Une étoile qui se lève : Greta Garbo dans “La Rue sans joie” (Cinémagazine 1925)


Il était temps que nous consacrions un premier post à l’une des plus grandes actrices du cinéma si ce n’est la plus grande! : Greta Garbo.

Voici donc le premier article que lui consacra la célèbre revue Cinémagazine à l’automne 1925 peu de temps avant que soit présenté à Paris La Rue sans joie de G. W. Pasbt.

Nous avons ajouté un article consacré à la réception berlinoise du film paru dans Cinémagazine (ici), puis un autre de Jean-Louis Croze, dans Comoedia, qui lui aussi insiste sur la révélation du film : Greta Garbo ().

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Le film sortira en exclusivité au Studio des Ursulines dont il fit l’ouverture de la salle le 22 janvier 1926.

Comoedia du 17 janvier 1926

Comoedia du 17 janvier 1926

Nous avons ajouté justement un article concernant la soirée d’ouverture du Studio des Ursulines (à lire ici). Puis vous trouverez un essai poétique paru dans Cinéa sur le film ainsi que les deux critiques parues en 1926 et en 1927 dans Cinémagazine.

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Bonne lecture !

 

Une étoile qui se lève : Greta Garbo

paru dans Cinémagazine du 23 octobre 1925

Cinémagazine du 23 octobre 1925

Cinémagazine du 23 octobre 1925

Une carrière de conte de fée !
A dix-sept ans, à peine sortie d’une école dramatique de Suède, Greta Garbo est « découverte » par le célèbre metteur en scène suédois Stiller, qui l’engage pour un grand rôle dans Gosta Berling.
La beauté fine et parfaite de cette jeune Scandinave, au visage pur et aux gestes gracieux, doublée d’un talent peu banal, séduit le public et enthousiasme G. W. Pabst, qui venait d’être chargé par la Société des Films Artistiques « Sofar » de porter à l’écran l’œuvre connue d’Hugo Bettauer, La Rue sans joie. Il engage immédiatement Greta Garbo pour un des rôles  principaux. Et la voilà, à dix-huit ans par un coup de baguette magique, promue vedette européenne !

Cinémagazine du 23 octobre 1925

Cinémagazine du 23 octobre 1925

La Rue sans Joie obtint un succès foudroyant et toute la presse fut élogieuse.
Greta Garbo qui, dans ce film, joue aux côtés des illustres Asta Nielsen et Werner Krauss, créa un personnage de jeune fille douce et pure, lancée dans un milieu bigarré, où le vice sombre côtoie le luxe le plus insolent et la misère la plus épouvantable. Elle lutte de toutes ses faibles forces contre la méchanceté des hommes, elle lutte pour sa vie et
 pour la vie des siens, elle lutte pour son honneur et pour son amour, et elle triomphe !

Ce film, que la Société des Films Artistiques « Sofar » nous présentera le 5 du mois de novembre, est une grande fresque qui fait revivre scrupuleusement exacte la Vienne d’après-guerre, au moment où la spéculation la plus éhontée faisait rage à côté de la famine et de la déchéance.

Cinémagazine du 23 octobre 1925

Cinémagazine du 23 octobre 1925

Le talent de Greta Garbo a donné sa plénitude dans le rôle de Greta Rumfort. Son jeu, tout en finesse, sans complications, très humain, très émouvant, fait d’elle une des rares ingénues de l’écran qui puisse, sans artifices théâtraux, atteindre l’extase de l’art pur. Il ne serait pas trop exagéré que de la comparer à Lilian Gish. D’ailleurs, elle fut très appréciée des Américains, puisque, immédiatement après la présentation de La Rue sans Joie à Berlin, une des plus puissantes sociétés des productions américaines l’engagea pour trois ans à Hollywood.

Voici donc Greta Garbo, après deux films, vedette mondiale ! Le public français la verra et l’aimera. Car c’est bien, malgré sa naissance étrangère, un talent français, par sa finesse et par sa délicieuse simplicité.

James Williard

Cinémagazine du 23 octobre 1925

Cinémagazine du 23 octobre 1925

La semaine précédente, Cinémagazine faisait paraître cet article sur la sortie berlinoise de La Rue sans joie de G. W. Pabst.

