mais il y eut surtout William S. Hart et Tom Mix.

Et si Tom Mix était un casse-cou professionnel, William S. Hart, lui, le devint grâce au cinéma. Il portait fièrement le nom de William Shakespeare Hart et prétendait descendre en ligne directe de l’auteur de Roméo et Juliette. Né dans le Dakota, il était devenu acteur de théâtre, Dieu sait pourquoi. En 1915, Thomas R. Ince lui fait jouer ses premiers rôles au cinéma. Deux ans après, Rio Jim, l’homme aux yeux clairs, est le personnage le plus populaire de l’écran, avec Charlot.

Le masque volontaire et puritain de William S. Hart, sa fermeté dans le danger, la régularité avec laquelle il l’emportait toujours, mais surtout cette sobriété qu’il mettait dans son jeu, l’amère douceur de son regard bleu, ce côté un peu surhumain de sa présence, firent le succès de Pour sauver sa race, du Justicier, du Sheriff, de Sa dernière mission.

Son succès fut tel qu’il fonda sa propre maison de production, la William S. Hart Company. Et pourtant…

Ses premiers triomphes sont de 1917. En 1925, Rio Jim quitte le cinéma et se retire dans sa fastueuse demeure de la vallée San Fernando, près d’Hollywood.
Il écrira des romans : Lumière des songes, Will Bill Hichkock. De temps à autre, il fera une apparition dans la ville du cinéma. On annonce aussitôt son retour aux films, ses débuts au « parlant ». Mais, chaque fois, il retourne à sa demeure solitaire où il ne reçoit plus personne. On le trouve de plus en plus étrange…

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ESPRIT D’AVENTURE

Pour Tom Mix, autre histoire : débutant presque en même temps que William S. Hart, il dut se contenter des reliefs du festin et laisser à son rival les succès de qualité. Tom n’était pas aussi bon acteur que William S. Hart, aussi pour se rattraper, multiplia-t-il ses exploits de casse-cou. Ses antécédents l’avaient d’ailleurs préparé à cette existence mouvementée.

Né en 1880, ce garçon trapu, aux mâchoires puissantes, s’engage, à dix-sept ans, dans l’armée américaine, pour aller combattre les Espagnols. Après la guerre hispano-américaine, il va se battre contre les « boxers » en Chine, contre les Boërs en Afrique. A vingt-sept ans, on le nomme sheriff à Oklahoma. Enfin, en 1914, on l’engage pour mener la vie dure à Broncho Bill, le cow-boy à pied. Et Tom Mix prend goût au cinéma, à tel point que cet amateur de guerres laisse passer, en 1917, l’occasion d’aller se battre en Europe.

Il tourne film sur film, mais il doit attendre le déclin de Rio Jim pour devenir le roi des « western », De 1923 à 1926, Tom Mix met les bouchées doubles : ses triomphes avec son cheval Tony sont innombrables. Puis, brusquement, le rythme de sa production se ralentit : le public ne veut plus de cow-boys.

A partir de 1927, Tom Mix essaye, par tous les moyens, de retrouver sa popularité. Il fait du théâtre, une tournée en Europe débute au cirque. Les journaux annoncent que ses appointements au Sells Photo Circus approchent de ceux qu’il touchait au cinéma : quatre cent mille francs par semaine. Et, en 1933, Tom reparaît à l’écran, plus flamboyant, plus audacieux que jamais…

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FANTOMES DE LA JEUNESSE

Mais le public, maintenant, l’ignore !

Alors il se retire dans son ranch et y invite le plus de monde qu’il peut pour exécuter, inlassablement, ses meilleurs numéros, changeant de costume toutes les deux heures, comme une grande coquette (il a des habits pourpre ou blancs, des éperons d’or…), parfumé et ricaneur.

Comme William S. Hart, mais d’une manière plus mouvementée, il s’efforce de retrouver le fantôme de sa jeunesse, ce personnage invincible qui triomphait de tous les obstacles et qui faisait régner la justice en maître absolu des grands espaces libres.

Mais les fantômes de Rio Jim et de Tom Mix se sont envolés…

Le cas étrange de ces deux acteurs qui, figurant des surhommes à l’écran, n’ont jamais pu retrouver par la suite leur humble condition humaine, rappelle, par certains côtés, l’amère aventure de George Bancroft, autre étoile disparue après une carrière aussi rapide qu’éclatante.
J’étonnerai sans doute mes lecteurs en leur révélant que Bancroft « l’assommeur », le féroce « costaud » des Nuits de Chicago, a débuté dans la vie en jouant les nègres au music-hall et en donnant des leçons de danse. Sa souplesse, sa légèreté étaient, paraît-il, extraordinaires.

