La rénovation du Gaumont-Palace (Cinémagazine 1931) 4 commentaires


C’est dans le n°11 du mois de novembre 1931 de la revue Cinémagazine que parait cet article sur la rénovation du Gaumont-Palace, le plus grand cinéma d’Europe.

Article sur Le Gaumont-Palace (Cinémagazine novembre 1931)

Article sur Le Gaumont-Palace (Cinémagazine novembre 1931)

L’EXPLOITATION MODERNE : Le Gaumont-Palace

PROUE géante entre les rues Forest et Caulaincourt, le bloc du Gaumont-Palace dessine une belle façade à trois pans, rythmée de hautes baies. La partie supérieure forme une couronne étagée en pyramide : elle sert de base à une fontaine lumineuse monumentale, dont le dôme, à 8 mètres au-dessus de la plate-forme, porte le sommet du Gaumont-Palace à 50 mètres du sol.

Conçue et réalisée par M. Maurice Belloc, architecte D. P. L.G. , l’architecture du Gaumont-Palace est caractérisée par un grand parti de décoration lumineuse. Toutes les ressources de la lumière électrique, puissance et souplesse de modulation, ont été mises en œuvre pour réaliser, à l’extérieur et à l’intérieur, une véritable architecture lumineuse.

Le jour, la façade présente une ordonnance majestueuse, d’un modernisme vigoureux. Mais c’est le soir qu’elle s’épanouit dans toute sa puissance, enrichie d’un flamboiement de lumières féeriques.
Sirène moderne, la lumière offre sa joie à la foule. Ainsi la façade lumineuse fait valoir de la façon la plus heureuse la destination spectaculaire de l’édifice.
La marquise, à éclairage fixe, baigne d’une lumière tamisée les trottoirs et les portes d’entrée, tandis que le plafond lumineux du hall projette un éblouissement de phare à travers les hautes verrières.

Le thème lumineux de la façade comporte trois phases successives. D’abord un flot de lumière, projetée de bas en haut, met en valeur les lignes de l’architecture ; il est fourni par une rangée de phares dissimulés sur la marquise. Puis les lettres Gaumont-Palace, hautes de 3 mètres, s’allument en rouge à la base de la pyramide, elle-même éclairée par des projecteurs. Enfin, troisième temps : l’enseigne est submergée sous le flot de la fontaine  lumineuse  qui  retombe  en  cascade.

La scène du Gaumont-Palace, vue de côté

La scène du Gaumont-Palace, vue de côté

Pour l’intérieur du Gaumont-Palace, le magnifique projet d’architecture lumineuse fut conçu et mis au point par M. Belloc en s’appuyant sur les ressources modernes de l’éclairage indirect. Les lampes sont cachées au fond de gorges de staff, dont la paroi est profilée pour réfléchir l’éclairement vers le plan utile. La suppression de l’éblouissement permet une meilleure répartition de la lumière pour la mise en valeur des formes qu’elle anime.

La conception de l’architecture lumineuse tend à éliminer la décoration ornementale. Lignes, surfaces et volumes étant destinés à recevoir l’enrichissement de la lumière, ce sont leurs mouvements et leurs rapports qui comptent pour ordonner et rythmer la féerie de la lumière. Une franche affirmation de qualités de matière, savamment établies, concourt avec l’effet lumineux pour exprimer harmonieusement la logique architecturale dans la richesse de l’ensemble.

Le hall d’entrée, vaste hexagone, est dominé à 16 mètres de hauteur par un plafond lumineux qui l’inonde de clarté. Ayant pour base le double escalier de la corbeille, le motif lumineux dresse un faisceau de gouttières verticales et s’épanouit au plafond en rosace étoilée, floraison monumentale.
Les murs sont peints d’un ton mat, jaune-soufre clair, que fait chanter l’opposition sonore du soubassement en marbre «vert de Gênes» poli. Dallage de marbre rose. Scintillements de métal chromé sur les portes vitrées et sur les balustrades.

Le motif lumineux du hall du Gaumont-Palace

Le motif lumineux du hall du Gaumont-Palace

Encadrant l’entrée de l’orchestre, qui est de plain-pied avec le hall, le double escalier nous conduit au foyer de la corbeille.