Lettre de Berlin :  “LA RUE SANS JOIE”

paru dans Cinémagazine du 16 octobre 1925

Cinémagazine du 16 octobre 1925

Cinémagazine du 16 octobre 1925

La Rue sans Joie, que réalisa G. Pabst, est tiré de Die Freudlose Gasse, un roman de Hugo Bettauer. Hugo Bettauer est un écrivain viennois, de l’école réaliste, dont la mort tragique, au début d’avril 1925, a fait grand bruit dans les pays de langue allemande.
Le roman, et par conséquent le film, traitent de la période d’après-guerre à Vienne, pendant la famine et l’inflation fiduciaire qui fit penser pendant un moment à l’impossibilité de sauver l’Autriche d’une désagrégation économique et sociale. Par sa nature même, le film est donc particulièrement intéressant et compréhensible pour tous les pays qui ont subi le contrecoup de la guerre. C’est la première fois d’ailleurs qu’on a porté à l’écran, avec autant de réalisme et de vérité, quelques-unes des conséquences de la guerre en Europe.
La Société des Films Artistiques (Sofar), ayant décidé de réaliser cette oeuvre, en confia la mise en scène à G. Pabst, metteur en scène viennois, auteur de
Trésor et de Domination, qui ont obtenu ici le plus grand succès.

Dans sa manière et par sa technique, G. Pabst est un disciple de D. W. Griffith. Pour interpréter La Rue sans JoiePabst a su réunir une pléiade de vedettes de premier ordre. En effet, les rôles principaux ont été confiés à Asta Nielsen, dont le renom est mondial, Greta Garbo, une révélation de la dernière saison ; c’est une jeune Danoise de dix-huit ans, parfaitement jolie, au talent très fin et au charme puissant, qui fit ses débuts dans Gosta Berling. Une compagnie américaine vient de l’engager pour plusieurs années. Werner Krauss (qui est, avec Jannings, le plus grand acteur d’Allemagne), la comtesse Esterhazy, ravissante beauté viennoise, Valesca Gert, la célèbre danseuse, Einar Hanson (une des plus grandes vedettes du cinéma suédois), etc.

La Rue sans Joie, lors de sa présentation à Berlin, a remporté un des plus grands succès qu’on ait jamais vus en Allemagne. La vision du film a été littéralement hachée d’applaudissements, pendant les quatre dernières bobines, et après la projection, les interprètes et le metteur en scène, qui étaient dans la salle, ont été acclamés par un public enthousiaste. D’ailleurs, voici quelques extraits de la presse allemande, après cette première triomphale.

Cinémagazine du 16 octobre 1925

Cinémagazine du 16 octobre 1925

Le Berliner Tageblatt :
« Ce film est un des plus beaux qu’on ait vus : mise en scène parfaite (réalisée par G. Pabst) et interprétation merveilleuse. Il traite de l’époque d’inflation à Vienne. Les scènes sont composées avec une compréhension profonde, une rare finesse de détails ; une rue malheureuse et sinistre, des visages creux, une boucherie tragique, le luxe le plus somptueux, et côte à côte, la déchéance et la misère la plus complète; fourrures et haillons ; la magie du dollar, les géants de l’inflation : les Américains; hôtels et dancings.
» Asta Nielsen, cette merveilleuse interprète de la misère humaine, cette madone modernisée, toujours et encore unique. Greta Garbo, au visage pur et beau, aux yeux comme il n’y en a point d’autres, au charme doux et posé d’enfant du Nord. Valesca Gert, la grande danseuse, ici laide, hideuse, dans son rôle aux inspirations infâmes, donne la plénitude de son
 très grand talent. Tamara (Tolstoï ndlr), une petite tête capricieuse, au visage nerveux, bien à son aise dans des aventures hystériques. Bars, jazz, danses… voilà où son talent s’épanouit.
» Les hommes : Werner Krauss, dans le rôle du boucher. Inutile de le décrire, il est sublime. Grégoire Chmara, aux traits durs, avec quelque chose de tristement soumis, nous émeut. Et puis un autre, dont j’ignore le nom, resté dans mon souvenir : un grand artiste dans un petit rôle… »

Berliner Zeitung am Mitlag :
« …. La Rue sans Joie est le film de jolies femmes.
» Les moment émouvants sont si parfaitement développés que l’intérêt des spectateurs ne s’affaiblit pas un seul instant et reste tout le temps à son plus haut diapason, ce qui est manifesté par l’enthousiasme du public et les acclamations et ovations faites aux artistes qui assistaient à cette première. »

Lichtbild Buhne :
« … C’est, en effet, un tableau puissant, émouvant, bouleversant, des mœurs contemporaines — ou plutôt de celles appartenant au proche passé — un document de l’âme humaine, comparable à Raskolnikovde Dostoievsky, avec la différence toutefois qu’ici les types, le milieu, les sorts humains nous sont plus compréhensibles, plus accessibles à notre mentalité que ne le sont les personnages et leur entourage dans les immortelles œuvres du génie russe.

