La Belle équipe de Julien Duvivier (Pour Vous 1936)


 Sur cette page vous retrouverez tous les articles concernant La Belle Equipe de Julien Duvivier parus dans la revue Pour Vous en 1936.

  • Mis à jour le 18 janvier 2021 –

Ce post est l’un des premiers que nous avons mis en ligne au démarrage de l’aventure de ce site, d’où le manque d’info en introduction.

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Bonne lecture !

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La Belle équipe de Julien Duvivier (Pour Vous 1936)

 jeudi 6 février 1936

Un encart avec une courte interview de Jean Gabin nous apprend que celui va bientôt tourner avec Julien Duvivier un film qui s’appelle (pour l’instant) : Le Jour de Pâques.

Pour Vous 06.02.36

Pour Vous 06.02.36

 

jeudi 27 février 1936

Lors d’une interview (rare) du scénariste Charles Spaak, nous apprenons qu’il travaille actuellement au scénario de Jour de Pâques de Julien Duvivier.

A la question : « A quoi travaillez-vous ? », Charles Spaak répond :
— J’achève deux scénarios, commandés l’un et l’autre. Pour Jean Renoir, La Grande Illusion, où se trouve étudié le milieu des prisonniers de guerre ; Le Jour de Pâques, pour Julien Duvivier, où se trouve étudié le milieu des chômeurs.

Puis il ajoute : « En réalité, les scénaristes mettent au monde des enfants que les metteurs en scène portent en eux. Pour peu qu’ils aient l’oreille un peu fine, dans les propos du metteur en scène qui leur demande une certaine intrigue, ils entendent le metteur en scène qui la leur raconte ».

Pour Vous 27.02.36

Pour Vous 27.02.36

 

jeudi 16 avril 1936

Le tournage de La Belle Equipe a démarré comme nous l’apprend ce court article sur le tournage Jenny de Marcel Carné qui emploie le même acteur, Charles Vanel.

« Quand on est sportif… »
Comme Charles Vanel devait tourner jeudi à Joinville dans La Belle Equipe, avec Duvivier, Marcel Carné dut arranger les scènes de Jenny de telle sorte que Vanel pût être libre le jeudi et donc tourner le samedi en échange une scène très importante, avec Albert Préjean. Or, Préjean est extrêmement sportif, et il avait un vif désir d’assister au match Sochaux-Racing.
Aussi entendait-on sur le plateau de Jenny : « Ça vous est égal à vous. Monsieur, que je travaille le samedi… Parce que Benoît se f… du sport. (Benoît, c’est le nom de Vanel dans le film.) Personne n’a besoin de voir un match… Ah ! l’auteur du scénario me l’avait bien dit, que ce Benoît est un triste salaud!… »
Et, comme Charles Vanel riait de bon cœur de ce déchaînement, Préjean secoua son ami : « Tu as encore le cœur de rire, canaille!… quand je ne verrai pas ce match à cause de toi !…»
Alors, Vanel, calme et olympien : « Prends ta bagnole, grimpe sur mon toit, rince-toi l’œil si tu peux et reviens… Ta prochaine réplique n’est que dans dix minutes ! »

Pour Vous 16.04.36

Pour Vous 16.04.36

 

jeudi 14 mai 1936

Au détour d’un article sur Josette Day, nous apprenons qu’elle commencera le tournage du prochain film de Duvivier le… 25 juin. Le film étant L’Homme du jour (qui sortira début 1937 avec Maurice Chevalier). Autrement dit, Julien Duvivier confirme sa réputation d’enchaîner les films (deux en 1935, deux en 1936 et trois !! en 37).

Pour Vous 14.05.36

Pour Vous 14.05.36

 

jeudi 17 septembre 1936

Tourné en même temps, La Belle Equipe sort le même jour que le premier film de Marcel Carné (Jenny). Voici la chronique de Jean Vidal du film de Duvivier.

« Un film ” populiste ” : La Belle Equipe (Film français) »
Au cours de sa longue et féconde carrière de metteur en scène, M. Julien Duvivier a abordé tous les genres avec une égale facilité. Il est capable de réaliser un drame psychologique comme Poil de Carotte, une comédie musicale comme Allo Berlin, ici Paris, une fresque religieuse comme Golgotha ou une histoire héroïque comme La Bandera.
Avec La Belle Equipe, M. Julien Duvivier affronte le cinéma « populiste », si toutefois ce qualificatif littéraire peut s’appliquer à l’art cinématographique. Les personnages de La Belle Equipe sont, en effet, des ouvriers, des chômeurs, et leur aventure, imaginée par Charles Spaak et Julien Duvivier, n’est pas sans rapport avec celle des chômeurs américains du Pain quotidien, de King Vidor.