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COLOSSE DE L’ECRAN

C’est le metteur en scène James Cruse qui le découvre, au milieu des figurants de son Poney express, en 1925. George Bancroft a quarante-trois ans et il n’espère plus rien de la vie. Mais les producteurs lui trouvent des aptitudes comiques, de même qu’à Victor Mc Laglen et Wallace Beery, autres « costauds ».
On commence par lui confier des rôles bouffons, jusqu’au jour où Joseph von Sternberg devine ses possibilités et en fait le principal interprète des Nuits de Chicago, des Docks de New-York, de l’Alibi. Nous sommes en 1926. George Bancroft devient, du jour au lendemain, l’un des acteurs les plus fêtés d’Hollywood.

Sa voix convenait aux micros ; par son nouveau contrat, en 1931, il est stipulé qu’il recevra 75.000 dollars par film…

L’ancien figurant, devenu grande vedette, perdit la tête, Le colosse de l’écran, habitué à triompher de tous ses adversaires, se crut invincible pour de bon. Il afficha des prétentions excessives, se brouilla avec ses producteurs, partit faire le tour du monde…

A son retour, en 1932, aucun producteur ne voulut l’engager. George Bancroft était sur la « liste noire »…

Nous l’avons revu, à l ‘écran, dans l’Extravagant M. Deeds : il y joue un rôle de second pian, dix répliques. Et le « dur » de tant de films ne retrouvera jamais son invincibilité. Ainsi que le faisait remarquer fort justement Joseph Kessel dans son reportage sur Hollywood, les « durs » sont à présent de petits hommes cyniques et détraqués qui opposent victorieusement leurs pistolets aux poings les plus solides…

NINO FRANK

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LES ÉTOILES FILANTES DU CIEL D’HOLLYWOOD – part 3

Une enquête de NINO FRANK dans ce monde d’éphémères

paru dans Excelsior du 15 août 1937

paru dans Excelsior du 15 août 1937

Les ” grandes amoureuses ” qui n’ont pas pu parler

Finies les “vamps”… On veut de “grandes amoureuses” dans la capitale du cinéma…

ON VA LES CHERCHER JUSQU’AU COLLÈGE. CERTAINES DÉBUTENT A QUATORZE ANS !

Mais, en ce temps-là, l’Amour était muet.

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Au LENDEMAIN de l’armistice, il semble que le mot d’ordre, au cinéma américain, soit : « Donnez-nous de grandes amoureuses ! »

Grâce à l’avance acquise pendant la guerre, Hollywood était devenu la capitale mondiale du cinéma.
Ayant bien établi sa primauté, la Californie pouvait commencer à élargir son répertoire. Il ne fallait pas, que le public se lassât du cinéma. Or, les vedettes du temps avaient un genre à la fois trop marqué et élémentaire — comiques, comme Mabel Normand ; truquées, comme Nazimova ; touchantes, comme Mary Pickford ; audacieuses, comme Pearl White. Que devenait, dans tout cela, l’amour, le simple et fascinant amour ?

Les hommes, qui venaient de sortir du cauchemar de la guerre, avaient besoin du spectacle de la tendresse, du jeu très humain des sentiments, du souriant optimisme des « happy ends » nuptiales.

« Donnez-nous de grandes amoureuses ! »

On va les chercher jusque sur les bancs du collège.

Bessie Love débute au studio le jour après sa sortie de l’école, et son pseudonyme est, comme on dit, tout un programme. Esther Ralston, la splendide Esther Ralston, a quatorze ans lorsqu’elle joue son premier rôle dans un film. Aujourd’hui, à trente-cinq ans, elle n’est plus que la paisible directrice d’un institut de beauté. Patsy Ruth Miller rend visite à un ami, au studio, et on l’engage séance tenante parce que son regard contient une promesse de douleur et parce que sa beauté est terriblement jeune. Elle aura l’honneur de servir de partenaire à Rudolph Valentino, dans le Cheik, et collectionnera les lettres d’admirateurs fanatiques et les contrats flatteurs. A vingt-six ans, le « parlant » la chassera de l’écran, alors que Maë Marsh, découverte par Griffith, quitte le cinéma en 1920, pour y reparaître douze ans après, grâce au « parlant »… Et comme Griffith, et Vilma Banky, et Evelyn Brent, amoureuses d’autrefois, stars populaires, que personne ne revit plus, ou presque, à partir du jour où l’écran sortit de son mutisme.