C’est une galerie circulaire d’une grande richesse décorative. Entre les piliers rouge sombre, le plafond à coupoles lumineuses : deux gorges concentriques cerclées d’or. Au long des murs un soubassement de palissandre, des glaces et de confortables canapés. De grandes verrières dépolies, à ferrures chromées, alternent avec des panneaux décoratifs de G. André, camaïeux rehaussés, sur fond argent, qui évoquent l’art cinématographique.

Devant l’entrée du promenoir, au niveau des loges de la corbeille, un petit salon de thé forme balcon ; son avancée est décorée d’une rampe lumineuse à cannelures ; même motif sur les pylônes qui encadrent les escaliers de la corbeille.

L'ensemble de la salle Gaumont-Palace, vu de la scène

L’ensemble de la salle Gaumont-Palace, vu de la scène

La salle est une immense nef aux proportions majestueuses.
Ses grandes formes architecturales, d’une sobriété voulue, s’animent d’un enchantement féerique, sous les modulations progressives, blanc, rouge et or de la décoration lumineuse.

Merveilleux accomplissement d’un palais conçu pour le cinéma.
Avec ses 6.000 places, la salle du Gaumont-Palace est la plus vaste du monde.
Elle a 70 mètres de longueur, 40 de largeur et 25 de hauteur, soit une capacité de 60.000 mètres cubes.

Mais ces dimensions exceptionnelles soulevèrent de grosses difficultés au point de vue visibilité et projection cinématographique, et davantage encore au point de vue acoustique.

Le développement triomphant du film sonore exige qu’ une salle de cinéma soit en même temps une salle de concert parfaite. Le programme moderne d’un grand théâtre cinématographique comprend d’ailleurs des parties scéniques et musicales importantes. L’étude du problème acoustique au Gaumont-Palace fut confiée aux ingénieurs de la Compagnie Radio-Cinéma. Sous la direction de M. Besnard, ils ont su mener à bien cette tâche redoutable, établissant avec précision les bases techniques qui ont conditionné l’aménagement de la salle.

Suivant l’étude rigoureuse des profils des parois de la salle, murs, plafonds, balcons et scène, M. Belloc a su plier l’architecture à sa destination, fort de l’expérience acquise dans ses travaux antérieurs pour le Circuit Aubert (Voltaire, Régina, Electric, Grenelle-Palace, Tivoli-Palace, Palais-Rochechouart).
Tirant parti de la précision technique de la forme, la décoration a su la faire contribuer au style de l’architecture, dans le meilleur sens moderne.

Ainsi les courbes qui modulent l’avancée des gradins satisfont aux nécessités acoustiques : mises en valeur par des rampes lumineuses, elles contribuent en même temps à la richesse de l’ensemble. De même les ondulations transversales qui couvrent l’étendue du vaste plafond sont un ornement géométrique très heureux que l’éclairage fait valoir ; elles sont
nées d’un besoin acoustique. Leurs courbes, de hauteur constante, croissent progressivement en partant de l’écran ; résultat de calculs savants, elles arrêtent et neutralisent les sons qui viennent frapper le plafond et dont la réflexion troublerait ceux qui arrivent directement aux spectateurs.

Les murs latéraux sont profilés de courbes à peine sensibles, dont les articulations servent à l’aménagement de rampes lumineuses. Celles-ci éclairent la paroi de bas en haut et la drapent d’une lumière caressante ; leurs lignes horizontales prolongent sur les côtés de la salle le mouvement des balcons et, rejoignant le cadre de la scène, lient l’ensemble architectural.
Les deux pylônes qui encadrent la scène de leurs masses perpendiculaires concentrent les regards vers l’écran.
Leur coloration foncée accuse le parti architectural et réalise par contraste l’équilibre décoratif des grandes surfaces murales.

Murs, plafond et bandeaux des balcons sont peints d’un ton chaud, qui s’exalte, docile, sous la symphonie des éclairages changeants. Ce ton fut l’objet de recherches minutieuses. Car le revêtement de feutre qui sert de support à la peinture interdit de revenir une deuxième fois, sous peine de boucher sa surface et de lui faire perdre ses qualités acoustiques. Si l’on s’était trompé de ton pour l’effet décoratif de la salle, tout le revêtement de feutre eût été à refaire.