Les cinq camarades qui forment La Belle Equipe sont des personnages de la vie, pris au hasard dans la foule des sans-travail. II y a Raymond (Aimos), le « Parigot » gouailleur et bon enfant ; Jacques (Charles Dorat), le jeune homme timide, sentimental ; Charles (Charles Vanel), brave homme faible et taciturne ; Jean (Jean Gabin), l’animateur de la bande, un « affranchi » énergique, généreux ; enfin Mario (Raphaël Medina), un Catalan, réfugié politique, que la police traque et qui aime une petite fille blonde (Micheline Cheirel). Les cinq hommes traînent ensemble leur vie misérable, quand, un soir, la chance leur sourit. Ils gagnent cent mille francs à la loterie. Comment employer cet argent ? Jean, le plus clairvoyant, propose d’acheter un terrain au bord de l’eau et d’y établir une guinguette. Et la belle équipe se met à l’ouvrage. Chacun travaille avec tout son coeur à édifier la maison commune. Mais l’amour et le hasard vont anéantir cette merveilleuse association. Jacques s’enfuit le premier, parce qu’il aime Huguette. Mario doit repasser la frontière. Raymond fait une chute, |e jour de l’ouverture de la guinguette, et il se tue. Entre les deux hommes qui restent, Jean et Charles, une femme intervient, Gina (Viviane Romance), et voilà l’amitié détruite. En fin de compte, Jean perd la tête et tire sur son compagnon.

Il y a d’excellentes choses, très vraies et très humaines, dans cette histoire, encore qu’on ne sache pas si MM. Spaak et Duvivier ont voulu prouver que la vie collective n’est qu’une belle illusion, ou s’ils n’ont rien voulu prouver du tout. Mais on aurait pu se passer de certains épisodes mélodramatiques dans un film où les nuances et la peinture de caractères occupent la première place. Toutes les ressources de son art et de son expérience technique, M. Julien Duvivier les a déployées dans une mise en scène vivante, mouvementée, trépidante parfois. Et, surtout, il a su choisir, d’excellents acteurs. On admirera une fois de plus l’aisance, le naturel, la vérité de Jean Gabin dans son personnage, le jeu nuancé et intérieur de Charles Vanel, l’entrain d’Aimos, la grâce de Micheline Cheirel ou la composition faite par Viviane Romance d’une coquette perverse et veule. Tous les autres interprètes, Charles Dorat, Raphaël Medina, Charpin, Jacques Baumer, Granval, Raymond Cordy, Robert Lynen, Vincent Hyspa, Marcel Géniat, même lorsqu’ils ne font qu’une courte apparition, ont une personnalité. On regrette seulement qu’ils parlent trop, beaucoup trop, avec une volubilité fatigante.

Jean Vidal.

Pour Vous 17.09.36 La Belle Equipe

Pour Vous 17.09.36

 

 

Pour Vous 17.09.36 photographie 1

Jean Gabin et Viviane Romance

 

Pour Vous 17.09.36 photographie 2

Charles Dorat, Jean Gabin, Raphaël Medina, Aimos, Charles Vanel.

 

Dans le numéro du jeudi 24 septembre 1936, on trouve cette belle photographie de Jean Gabin dans La Belle Equipe.

Pour Vous 24.09.36

Pour Vous 24.09.36

 

jeudi 1 octobre 1936

Dans la rubrique « La Parole est aux spectateurs », il est intéressant de relever ces deux critiques du film :

JACQUES LOEW (Paris) :
« Une très belle réussite de notre cinéma qui possède une suite et une force constantes. La réalisation de Duvivier est souple, aisée, coulée, presque parfaite, et la photo de Kruger constamment lumineuse. Divers types sont campés avec bonheur, sauf pour Jacques qui est mal venu, par la faute de Charles Dorat qui manque de chaleur. Un duo entre Jean Gabin est prodigieux d’intensité dramatique. Ces deux acteurs sont d’ailleurs de tout premier ordre ainsi que Charles Vanel et Aimos, qui sont de vrais acteurs cinématographiques, simplement. Micheline Cheirel est douce, charmante, et Marcelle Géniat excellente. »
UN COCHON DE PAYANT (Montrouge) :
Il commence par nous informer qu’il a déménagé et qu’il habite maintenant Montrouge. (Ça nous est parfaitement égal.)
« Tous les sous que je peux mettre de côté, je les garde pour le cinéma et je viens de voir deux films qui m’ont particulièrement emballé : My Man Godfrey, qui est d’une loufoquerie délicieuse, et un film français s’il vous plaît : La Belle Equipe, réalisé par J. Duvivier, qui bat de loin par le réalisme poignant, la pureté du jeu de ses interprètes, les plus belles productions américaines. Des acteurs comme Gabin, Vanel et Aimos, en particulier, sont sans rivaux. J’ai moins apprécié les autres interprètes du film et notamment la jeune vamp qui a évidemment une bouche… (censuré), mais qui joue comme une… (censuré). »