FLORENCE VIDOR AU TEMPS DE SES GRANDS SUCCÈS.

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QUAND L’ AMOUR ETAIT MUET

« Donnez-nous de grandes amoureuses ! »

Eh oui ! Mais en ce temps-là, l’amour était muet…

Pauline Frédéricks a été l’une des vedettes les plus admirées, aux grandes années du film muet. Actrice de théâtre, elle s’était spécialisée dans les rôles comiques, allant jusqu’à jouer la comédie musicale, et avec succès. Hollywood change tout cela et fait d’elle la pathétique interprète de Tosca, Fédora, la Femme X… Cette « tragédienne » de l’écran n’était pas très jeune : au moment où elle tournait la Femme de quarante ans, le film de Clarence Brown, qui sera son plus beau succès ; elle avait vraiment cet âge. Mais son autorité avait tellement grandi qu’elle aurait pu « tenir » encore longtemps.

Vint le film parlant, et Pauline Frédéricks, qui était pourtant une comédienne à la diction parfaite, disparut.
Explique qui pourra. Aujourd’hui, elle vit en province et a oublié le cinéma.

L’avènement du film parlant, il y a neuf ans, condamna à l’oubli quantité d’acteurs ; mais c’est, semble-t-il, parmi les amoureuses des années 1921 à 1927 qu’il fit le plus de victimes. Or, la plupart d’entre elles paraissent s’être doutées que leur règne ne serait pas de longue durée. Elles demandèrent au mariage cette stabilité que le cinéma ne leur offrait pas.

Au contraire du journalisme, le film ne mène pas à tout : il ne pouvait mener ces déesses de l’amour qu’au mariage heureux ou, dans d’autres cas, à de profitables divorces.

Pauline Frédéricks a été mariée quatre fois, La merveilleuse Florence Vidor, l’héroïne souriante aux grands yeux sombres de la Grande Duchesse et le garçon d’étage et de Mme Randall et son mari, puis la pathétique interprète du Patriote, débute au cinéma en 1915, à vingt ans, par son mariage avec le metteur en scène King Vidor. Elle est devenue par la suite l’épouse de l’illustre violoniste Jascha Heifetz. Récemment, à Paris, comme on lui parlait cinéma, elle avouait gaiement qu’elle ne savait presque plus ce que cela pouvait être. Seuls son mari et ses enfants l’intéressent désormais.

MAE MURRAY.

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HISTOIRE MALHEUREUSE

L’histoire de Maë Murray n’a pas été aussi heureuse.
Danseuse chez Ziegfield, comme tant d’autres qui devaient par la suite s’illustrer au cinéma, Maë Murray eut l’occasion, à Hollywood, de doubler une star pour certaines scènes. On lui découvrit la beauté du diable, une beauté blonde et souriante, et ce charme tendre dont les spectateurs commençaient à être friands. De 1921 à l’avènement du film parlant, Maë Murray devint l’une des reines d’Hollywood : on se souvient encore de cette première version de la Veuve joyeuse, film étonnant qu’avait mis en scène Erich von Stroheim, et dont Maë Murray était la séduisante protagoniste.

Suprême honneur, le prince Daniel Mdivani, de la célèbre famille georgienne qui ne s’alliait qu’aux stars en vogue et aux milliardaires, demande la main de Maë Murray, qui devient ainsi la belle-sœur de Pola Négri et de Barbara Hutton, la femme la plus riche du monde.

L’écran se met à parler : Maë Murray quitte le cinéma et se sépare de son mari (ou vice versa).

En 1929, elle jouait de petits rôles à Broadway, dans des vaudevilles dépourvus d’intérêt.

Peu après, le bruit court que les producteurs d’Hollywood l’ont « découverte »… Elle a quarante ans et sept années de succès derrière elle. N’importe, les producteurs la « découvrent ». Les journaux annoncent qu’on lui offre 150.000 francs par semaine pour tourner un film et, d’autre part, qu’elle s4est réconciliée avec son mari.

Bachelor’s appartement, le film parlant que Maë Murray tourne après quatre ans d’éloignement des studios, a un succès d’estime…

Et c’est le plongeon définitif dans l’oubli, le divorce…

LES CÉLÈBRES SŒURS NATHALIE, CONSTANCE ET NORMA TALMADGE.