Film Courrier :
« Le grand mérite de la mise en scène réside dans le fait que le film a, pour ainsi dire, de l’atmosphère. L’air qui entoure et dans lequel respirent ces personnages est presque palpable. La véritable physionomie de la ville est dévoilée.
» Ce qui prête au film une valeur exceptionnelle est la qualité remarquable et supérieure de certains de ses interprètes. 

Cinémagazine du 16 octobre 1925

Cinémagazine du 16 octobre 1925

Le film est sorti en exclusivité dans un des plus sélects cinémas de Berlin. Il a tenu plus de six semaines (fait extrêmement rare en Allemagne) et a été enlevé de l’affiche en plein succès à cause des engagements antérieurs. D’ailleurs, de l’avis général, La Rue sans Joie est le plus grand succès commercial et artistique en Allemagne après les Nibëlungen et Le Dernier des Hommes.

Actuellement, La Rue sans Joie poursuit une carrière triomphale à travers tout le pays et obtient partout auprès du public un énorme succès. On loue ses places plusieurs jours à l’avance. Le film a été vendu aussitôt après la présentation pour tous les pays de l’Europe.
Les journaux français nous ont appris qu’on présentera à Paris ce film à la fin du mois d’octobre. Il est hors de doute qu’il plaira au public français, comme il a plu dans tous les autres pays où il est déjà sorti. C’est incontestablement un très beau film fait d’après une formule nouvelle qui allie le réalisme à une grande sensibilité.

Ernst Hofman

La Rue sans joie sera présenté à la presse le 06 novembre 1925 à Paris au Théâtre de l’Empire selon cet encart publié le même jour dans Comoedia.

Juste avant était paru dans le même journal cette belle critique du film signé par Jean-Louis Croze qui comme d’autres a tout de suite perçu la beauté et le talent de Greta Garbo qui vola la vedette à Asta Nielsen, l’héroïne du film.

 

Prochains films :  La Rue sans joie par Jean-Louis Croze

paru dans Comoedia du 30 octobre 1925

Comoedia du 30 octobre 1925

Comoedia du 30 octobre 1925

Ce film se déroule à Vienne, après la guerre. Il retrace impartialement, avec un réalisme saisissant, la période trop longue durant laquelle régna la misère, avec son cortège de faim, de vice et de luxure, dans la grande cité autrichienne que la révolution ne rendait pas plus heureuse.

Dans le cadre d’une seule rue, tout un monde s’agite, grouille, souffre, peine : révoltés de la veille, tyrans du lendemain. Le contraste des pauvres, anciens, et nouveaux, et des riches, anciens et nouveaux également, constitue l’intérêt, le mérite psychologique de ce film, très observé, vécu. Ici le mot a sa portée entière : cette géhenne et ce paradis ont existé côte à côte. Après des bourrasques et des catastrophes multiples, des chutes et des disparitions, la rue sans joie s’éclaire d’un pâle soleil. Parmi les fantômes, deux êtres connaissent un semblant de bonheur, l’oubli va leur venir, tandis qu’à leurs œuvres perverses d’autres courent, impunis…
C’est, en raccourci, l’injustice, la fatalité de l’existence humaine.

Une infinie variété de personnages s’agite autour des protagonistes. Ce film est d’une puissance étrange, d’un intérêt exceptionnel, c’est une tranche de l’histoire contemporaine.
La facture est, dit-on, d’une adresse, d’une sincérité remarquables. Son exception, tout humaine pourtant, s’augmente du jeu des interprètes. Ils s’appellent Asta Nielsen, Werner Krauss, Henry Stuart, comtesse Tolstoï, comtesse Esterhazy, Valesca Gert, Einar Hansen et Greta Garbo.

Les deux premiers sont connus, ils ont leur gloire. La dernière y arrive à peine, elle en goûte les premiers rayons, mais ces rayons mettent une auréole sur ce front de vingt ans. Greta Garbo entre dans la carrière cinématographique comme une fleur s’ajoute à la couronne de primavera à l’éclosion d’avril.