Complétant l’harmonie de la décoration murale avec le rouge chantant des fauteuils, un soubassement cerne le tour de la salle. Il n’a du palissandre que la couleur. Pour répondre aux exigences de la Préfecture, ce revêtement est fait de plaques de tôle ; un enduit spécial incombustible, appliqué derrière, donne au métal la sonorité du bois et satisfait aux besoins de l’acoustique.
M. Belloc a confié l’exécution des travaux de décoration à M. Perron, directeur de la S. A. D. A. M. (1) qui s’est attaché à réaliser fidèlement les conceptions de l’architecte.

(1) S. A. D. A. M., depuis Établissements Perron, 17,  rue de la Reine-Blanche.

Le cadre de scène du Gaumont-Palace

Le cadre de scène du Gaumont-Palace

L’emploi de matériaux appropriés complète les solutions architecturales des problèmes acoustiques.
Les matériaux spéciaux de la Société Setacoustic (Produits Johns-Manville) sont intervenus ici avec une efficacité remarquable.

Tant par la porosité de sa surface que par la flexibilité de son matériau, le feutre Setacoustic assure aux parois de la salle l’absorption nécessaire pour supprimer les effets d’écho, tandis qu’elles restent suffisamment réfléchissantes (fréquences de 20 à 6.000 périodes) pour assurer aux sons toute leur brillance. Le revêtement de feutre est fixé par collage au moyen d’un ciment spécial. L’épaisseur du feutre est de 27 millimètres pour les murs et de 12,5 mm pour les plafonds.

Une peinture spécialement étudiée au point de vue acoustique « Nashtile » préserve le feutre des poussières, sans nuire à ses propriétés acoustiques, tandis que le grain du feutre assure à cette peinture légère une grande richesse de matière.

En dehors de la correction acoustique elle-même, les murs du Gaumont-Palace ont été isolés contre les bruits extérieurs.
Le feutre des murs est collé sur des panneaux de fibre ligneuse insonores (Isolbois), lesquels sont encore isolés du mur par une épaisseur de 4 centimètres de laine minérale Banroc, produit incombustible extrait des roches (spécialité Setacoustic).
Sur le mur du fond de la salle, on a utilisé un feutre recouvert de toile cirée, perforée de petits trous.

Le mur de la scène est revêtu d’une épaisseur de 10 centimètres de laine minérale Banroc. Les sons émis par les haut-parleurs qui viennent frapper ce mur sont absorbés par le Banroc au lieu d’être réfléchis et projetés dans la salle. Dans la fosse d’orchestre, les microphones répétiteurs ont été logés dans un petit bandeau de Banroc pour les soustraire à toutes interférences nuisibles.

Dans la cabine du speaker, un revêtement de laine Banroc, recouvert d’un tissu poreux, corrige le temps de résonance de la pièce et réalise la pureté des sons transmis par les amplificateurs.
En prise directe avec les bruits extérieurs, les portes ont été exécutées de façon toute spéciale. Un bourrage isolant, entre les panneaux extérieurs en palissandre contreplaqué, en fait de véritables matelas insonores.

Ensemble de la salle, de côté du Gaumont-Palace

Ensemble de la salle, de côté du Gaumont-Palace

L’équipement cinématographique et électroacoustique du Gaumont-Palace a été conçu, réalisé et installé par les services techniques de la Compagnie Radio-Cinéma.

De même que pour l’aménagement acoustique, les dimensions de la salle ont nécessité une étude toute spéciale de l’équipement technique.

La cabine mesure 26 mètres de long sur 4 mètres de large. Elle comprend quatre appareils sonores Radio-Cinéma, modèle 1931, équipés avec projecteurs Chrono-Seg et des lanternes de projection à arcs de grande puissance.
Les projecteurs Chrono-Seg sont munis d’un obturateur spécial nouvellement étudié par Radio-Cinéma, qui réalise un important gain de lumière et un meilleur refroidissement de la pellicule. Les projecteurs du Gaumont-Palace étant par ailleurs munis d’une cuve à eau à circulation continue et d’une soufflerie à air comprimé, le film sort du projecteur sans aucune élévation de température.

