La Vie active de Jean Gabin (Pour Vous 1933)


Poursuivons notre hommage à Jean Gabin à l’occasion de la  rétrospective que lui consacre la Cinémathèque française du 16 mars au 30 mai 2016 avec un nouvel entretien paru dans la revue Pour Vous avec la fameuse Doringe (pseudonyme d’Hélène Blot) qui a beaucoup écrit dans cette revue.

A suivre.

 

Pour Vous du 28 Septembre 1933

Pour Vous du 28 Septembre 1933

La Vie active de Jean Gabin

paru dans Pour Vous du 28 Septembre 1933

Mon Dieu, oui ! j’ai débuté dans le même film que Raymond Cordy, dans Chacun sa chance — qui fut la nôtre. Il y était un cordial et joyeux pochard, moi un vendeur… »

Sous le soleil encore clair, mais à peine tiède de septembre, Jean Gabin, qui vient de rentrer d’un long séjour en Allemagne, grille une cigarette en attendant de tourner. Depuis le début de l’année, je ne l’ai point vu, et ma joie est grande de le retrouver toujours le même, aussi simple, aussi gentil, aussi bon camarade.

— Alors, puisque je suis ici pour que vous me parliez du cinéma, parlez-m’en.
Déjà ? » Gabin soupire. » Pour un moment de répit que j’ai ! »
— Ce n’est pas pendant que vous tournerez….
Oh ! bien sur ! Mais, à mon point de vue, il vaudrait mieux en cette saison parier de la chasse, des sous-bois qui sentent bon, de la terre lourde aux bottes.

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Enfin, puisque vous y tenez, parlons du cinéma. Mon deuxième film, c’est Paris-Béguin, avec Jane Marnac et Fernandel. J’aurais tort de ne pas mentionner mon excellent camarade Jean Max, car, dans ce film où je joue un rôle de cambrioleur, c’est lui qui m’envoie le coup de revolver par lequel se termine ma carrière malfaisante.
— Remerciez-le, s’il vous ramène au bien.
Provisoirement, car si, dans Gloria je suis, aux côtés de Brigitte Helm, un honnête mécanicien, je redeviens une assez basse crapule près de la pauvre Marcelle Romée qu’André Luguet a grand mal à défendre contre moi dans Cœur de Lilas.

« Dans la Foule hurle, j’ai un métier avouable : je suis coureur automobiliste. Mais là encore, ma partenaire charmante a fait, dans la réalité hélas ! une prompte et rapide fin. La délicieuse Francine Mussey n’a guère vécu plus longtemps que Marcelle Romée.
« Mon film suivant est sans femmes, et je dirais presque tant mieux. Ce fut, à côté de Raimu, les Gaietés de l’Escadron, un des très gros succès du metteur en scène Maurice Tourneur.
« En septième lieu vint La Belle Marinière.

— Si je me souviens bien, vous aimez beaucoup ce film ?
Beaucoup. D’abord j’aime ce qui se passe sur l’eau : je n’oublie pas que j’ai été marin et même l’eau douce me plaît. La vie des mariniers a une sorte de poésie que celle des travailleurs des villes ignore.
— Et il y avait Madeleine Renaud !
Vous l’avez dit. Bien qu’elle m’y abandonne pour Pierre Blanchar, avec qui, tout de même, dans la vie, je suis resté lié d’une très bonne camaraderie, Madeleine Renaud est un de mes motifs d’aimer La Belle Marinière. C’est une artiste remarquable et une amie charmante. Tourner avec elle est toujours une joie ; tous ses camarades pensent de même.

 

Pour Vous du 28 Septembre 1933

Pour Vous du 28 Septembre 1933

— Ensuite, vous quittez la France ?
Et je retrouve, dans l’Etoile de Valencia, Brigitte Helm qui, dans l’intervalle, a tourné L’Atlantide avec Pabst, et qui a appris le français.
« Ce film, qui fait d’elle ma légitime épouse et de moi un membre de la police maritime, m’épargne tous déboires sentimentaux.
— Vous ! en policier !
Mais quand ça ne se voit pas, je ne déteste pas du tout la police. Tout de même, pour les gars de la P. J., il y a de sérieux risques, dites ? Ils font un métier pour lequel on doit avoir quelque chose dans le ventre ! Un beau film d’aventures policières, ça ne me déplairait fichtre pas.
— Ça viendra peut-être.

On peut toujours l’espérer ! C’est encore avec Brigitte Helm que je tourne Adieu les beaux jours ! je suis son amant… son amant d’un jour…. Par métier, je suis, en l’occurrence, metteur au point chez un constructeur d’autos. Tout cela, vous le voyez, est très avouable.
— Vous avez fini par vous, acheter une conduite. Mais les mœurs de Brigitte Helm se sont gâtées. Ce doit être la faute d’Antinéa.
Non, non. Adieu les beaux jours ! est plutôt une aventure sentimentale…

« Je continue à avoir une profession honnête dans Le Tunnel. Ingénieur, mais sorti du peuple, formé par le travail en partant de tout en bas, j’ai pour femme…
— … Madeleine Renaud
… et c’est tout de même une histoire triste, bien qu’elle me soit, cette fois, fidèle.

« Mais me voici content, car Pabst m’a demandé pour tourner ici sous sa direction. Et Pabst, c’est un des plus grands bonshommes de tout le cinéma actuel. Etre choisi par lui, c’est une vraie satisfaction.

Pour Vous du 28 Septembre 1933

Pour Vous du 28 Septembre 1933

« Je suis dans De haut en bas un joueur de football professionnel, star dans sa partie, point de mire de toutes les femmes, sauf d’une qui, jadis riche, a dû s’engager comme bonne à tout faire parce qu’elle est ruinée.
« Comme elle ne s’occupe pas de moi…
— … elle vous intéresse, et vous êtes bientôt pris à votre propre jeu.
Je lui fais la cour, elle finit par m’entendre, et tout permet de présumer que nous nous marierons.

— Où vous êtes-vous documenté pour ce film ?
Sur quel Sujet ? le football ? ou la cour ?
— Oh ! la cour… vous avez une vieille expérience après trois ans de cinéma ! Non, pour le sport ?
Mais je suis joueur de football, voyons. Et j’espère bien avoir le temps de jouer cet hiver. J’adore ça.
— Avec la chasse, ça fait beaucoup de projets.
C’est un minimum pour un homme qui n’a pas pris de vacances depuis je ne sais combien de temps !

« Quant au flirt, avouez que ma carrière d’amoureux à l’écran n’est pas spécialement avantageuse.
« Mais, tenez, voici dans cet ordre d’idées mon plus beau, mon seul vrai succès. »

Mince autant que Gabin est râblé, brune autant qu’il est blond, les yeux noirs autant que ceux de son mari sont clairs. Madame Jean Gabin s’avançait vers le footballeur momentané. Tous deux se souriaient, et pendant un bon moment oublièrent ma présence.

Doringe

Source : Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse

Pour en savoir plus :

La page consacrée au cycle Jean Gabin sur le site de la Cinémathèque française.

Le site du Musée Jean Gabin à Mériel.

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Extrait avec Jean Gabin en 1933 dans Le Tunnel de Curtis Bernhardt.

 

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