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TROIS ETOILES SOEURS

Cette rétrospective des grandes amoureuses du cinéma muet américain ne serait pas complète si on ne rappelait pas les sœurs Talmadge, Norma et Constance surtout, car pour ce qui est de Nathalie, elle renonça à l’écran le jour où elle devint la femme de Buster Keaton.

Dès 1911, à quatorze ans, Norma Talmadge commence à faire du cinéma. Mais ses grands succès sont d’après la guerre. De 1919 à 1928, Norma interprète environ deux cent cinquante rôles. On se souvient encore de Madame Dubarry, le dernier film dans lequel elle apparut aux débuts du « parlant ». Ses triomphes ne se comptaient pas, mais, le plus beau de tous, ce fut son mariage avec Joseph Schenck, l’un des magnats du cinéma californien. Norma Talmadge, à partir de ce jour, appartint à l’aristocratie d’Hollywood, avec Mary Pickford et Douglas Fairbanks senior, avec Norma Shearer et Marion Davies.

Un jour, on annonça que Norma et son mari avaient loué la magnifique propriété de Fred Thomson, l’ancien aumônier militaire devenu cow-boy à l’écran. Or, cette villa passait pour être hantée depuis la mort de son ancien propriétaire : le malheur venait s’asseoir auprès de ceux qui s’y installaient. Quelques semaines s’écoulent et on apprend que Joseph Schenck est allé habiter à l’hôtel et que le couple heureux va divorcer…
Norma Talmadge se remariera avec George Jessel, vedette de la radio, et déclarera à plusieurs reprises que son éloignement de l’écran ne la peine nullement.

Sa sœur Constance, découverte par Griffith, au temps d’Intolérance, abandonne également le cinéma au moment où le « parlant » s’installait en maître dans les studios. Son dernier film, Venus, a été tourné en France en 1928.

PAULINE TALMADGE DANS LE FILM “LA FEMME DE QUARANTE ANS”.

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AMOUR ET HUMOUR

Où sont les belles amoureuses d’autrefois ?
L’amour « parlant » ne veut pas de la tendresse : il exige de l’humour ou la bagarre — un style absolument nouveau, à l’emporte-pièce, violent et gai.

Déjà, bien avant que le brutal triomphe du film parlant vînt prononcer la condamnation définitive de tant d’idoles, le « sex appeal » était né, qui devait sonner le glas des beautés insuffisamment épicées.

Le cinéma va vite : peu après qu’ils eurent énoncé leur « loi des sept ans », les producteurs s’aperçurent que sept années de succès, pour une vedette devenaient une gageure malaisée à tenir. Au rythme de quatre ou cinq films par an, on ne faisait plus, vers 1926, que des contrats pour cinq années.

Et le cinéma va de plus en plus vite : rares sont, actuellement, les contrats de trois ans. On ne signe plus que pour une année ou pour trois films…

NINO FRANK

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LES ÉTOILES FILANTES DU CIEL D’HOLLYWOOD – part 4

Une enquête de NINO FRANK dans ce monde d’éphémères

paru dans Excelsior du 16  août 1937

paru dans Excelsior du 16  août 1937

Le cruel destin des jeunes premiers

PLUS QUE PARTOUT AILLEURS, JOUE ICI, IMPLACABLE, LA TERRIBLE LOI DES 7 ANS.

DES IDOLES COMME RAMON NOVARRO CACHENT EN VAIN LEUR “VIEILLESSE”.  UNE VIEILLESSE DE TRENTE-CINQ ANS !…

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L’AMOUR était devenu la grande affaire du cinéma américain. De grandes amoureuses aux charmes soigneusement catalogués avaient couru s’enrôler sous les drapeaux d’Hollywood. Mais cela ne suffisait pas : ces amoureuses, il leur fallait maintenant des hommes à aimer.

Les jeunes premiers d’autrefois, en Californie, étaient des personnages aux yeux sévères et aux manières rudes, des êtres à mâchoires de pionniers, qui paraissaient plutôt faits pour la bagarre que pour le marivaudage. Les Francis X. Bushman et les Wallace Reid ressemblaient peu au type du bel amant idéal, tel, du moins, que les spectatrices commençaient à l’imaginer vers 1920. En grandissant, l’écran se débarrassait de sa simplicité originelle.

Et, un jour, parut Rudolf Valentino.