Comoedia du 30 octobre 1925

Comoedia du 30 octobre 1925

Elle vient de la Svenska qui lui confia son premier grand rôle dans Gosta Berling. La voilà mise en vedette, en gros premier plan, avec La Rue sans joie que Greta Garbo illumine d’une indéniable personnalité. Magicienne, fée, elle chasse du sourire de ses yeux, où transparaît la fraîcheur de son âme, les abominables ténèbres au milieu desquelles se débattent les victimes du destin. Son jeu simple, naïf, sa grâce fine ont valu à la créatrice de Greta Rumfort d’être engagée par les Américains.

Que leur donnera-t-elle ?
Qu’en tireront-ils ?

J.-L. Croze

 

Finalement La Rue sans joie sortira en exclusivité à Paris au Studio des Ursulines le 22 janvier 1926 à l’occasion de l’ouverture de cette salle (qui existe toujours!).

Comoedia du 25 janvier 1926

Voici le compte-rendu de cette ouverture tel qu’il fut publié dans Comoedia daté du lendemain.

 

L’ouverture du Studio des Ursulines

paru dans Comoedia du 23 janvier 1926

Comoedia du 23 janvier 1926

Comoedia du 23 janvier 1926

Jeudi soir, comme nous l’avions annoncé, avait lieu la répétition générale au Studio des Ursulines, le cinéma d’art de Mlle Myrga et M. Armand Tallier.

On clouait encore le tapis gris perlé de la salle lorsque paraissaient les premiers invités. Myrga et Tallier, émus, un peu affolés, faisaient fort sentiment leur service d’ouvreuses, dans la petite salle confortable et intime. Les fauteuils qui sont de vieilles connaissances, car ce sont ceux du Vaudeville, se remplissaient rapidement. Et, quand la salle fut pleine à craquer, et sans un trop grand retard, la présentation commença.

Dans l’obscurité totale un fuseau de lumière fait éclater l’écran d’une blancheur immaculée : c’est la présentation simple et originale du cinéma. Ensuite ce furent les Vingt minutes au cinéma d’avant-guerre, voyage à travers le temps. Le public était fort content de se voir plus jeune, un peu ridicule peut-être. Les actualités de 1909, avec présentation des derniers modèles de mode, furent notamment une chose bien drôle.
Le grand drame Mimosa dernière grisette fut l’occasion de 244 mètres de fou rire, à la vision du cinéma premier modèle. Et par une opposition voulue, on vit aussitôt les Vingt minutes au cinéma d’avant-garde, avec l’Entr’acte, de René Clair, sur un scénario de Picabia. On a revu avec plaisir ce film au rythme original et d’une curieuse recherche.

La seconde partie de la soirée fut consacrée à La Rue sans joie, le très beau film de la Sofar.

Nous avons parlé déjà de cette œuvre de M. W. Pabst. Elle remporta hier le plus grand succès, succès légitime qui consacre la carrière de cette production puissante. La salle applaudit longuement ; il y eut même des bravos.

M. de Monzie, ministre des Travaux publics, arrivé au début de La Rue sans joie, félicita les deux sympathiques directeurs, ainsi que M. Pines, directeur de la Sofar.

Un public élégant assistait à cette inauguration ; on pouvait remarquer MM. Clouzot, Vaillant-Couturier, député ; René Cassain, représentant la France à la Société des Nations ; Paul Fort, Rolf de Maré, Picabia, Arnyvelde, Galtier-Boissière, Boris Bilinsky, Poirier, René Clair, Roger Karl, Chimot, Kamenka, Schmit, Jean Kemm, et tous les journalistes professionnels, Mmes Germaine Dulac, Suzanne Bianchetti, Germaine Dermoz, Jeanne Helbling, Madys, Mlle de Québec, etc., etc.

Une belle soirée et qui prépare de nombreux lendemains.

Non Signé

Pour finir notre tour d’horizon de la sortie parisienne de La Rue sans joie, nous avons trouvé tout d’abord cet essai poétique publié dans Cinéa.