Les lanternes de projection, du dernier modèle Hall et Connolly (Brockliss, concessionnaire pour la France, la Suisse et la Belgique), sont les plus perfectionnées qui existent actuellement sur le marché mondial.

L’avancement des charbons est entièrement automatique. Un dispositif assure la rotation du charbon positif, de manière à obtenir un éclairement absolument constant.
Deux appareils Master Brenograph (Brockliss) sont destinés à la projection d’effets lumineux sur l’écran ou sur le rideau. Ils sont constitués par des lanternes automatiques munies de jeux de miroirs à inclinaison variable, permettant une infinité d’éclairages. La présentation des attractions et des sous-titres de films y trouve une richesse très appréciée, que complètent encore six projecteurs de scène, fournis également par la société Brockliss.

Un escalier de la corbeille du Gaumont-Palace

Un escalier de la corbeille du Gaumont-Palace

Tous ces appareils sont de modèle récent et offrent les plus grandes facilités de manœuvre. Un simple bouton à tourner et l’éclairage passe du cercle minuscule qui éclaire la tête d’un acteur au plein feu final. D’autres manettes règlent la succession harmonieuse des changements de couleur.

L’équipement sonore de la cabine comporte cinq amplificateurs modèle Radio-Cinéma à grande puissance, capables de moduler sans déformation ni distorsion une puissance de 200 watts. Chaque amplificateur peut alimenter quatre haut-parleurs et être utilisé soit pour le cinéma sonore, soit pour le renforcement de l’orchestre.
En régime normal d’exploitation, on utilise seulement deux projecteurs sonores et deux amplificateurs ; les autres appareils sont maintenus prêts à fonctionner en secours.

Afin d’éviter tous risques d’interruption dans les représentations, on a multiplié les dispositifs de sécurité. Des tableaux de commutation permettent instantanément de brancher n’importe quel projecteur sur n’importe quel amplificateur et sur n’importe quel groupe de haut-parleurs. Une signalisation lumineuse contrôle d’ailleurs toutes les manœuvres de la cabine.

Le foyer de la Corbeille du Gaumont-Palace

Le foyer de la Corbeille du Gaumont-Palace

La distance de projection est de 70 mètres. L’angle de plongée est réduit à 12°. Selon l’effet à obtenir, l’écran passe des dimensions normales 8 mètres x 10 mètres à celles de 12 mètres x 16 mètres pour la grande projection, soit près de 200 mètres carrés ; par un dispositif automatique, les caches de velours noir s’ouvrent et se ferment en synchronisme parfait avec la projection.

L’écran est en tissu caoutchouté spécial, ininflammable (spécialité Brockliss), qui assure à la projection le maximum de luminosité. Grâce à sa perforation de multiples petits trous, sans aucun inconvénient pour la pureté de l’image, ce tissu réalise une parfaite transparence acoustique. Le châssis métallique de l’écran porte seize haut-parleurs en quatre groupes de quatre ; huit fonctionnent normalement, les autres sont disponibles en secours.

La Corbeille : les spacieux fauteuils Gallay du Gaumont-Palace

La Corbeille : les spacieux fauteuils Gallay du Gaumont-Palace

La mise au point minutieuse des haut-parleurs s’ajoute au remarquable aménagement acoustique de la salle pour assurer à chaque spectateur, près ou loin, une audition excellente ; chaque spectateur se trouve dans le cône de diffusion d’au moins un haut-parleur. Pour assurer aux spectateurs les plus éloignés une audition normale de l’orchestre ou des chanteurs sur scène, on a installé, à proximité des musiciens, quatre microphones et un amplificateur microphonique. Le son, amplifié par l’un des cinq amplificateurs de la cabine, est émis dans la salle par des haut-parleurs : il renforce le son émis directement par l’orchestre ou le chanteur et s’identifie exactement avec lui.

Une cabine spéciale a été aménagée pour un speaker et pour la diffusion de musique au moyen d’une table à deux plateaux pour disques. Des amplificateurs alimentent seize haut-parleurs répartis dans les galeries, foyers, bar et hall du théâtre, et éventuellement quatre haut-parleurs situés dans la salle au-dessus de l’écran. En cas de panne du secteur, ou d’un accident quelconque, une batterie de secours assure automatiquement le fonctionnement de cette installation et permet de rassurer le public et d’éviter une panique.