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UN MORT QU’ON N’OUBLIE PAS

On sait ce qu’a été son fastueux, romanesque, excentrique destin. A sa mort, on assista à des scènes de folie collective, et un certain nombre de femmes, entre autres Pola Negri, annoncèrent que leur vie était désormais brisée. Aujourd’hui encore, réunies en secte, un peu partout de par le monde, quantité d’admiratrices continuent à rendre au fantôme de « l’homme le plus beau du monde » un hommage fidèle. Ne lisait-on pas, l’autre jour, qu’un groupe de fanatiques américaines avait enfin réussi, par le truchement des tables tournantes, à obtenir de longs messages d’outre-tombe de Valentino.

Fastueux, romanesque, excentrique destin ! Cruel aussi ! Il sera celui de tous les jeunes premiers dont le cinéma avait fait des idoles et qu’il renversera brutalement par la suite, dès qu ‘il en aura assez, on ne sait pas trop bien pourquoi.

Charles Ray avait un visage sentimental et un peu insignifiant, des attitudes gauches, un je ne sais quoi de touchant qui n’était qu’à lui. Il avait vingt-trois ans en 1913, quand on le vit pour la première fois à l’écran ; mais c’est après la guerre qu’il commence sa véritable carrière cinématographique. Le Timide, Un lâche, le Roi du bluff — on voit, par ces titres de films, quel était son genre. Ce jeune premier n’appartenait certes pas à la race des conquérants, comme Valentino, mais il n’attira pas moins l’attention du public. On applaudissait à sa gaucherie, et on trouvait, à sa façon de se conduire dans le jeu de l’amour et des hasards, une saveur de vérité qu’on cherchait vainement ailleurs.
La petite baignade, puis surtout Premier amour, en 1923, furent des succès durables. Cette année-là, l’année de l’Opinion publique, de Charlie Chaplin, le cinéma s’orientait brusquement vers un respect de la sincérité, auquel le public allait s’attacher d’emblée.

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JEUNE PREMIER ET HOMME D’AFFAIRES

Célèbre, fêté, admiré, il advint que Charles Ray fit ce que tout un chacun aurait fait à sa place : croyant que son heure était venue, il fonda la Charles Ray Productions et s’improvisa homme d’affaires, scénariste et metteur en scène, pour se tailler des rôles à sa façon et amasser des millions.

Cela se passait au début de 1925. Six mois après, on présentait Miles Standisk, son premier film. Encore quelques mois et Charles Ray offrit à ses amis, la fine fleur d’Hollywood, un mémorable banquet.

C’est à la fin de ce banquet que notre délicieux jeune premier se leva, gauchement, et annonça que son film avait été un four, qu’il était complètement ruiné et que son dernier argent avait passé dans le banquet. Aussi se recommandait-il, pour l ‘avenir à l’amitié de ses amis.

Charles Ray parut, en 1926, au music-hall ; cinq ans après, au théâtre, et, en 1934 et 1935, on le vit figurer dans des films peu importants. Ses amis avaient eu d’autres chats à fouetter…

Aujourd’hui, personne ne le connaît plus. Quelques rares cachets de figurant et l’espoir toujours vif d’effectuer, un jour ou l’autre, une rentrée triomphale à l écran lui permettent de continuer à hanter Hollywood. Sa carrière avait duré moins que les sept ans rituels : c’est que Charles Ray, par son orgueil, avait mécontenté les producteurs.

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CHARME D’UN SOURIRE

Autre histoire. John Gilbert, de 1919 à 1925, fait du cinéma, sans grande chance, comme il avait fait, avant la guerre, et depuis son enfance, du théâtre. C’était un Américain cent pour cent, sans rien de latin ou de touchant, mais son sourire avait du charme. Or, cela ne suffisait pas, en ce temps-là : on ne tenait guère aux Américains cent pour cent. Aussi John Gilbert tourne-t-il obscurément par-ci par-là, dans Bardelys le magnifique, dans la Bohème, avec Lillian Gish.

C’est King Vidor, en 1925, qui lui offre sa chance.

John Gilbert est le principal interprète de la Grande parade — avec la pauvre petite Renée Adorée, qui devait disparaître si tragiquement du cinéma — et ce film obtient un succès prodigieux. Il rapporta trois millions et demi de dollars. Conséquence : le protagoniste d’un ouvrage aussi fortuné connaît la gloire.