La Rue sans joie par André Gain

paru dans Cinéa du 3 mars 1926

Cinéa du 3 mars 1926

Cinéa du 3 mars 1926

Une rue noire brillent des lueurs incertaines, une rue l’on meurt et l’on jouit.
La porte de la boucherie s’ouvre avec violence, et voici une silhouette terrifiante dressée dans le courant d’air Werner Krauss, empereur des bouchers, avec son tablier taché de sang, ses mèches noires collées sur le front, et un énorme chien blanc qui tourne en rond pour faire peur.
Des
êtres, qui n’ont pas mangé depuis plusieurs jours, roulent en cadence le long de la boutique, pour avoir un os à ronger.
Dans la maison, en face, entrent et sortent des femmes en toilette et des hommes en smoking ; c’est là où demeure la Greifer, Reine du Vice.
Ici et là, passent Marie et Greta.

Marie, statue de marbre, je ne vois sur votre visage que la glace du fjord, et dans vos prunelles une lumière éternelle sur un paysage du grand Nord.
Greta, chère petite chose, si jeune et si fragile, quittez ce milieu pervers et désaxé, vous qui êtes le Printemps…

Tu trouves ce film trop triste mais l’est-il vraiment ?
Toutes ces images ne vivent que pour représenter la puissance étrange de ce que nous nommons Amour.

C’est toute l’histoire de la vie; — et lorsque la rue est sans joie, l’amour n’en est que plus fort.
Tu es triste, mais jamais tu n’as été aussi heureux.

André Gain

 

Et voici les deux critiques parues dans Cinémagazine, signé du pseudonyme habituel de cette revue, L’Habitué du vendredi. L’un en 1926 et l’autre en 1927…

Critique de LA RUE SANS JOIE

paru dans Cinémagazine du 22 janvier 1926

Cinémagazine du 22 janvier 1926

Cinémagazine du 22 janvier 1926

Elle est curieuse cette étude de la vie viennoise après l’armistice. La misère y règne en souveraine maîtresse et, bien souvent, le désespoir pousse les victimes aux pires capitulations.
Le réalisateur a su adroitement maintenir, au cours de sa production, cette ambiance de tristesse et de terreur à laquelle conviennent admirablement les tableaux sombres, et les décors de
La Rue Sans Joie ne sont pas sans impressionner.
La très belle Greta Garbo, la tragédienne Asta Nielsen et Werner Krauss, dans un rôle des plus antipathiques, sont les protagonistes de cette production qui ne saurait nous laisser indifférents.

L’Habitué du vendredi

 

Critique de LA RUE SANS JOIE

paru dans Cinémagazine du 30 septembre 1927

Cinémagazine du 30 septembre 1927

Cinémagazine du 30 septembre 1927

La Rue sans Joie restera longtemps une des meilleures productions du cinéma d’outre-Rhin. Il y a déjà dans le titre tout un poème, tout un drame. Drame de la misère, drame de la dignité.
L’époque troublée qui, à la fin et au lendemain de la guerre, plongea l’Europe Centrale dans un sombre dénuement, renversant la situation des classes sociales, mettant la bourgeoisie intellectuelle à la merci des mercantis et des profiteurs, cette triste époque, dis-je, convenait parfaitement pour situer cette âpre histoire, cruelle et douloureuse.

La technique très personnelle de G. W. Pabst a encore accentué le caractère tragique de l’action, par ses éclairages surprenants, ses décors originaux. Ce film vaut de plus par une interprétation de toute première valeur.

Greta Garbo qui triomphe en ce moment en Amérique, avait déjà affirmé dans La Rue sans Joieson incomparable tempérament dramatique. C’est une femme qui vibre intensément ; elle a le pouvoir de faire partager son drame par tous les spectateurs. Werner Krauss a campé ici une inoubliable figure. Son boucher est, à souhait, atrocement trivial. Le personnage que dessina Asta Nielsen est, lui aussi, plein de réalisme.

La Rue sans Joie est un film de grande classe, un de ceux qui resteront au répertoire.

L’Habitué du vendredi

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Source :

Cinémagazine : Ciné-Ressources / La Cinémathèque Française

Comoedia et Cinéa : gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Pour en savoir plus :

Le site sur Greta Garbo que nous avions créé à l’occasion de son centenaire en 2005 : https://garbolives.blogspot.fr/

L’analyse critique de La Rue sans joie de François Massarelli chez DVDCLASSIK.

Entretien passionnant en 1967 avec l’un des producteurs de La Rue sans joie : Romain Pines.

Extrait de La Rue sans joie avec Greta Garbo.

 

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