Un autre escalier de la Corbeille du Gaumont-Palace

Un autre escalier de la Corbeille du Gaumont-Palace

Les fauteuils du Gaumont-Palace marquent un triomphe de plus pour les Établissements R. Gallay.
Spacieux et confortable, ce modèle est d’une forme particulièrement heureuse. La structure métallique concilie la robustesse avec la recherche de sécurité contre les risques d’incendie ; les avantages de la fonte au point de vue insonore ont fait préférer ce métal à tout autre.

Un système de gond permet, au cours de l’installation, de régler selon les places l’inclinaison du dossier, pour en parfaire le confort ; l’orientation par rapport à l’écran est ainsi mise au point pour éviter toute fatigue au spectateur. Le dos en tôle du dossier est rendu insonore par un revêtement intérieur. La garniture du siège et du dossier est réalisée sur les mêmes principes que les sièges d’auto, réputés pour leur confort. L’épais velours gaufré, d’un rouge doré magnifique, est agréable au toucher comme au regard. Sa nuance, composée spécialement pour l’ensemble décoratif de la salle, se retrouve sur le rideau d’avant-scène, exaltée par l’embrasement des projecteurs. Le tube d’acier chromé qui encadre le dossier des fauteuils en souligne la forme bien étudiée et la fait valoir comme élément décoratif par sa répétition innombrable.

Les strapontins constituent au Gaumont-Palace de véritables fauteuils, grâce à la fabrication Gallay.
Ils sont munis d’un frein à huile qui rend leur mouvement silencieux. Car le silence est la loi de toute l’installation réalisée au Gaumont-Palace : tous les spectateurs pourraient se lever ensemble, ou s’asseoir, sans qu’on entende un bruit de fauteuils.
Ce silence impressionnant ajoute un mérite de plus à ceux des fauteuils Gallay.

Poste de commande du chef de cabine du Gaumont-Palace (Cinémagazine novembre 1931)

Poste de commande du chef de cabine du Gaumont-Palace

L’ensemble des travaux du Gaumont-Palace a été exécuté en onze mois ; cela constitue, pour une salle de cette importance, un véritable record.

De l’ancien hippodrome, on n’a gardé que les murs extérieurs et la carcasse métallique, en leur faisant subir d’ailleurs de grosses modifications.
Pour la construction des deux vastes gradins, M. Belloc a préféré le fer au ciment armé ; en raison du sol mauvais, la construction métallique avait l’avantage d’un poids mort moindre que le béton. Et puis la rapidité exigée pour les travaux était incompatible avec l’exécution en ciment.

La construction métallique a été exécutée par l’entreprise Allemant et Lebrun (2). Le devant du balcon a une portée de 40 mètres, sans point d’appui intermédiaire. Les limites imposées par les proportions de l’architecture ne permettaient pas l’établissement d’une poutre transversale entre parois latérales. Il a fallu décomposer la portée en obliques, soit trois poutres maîtresses s’inscrivant en forme polygonale dans la courbe du fond de la salle ; ces éléments principaux de la charpente ont 20 à 21 mètres de long sur 2 m,75 de haut, et pèsent environ 22 tonnes chaque.

Fabriquées dans les ateliers Allemant et Lebrun ces poutres ont été ajustées sur place. Les quatre points d’appui de ces poutres sont fournis par de gros poteaux de fer, dont l’enrobement par des gaines de staff est devenu un élément de la décoration architecturale dans le pourtour du balcon. Une des caractéristiques de cette charpente métallique, c’est la réduction exceptionnelle du porte-à-faux : il ne dépasse pas 3 m,8o.

Les quatre projecteurs Radio-Cinéma, avec leurs arcs à grande puisssance du Gaumont-Palace

Les quatre projecteurs Radio-Cinéma, avec leurs arcs à grande puisssance du Gaumont-Palace

Cette belle réalisation fait le plus grand honneur aux techniciens des Etablissements Allemant et Lebrun. Dans l’épaisseur de la charpente métallique sont aménagés pour chaque gradin les gaines de ventilation et les vestiaires ; entre les deux gradins, le salon de thé, qui est de plain-pied avec les loges du balcon.