Ce spectateur parle bien sur de Viviane Romance

Pour Vous 01.10.36

Pour Vous 01.10.36

 

jeudi 8 octobre 1936

Une nouvelle critique du film apparaît dans la rubrique « La Parole est aux spectateurs », rubrique gérée par un certain Mr César…

La Belle Equipe
C. J. 4 :
« Je souhaite, monsieur César, que vous ayez passé d’agréables vacances, mais je vous avoue être ravie de votre retour prochain, qui nous vaudra la réouverture de la rubrique aux
spectateurs. C’est une des pages de votre journal sur laquelle je me précipite aussitôt en possession de celui-ci, non pour y voir insérées mes impressions qui ne sont ni fréquentes ni régulières, mais plutôt pour y lire avec plaisir celle bien différentes des miennes de vos sympathiques lecteurs. Je pense que vous allez être surchargé de travail et vous souhaite bon courage. (Merci pour tous ! ).

Me permettez-vous ensuite de vous donner mon impression sur La Belle Equipe ? (Oui, bien sûr !)  Quel beau film dont J. Duvivier vient de doter le cinéma français ! Les scènes et les artistes, bien photographiés, sont éclairés parfaitement ; les extérieurs sont clairs et lumineux, et des dialogues aucune parole n’échappe. Les interprètes y ajoutent leur talent incontestable et en font un film vraiment humain. Tous méritent des éloges, depuis Jean Gabin en passant par Ch. Vanel, Aimos. etc. (Viviane Romance m’a rappelé sans aucune ressemblance physique Colette Darfeuil, que j’appréciais et que l’on voit si peu maintenant). J’aurais préféré, je vous avoue, pour ma part, une fin moins mélo (pour dire le vrai mot), mais l’ambiance s’y prêtait et cela nous a valu de bien belles expressions de J. Gabin. J’ai eu plaisir à retrouver Charpin, que je n’avais pas revu depuis
Fanny. En espérant voir, cet hiver, d’autres films de la valeur de La Belle Equipe, je vous pris d’agréer, monsieur César, mes salutations empressées. » (Je vous transmets mes civilités cordiales).

Pour Vous 01.10.36

Pour Vous 01.10.36

 

Bordeaux-Ciné 15 mai 1936 (n°378)

En bonus, nous vous proposons cet article assez rare sur le tournage de La Belle Equipe aux studios de Joinville qui se termine par cette phrase qui illustre ce que nous espérons transmettre avec ce site :  l’on peut dire que c’est sur le plateau, comme dans le film, « la belle équipe ».

« En regardant tourner… LA BELLE ÉQUIPE »
Le décor représente la chambre d’un petit hôtel montmartrois. Par la fenêtre ouverte on aperçoit une perspective de toits gris et de cheminées, dominée par la silhouette familière de la Butte et du Sacre-Cœur. Kruger est à l’appareil ; Duvivier, exigeant et calme, indique à ses interprètes le jeu de scène. Il s’agit d’une discussion entre Viviane Romance et Jean Gabin. On répète… Dialogue et mouvement réclament également d’attention et de vérité pour « porter » sur le public et donner à cette scène toute son intensité.
Jean Gabin, dont tant de créations magnifiques ont montré le grand talent — qu’on se souvienne parmi beaucoup d’autres rôles, du Tunnel et de La Bandera — sait mettre dans le moindre jeu, une force, une sincérité à laquelle on reconnaît immédiatement l’artiste de classe. Viviane Romance lui donne ici la réplique avec beaucoup de finesse, une subtilité très féminine et une justesse de ton qui ne se rencontrent pas tous les jours chez une aussi jeune artiste…
Gina achève sa toilette, taudis que Jean Gabin arpente la chambre. Le dialogue est bref, serré… sourde volonté chez l’homme, réticences, ironie chez la femme. Il ne s’agit pas d’amour, mais d’argent et la discussion s’envenime à tel point que Jean Gabin brutalise sa ravissante partenaire avec toute la conviction qu’il sait apporter à des scènes de ce genre, où du reste il excelle.
…On tourne, on « retourne »… et déjà en face d’un curieux décor d’escalier installé dans un autre coin du « plateau », metteur en scène, opérateurs, machinistes repèrent leur angle de prise de vues et disposent une grue impressionnante du haut de laquelle la caméra pourra effectuer de curieuses photos en « plongée ».
Jean Gabin relit son texte, Micheline Cheirel, qui ne tourne pas aujourd’hui, vient rendre visite à ses camarades.

On travaille dans le calme aux studios de Joinville et l’on peut dire que c’est sur le plateau, comme dans le film, « la belle équipe ».

Michel DES PRES.

Bordeaux-Ciné 15.05.36

Bordeaux-Ciné 15.05.36

 

 

Source : Collection personnelle et Bibliothèque numérique de la Cinémathèque de Toulouse

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