John Gilbert crut qu’il pourrait prendre la succession de Valentino. Il se marie, divorce, se remarie, redivorce, et chacune de ses femmes, Béatrice Joy, Ina Claire, Virginia Bruce, fera une jolie carrière au cinéma. On lui donne pour partenaire Greta Garbo, le nouvel astre qu’on commençait à lancer, et la renommée de la nouvelle venue éclipsera bientôt la sienne ; loin d’en être troublé, John Gilbert croira avoir enfin trouvé la femme de sa vie. La veuve joyeuse, avec Maë Murray, puis avec Greta Garbo ; Une femme d’affaires, la Chair et le diable, Anna Karénine

En 1928, John Gilbert touche 260.000 dollars par film — plus de cinq millions de francs de l’époque. Et, vers le même temps, au cours d’une importante interview, il s’écrie : « Ma carrière n’a pas été aisée, ni rapide, mais à présent je crois que j’ai réussi… »

L’imprudent !

Le film parlant. Il n’y a que trois ans que John Gilbert est une vedette à la mode, et il a trente-deux ans ; mais on prétend que ses premiers essais au micro ont été mauvais. (Par la suite. la Reine Christine devait prouver que la voix de John Gilbert était tout à fait phonogénique.) Sa carrière est brisée. Les années suivantes, on le verra errer dans Hollywood, comme un fantôme d’un autre âge, parlant intarissablement de ses succès d’autrefois et de son amour malheureux pour Greta Garbo.

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IMPOSSIBLE SAUVETAGE

Elle, Garbo, essaiera de le sauver. C’est elle qui exige de l’avoir pour partenaire, cinq ans plus tard, dans la Reine Christine. Mais John Gilbert n’était plus qu’une ombre : on lui avait cassé les reins. Six mois après, il meurt d’une crise cardiaque,; consécutive à des excès alcooliques.

Troisième histoire. En 1922, Rex lngram, pour ennuyer Valentino, qui avait refusé le rôle principal de Scaramouche, engage un jeune figurant mexicain et le lance habilement ; Ramon Novarro commence à faire figure de dauphin. C est le plus séduisant des chérubins. A quatorze ans, il dansait dans un cabaret quand Marion Morgan le découvrit et décida d’en faire un danseur ; par la suite, il commença à fréquenter les studios de cinéma et il n’a que vingt-trois ans quand Rex Ingram lui offre son premier grand rôle. Deux ans plus tard, c’est le triomphe inouï de Ben Hur.

Valentino, Latin viril, n’aura pas pour héritier le viril yankee John Gilbert, mais le tendre adolescent de Prince étudiant et de Chanson païenne.

Ramon Novarro parle anglais à merveille et chante à ravir : aussi double-t-il sans dommage le cap du « parlant ». On lui promet le triomphe ininterrompu de Rudolph Valentino. La religion des « novartistes » naît, favorisée par les agents de publicité de la firme à laquelle appartient le gentil Mexicain.

Or, en 1931, on s’aperçoit qu’il y a sept ans que Ramon Novarro tient la tête des affiches…

Il fera tout pour se survivre. Dans sa luxueuse demeure d’Hollywood, on monte une salle de théâtre, et il s’y produit, dans des opéras, une guitare à la main ou encore épelant ses poèmes. Il écrit des scénarii et des pièces. Il demande à faire la mise en scène d’un film. Il veut danser, débute au music-hall, en Europe…

En 1932, Ramon Novarro n’a été que le partenaire de Greta Garbo, dans Mata Hari. On lui fera tourner quelques autres films, par la suite… mais un charme est rompu : Novarro, dit-on, n’est plus Novarro.

Il a toujours son jeune et délicieux sourire. Il s’efforce de maigrir. Il cache, du mieux qu’il peut, ses trente-huit ans. L’autre jour, d’Hollywood, il câblait lui-même aux principaux journaux européens qu’une nouvelle firme venait de l’engager pour tourner trois films…

En fait Hollywood l’a oublié.

NINO FRANK

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A SUIVRE (prochainement)

DEMAIN : Du grand amour au « sex appeal ». ETC.

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Source : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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Pour en savoir plus :

L’article “L’AVENTURE CRIMINELLE” par Nino Frank, paru dans L’Ecran Français et reproduit sur le blog Mon Cinéma à Moi.

Mae Murray à la télévision américaine en 1950 dans l’une de ses dernières interview.

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Un reportage sur Tom Mix pour la télévision américaine

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Fanny Ward dans “Début at the Music Hall” (1920).

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La bande annonce de Ben-Hur de Fred Niblo (1925) avec Ramon Novarro.

 

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