Parmi les autres travaux exécutés par Allemant et Lebrun dans l’ensemble de la salle, citons encore les structures métalliques de la scène, les passerelles d’accès aux gorges d’éclairage du hall et enfin la cabine de projection. Celle-ci constitue une cellule métallique, de 35 mètres de long sur 9 à 10 mètres de large, épousant la forme polygonale du mur du fond de la salle.

L’encadrement latéral de la scène est constitué par deux gros pylônes métalliques creux, de 23 mètres de haut, à l’intérieur desquels sont aménagés les escaliers d’accès au plafond, à la chambre des orgues et à tous les services de la scène.

Le fronton de scène est d’une portée de 25 mètres, correspondant à l’ouverture du cadre de scène. Il constitue la chambre des orgues, qui a 4m,50 de largeur, et repose sur deux poteaux de 28 mètres de haut, partant des sous-sols.

(2) Constructions métalliques Allemant et Lebrun, 76, rue Heurtault, à Aubervilliers.

Les amplificateurs Radio-Cinéma à grande puissance du Gaumont-Palace

Les amplificateurs Radio-Cinéma à grande puissance du Gaumont-Palace

Pour assurer à la charpente métallique des fondations sûres dans un sol mauvais, l’entreprise Max Renaud (3) a dû exécuter des travaux de maçonnerie particulièrement difficiles.

L’excavation d’un vaste sous-sol, près de 6.000 mètres cubes de terre enlevés, a nécessité la consolidation des fondations anciennes et le renforcement, par doublage en ciment armé, de certains poteaux en fer subsistant de l’hippodrome. Sous les quatre piliers qui portent la grosse charge des gradins, il a fallu descendre des puits de 30 mètres pour atteindre, à travers les gypses friables, la couche solide des calcaires de Saint-Ouen. La présence d’une nappe d’eau dans un puits vint encore aggraver les difficultés, nécessitant un travail ininterrompu de jour et de nuit.

Sous la direction vigilante de M. Desvignes, ingénieur E. C. P., assisté de MM. Penot et Bousquet, conducteurs, les travaux furent exécutés dans les délais imposés.

(3) Entreprise  Max  Renaud,  173,  rue  de  Paris,  à  Pantin.

Un chantier du sous-sol du Gaumont-Palace

Un chantier du sous-sol du Gaumont-Palace

Le grand plafond de la salle a été confié aux spécialistes des voûtes : Fabre et Cie.

Suspendu à la charpente métallique et exécuté entièrement en céramique armée de 2 centimètres d’épaisseur, selon le système breveté Fabre, ce plafond couvre une surface de 2.600 mètres carrés, d’un seul tenant. Il peut supporter une surcharge de 150 kilos par mètre carré; cela permet dans les combles toute facilité de circulation pour les électriciens, ou tout autre corps de métier appelé à y travailler. Le plafond Fabre peut, sans inconvénient, subir toutes perforations nécessitées pour la décoration et l’éclairage.
Il a été construit à l’aide d’un échafaudage volant accroché à la charpente et entièrement jointif, ce qui a permis aux autres entrepreneurs de travailler continuellement en dessous, en toute sécurité.

La charpente métallique des gradins (Allemant et Lebrun) du Gaumont-Palace

La charpente métallique des gradins (Allemant et Lebrun) du Gaumont-Palace

Le sous-sol du Gaumont-Palace constitue une véritable usine.

Une sous-station électrique, installée par les services électriques de G.F.F.A., reçoit de la C.P.D .E. le courant à haute tension. Deux groupes de transformateurs convertissent le courant pour les divers usages : éclairage, cabine de projection, ventilation, ascenseurs. Les tableaux de couplage des transformateurs et les tableaux de distribution sont groupés autour d’une même salle ; au milieu se trouve la commutatrice. L’électricien peut contrôler tout l’ensemble en un instant. En cas d’avarie à la commutatrice, un groupe de secours est installé à proximité.
En cas de panne du secteur, une batterie d’accumulateurs de secours assure automatiquement l’alimentation des amplificateurs. On peut ainsi rassurer le public et l’informer des dispositions prises pour la continuation du spectacle.

La chaufferie, comprenant trois chaudières A. et J. Niclausse au mazout, alimente les deux systèmes de chauffage du Gaumont-Palace : d’une part, les installations de conditionnement d’air qui assurent l’aération et le chauffage de la salle; d’autre part, un système dé chauffage à eau chaude pour les pourtours, dégagements et services. Bel exemple de qualité industrielle française, les chaudières Niclausse sont celles de l’ancien Hippodrome !

Après trente ans de service au charbon, on les a transformées pour le chauffage au mazout, qui présente entre autres avantages : absence de fumée et conduite extrêmement facile de toute la chaufferie par un seul homme.

Avec le brûleur « Prométhée », J. et A. Niclausse réalisent les derniers progrès dans la chaufferie moderne. Ce brûleur permet d’utiliser n’importe quelle qualité de mazout, même très inférieur et à bon marché. Il assure une combustion parfaite et le meilleur rendement. Il est complété par un dispositif de réglage automatique permettant l’arrêt instantané en cas de manque d’eau à la chaudière. Le réglage simultané du débit de mazout et de comburant, à la demande de la température à obtenir, fait varier l’allure de combustion entre des limites très étendues, de la plus faible à la plus poussée, contrairement à certains types qui règlent par le procédé peu recommandable « partout ou rien ».

La charpente métallique des gradins (Allemant et Lebrun) du Gaumont-Palace

La charpente métallique des gradins (Allemant et Lebrun) du Gaumont-Palace

Il nous est très agréable de terminer cette étude en félicitant les directeurs de G. F. F. A. et du Gaumont-Palace pour l’organisation impeccable de notre plus grand théâtre cinématographique.

Guidé par un personnel stylé et courtois, le spectateur se trouve installé à la place choisie avec la facilité la plus simple. Et la vaste salle se remplit sans que chacun ait jamais la notion de la foule.

Quant à la composition du spectacle, elle comble les plus difficiles. Le riche programme cinématographique sonore ferait à lui seul une belle soirée. Des parties scéniques et musicales de haute qualité complètent une réussite incomparable de grand spectacle moderne.

Henri Pacquet

Les photographies illustrant cet article sont de Borremans (pour la façade du Gaumont-Palace) et de Gravot, Henry et Arthur (pour toutes celles de l’intérieur du Gaumont-Palace).

Source : Ciné-Ressources / La Cinémathèque Française

Pour en savoir plus :

Dossier : Il était une fois Le Gaumont-Palace sur le site www.salles-cinema.com.

Une autre page sur le site www.salles-cinema.com

« J’ai connu le Gaumont-Palace de Paris » (www.salles-cinema.com)

Sur le site de Paris-Louxor.

Le Gaumont-Palace par Frédéric-Gimello-Mesplomb, Professeur (71°) à l’Université d’Avignon.

 

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4 commentaires sur “La rénovation du Gaumont-Palace (Cinémagazine 1931)

  • Claude Guilhem

    Visualiser ainsi ces lieux légendaires dont mon père m’avait autrefois parlé me procure à la fois plaisir et émotion. Il a travaillé 36 ans pour la société à la Marguerite, jusqu’en 1970.
    Né en 1946 je n’ai pas connu ces splendeurs, car dans les années 50 / 60 elles n’étaient plus animées. Grâce à vous elles demeurent, merci !
    J’ai tout de même pu apporter mes contributions précises aux articles Wikipédia consacrés au GAUMONT-PALACE de Paris ainsi qu’à celui de Toulouse.

    • Philippe M. Auteur de l’article

      Je savais que cet article vous ferait plaisir comme nous en avions discuté avant. J’essaie de temps en temps de mettre en ligne ces articles sur ces salles d’antan. Toute une époque !

      • Claude Guilhem

        Oui toute une belle époque !
        Je souhaite que vous transmettiez longtemps encore vos trésors aux nouvelles générations qui n’ont pas la moindre idée de ce patrimoine ciné-culturel auquel je suis tellement attaché; moi qui ai vu le jour dans les coulisses d’un grand cinéma.
        C’était en 1946, 70 ans déjà..